Le talibé et l'épouse du marabout.

- Un conte (conteur).

- On l'écoute (auditoire).

- Il était une fois.

- Cela arrivait souvent.

- En avez-vous été témoins ?

- C'est de vous que nous le tenons.

- Les racontars d'aujourd'hui ne valent pas la peine de frapper son enfant.

- Encore moins les tiens.

Il y avait un marabout qui passait pour être le plus érudit de tout l'univers. Son école comptait cent soixante-dix talibés. Chaque jour il leur enseignait. Arriva un nouveau talibé. Le marabout en fit son préféré. Mais la jeune épouse du marabout, elle aussi le préférait.

Un jour le marabout annonça à son monde qu'il partait en voyage. Il parla ainsi à son talibé préféré :

« Demain matin tu iras dans le champ de mil et tu commenceras à cultiver ».

Alors, il s'en alla. Mais en fait de voyage il prit son fusil à deux coups et s'installa dans un tamarinier qui se dressait dans le champ de mil. Or, c'est justement là, au pied du tamarinier, que le talibé devait commencer à cultiver. Le marabout se tapit dans sa cachette, silencieux.

La jeune épouse du marabout parla au talibé :

- « Tu iras au champ là-bas. Regarde ce mouton. Voilà sept Tabaski que son maître refuse de le tuer. Eh bien ! pour toi je le ferai égorger, je le ferai cuire avec tout ce qu'il faut dans une marmite, et je t'en apporterai au champ. Et quand j'arriverai c'est une toute autre femme qui se révèlera à toi. Je viendrai à toi les reins ceints de sept kilos de perles blanches mêlées à trois kilos de perles rouges. »

Le talibé prit sa houe sur l'épaule et s'en alla chercher le champ.

Une fois dans le champ, il en scruta tous les coins et recoins.

Après avoir dit « bissimilaï », il se mit à chanter :

‘« Thia thiâ thia, le basi !
Thia thiâ thia, le basi !
Voilà mon père marabout parti encore en voyage ! Waï Thià thiâ thia, le mil !
Dieu fasse qu'il y crève cette fois !
Thia thiâ thia, le mil !
Ainsi j'hériterai de sa maison et de son champ !
Thia thiâ thia, le basi !
Et même j'hériterai de sa nouvelle épouse du printemps dernier.
Thia thiâ thia, vive le mil !
Thia thiâ thia vive le mil ! »’

Après avoir chanté, il planta son instrument dans la terre,.puisa dans son canari de l'eau qu'il but jusqu'à le vider et se mit à scruter l'horizon. Pendant ce temps, la femme du marabout faisait appel à l'aide de quatre talibés, le mouton fut égorgé et dépecé. Elle le prépara comme nulle part on ne le fit jamais. Le talibé assis dans les hautes herbes sentait le fumet de la viande cuite ; il observa les charognards qui planaient. Alors il se leva, se baissa à nouveau, et déchirant la terre avec sa houe, se remit à chanter.

Thia thiâ thia …

Quand la jeune épouse du marabout eut fini la préparation du repas, elle le porta sur la tête et alla trouver le talibé au champ. Arrivée auprès de lui, elle s'agenouilla devant lui, lui offrit le plat, puis se leva et dit : merci.

Alors elle déposa sa charge sur le sol, elle enleva ses pagnes et en étala par terre jusqu'à ce qu'il n'en reste qu'un, le plus petit.

Puis, elle se coucha sur le dos.

- Mais en se couchant ses yeux croisèrent ceux du serigne (caché dans l'arbre). Elle le reconnut et se mit à trembler.

Le talibé lui dit :

- « Qu'y a-t-il ? dis le, dis le moi vite. » La femme lui répondit,

« Allons-nous manger d'abord, ou bien allons-nous d'abord faire l'amour ? Qu'allons-nous faire Matar Ndiaga Samba ? »

Le talibé regarda les yeux de la femme et ne vit rien.

À son tour il leva là tête, et distingua dans le feuillage du tamarinier son maître avec son fusil. Il se mit à crier :

« Nous allons faire l'amour afin de mourir plus rapidement »

C'est là que le conte se perdit dans la mer et le nez qui le premier le reniflera ira en paradis.