1.1.3. Stratégie externe (Porter) et stratégie interne (Hamel et Prahalad)

Nous nous intéresserons principalement aux travaux de trois auteurs :

En tout premier lieu, nous rappellerons que pour Porter, la stratégie dépend avant tout de l’environnement dans lequel évolue l’entreprise, et tout spécialement du niveau de concurrence que connaît le secteur . Cet auteur amis au point un modèle d’analyse des forces concurrentielles en jeu, et considère que la stratégie d’une entreprise doit être dérivée à partir de cette matrice 30  :

Figure 1.5. : Modèle des cinq forces
Figure 1.5. : Modèle des cinq forces

A partir de ce postulat, nous pouvonsdéduire que la stratégie d’une entreprise s’établit en fonction des menaces qui se profilent dans l’environnement. Nous pouvons même dire que l’intégralité de l’analyse repose sur une étude des risques, les opportunités étant plutôt perçues comme une absence de risques. En développant et en intégrant à ce modèle, une typologie des barrières à l’entrée dans un secteur (économies d’échelle, différenciation du produit, besoins importants en capitaux, coûts de transfert, accès difficile aux circuits de distribution, désavantages de coûts indépendants de la taille), l’auteur initie un système qui permet ensuite d’articuler chaque secteur en groupes stratégiques. L’appartenance à un groupe entraîne ipso facto l’activation de certaines actions spécifiques, même s’il faut noter avec Gervais 31 (1989) que le concept de groupes stratégiques ne se décline pas aussi aisémenten actions opératoires.

Il faut cependant aussi noter chez Porter, une volonté d’intégrer à son système une analyse interne de l’organisation, même si celle-ci se fait de manière indirecte. La notion de chaîne de valeur, ainsi nommée par son auteur, cible, au cœur de l’entreprise, les principaux points de création de valeur, la réunion de ces points servant ensuite de socle àla constitution d’un avantage concurrentiel. Cette chaîne de valeur aurait pour effet de positionner l’entreprise par rapport à ses concurrents. 32

Figure 1.6. : La chaîne-type de valeur
Figure 1.6. : La chaîne-type de valeur

L’avantage concurrentiel, selon Porter, dérive alors de l’interaction entre elles des activités créatrices de valeur. Il existe cependant une réelle difficulté à lier entre elles les deux types d’analyses et à identifier clairement, à partir du modèle des cinq forces, quelle est la chaîne de valeur la plus appropriée. Porter lui-même reconnaît indirectement cette faiblesse, puisqu’il suggère, pour créer une position pérenne, de mettre en œuvre des stratégies dites génériques, servant de guides dans les grandes lignes, indépendamment des résultats obtenus lors de l’analyse de l’environnement, interne ou externe.

Hamel et Prahalad 33 (1995) ont proposé une démarche très différente, basée sur un angle d’approche opposé : la facette interne de la stratégie d’entreprise, connue sous le nom de théorie de ressources.

La théorie des ressources est bâtie à partir de différents principes :

Comme le rappelle Dejoux 34 (1997), cette théorie est inspirée d’une analyse de Ricardo : les entreprises sont dans la possibilité de capturer des rentes si elles ont à leur disposition des ressources rares, difficiles à imiter et non substituables. Dans le cadre des ressources humaines, certaines caractéristiques particulières permettent de repérer les ressources répondant au qualificatif de rare :

Cette vision est à rapprocher des actifs spécifiques développée par Williamson 35 à partir de 1975.

En effet, les ressources rares sont des actifs spécifiques, car elles ne sont pas facilement transférables. De plus, la perte de ces ressources, tout comme la perte d’actifs spécifiques, entraîne un coût élevé pour les entreprises.

Par contraste, les entreprises peuvent, pour se concentrer sur leurs ressources rares, en éliminer d’autres moins sélectives. Pour bien illustrer la différence entre le modèle d’analyse classique et celui de l’analyse en terme de ressources, nous avons emprunté à Dejoux 36 (1997) les schémas suivants :

Figure 1.7. : Analyse stratégique classique
Figure 1.7. : Analyse stratégique classique
Figure 1.8. : Approche Ressource
Figure 1.8. : Approche Ressource

Dans le cadre de cette théorie, la proactivité peut donc être perçue comme un processus visant à éliminer les ressources non essentielles pour l’entreprise, ce qui lui permet ainsi de concentrer ses efforts sur son domaine de compétences.

Notes
30.

Porter, M. , Choix stratégiques et concurrence, op.cit ., p.4

31.

Gervais, M.,(1989) Contrôle de gestion et planification de l’entreprise, Economica, Tome 2, 3ème édition, p. 117

32.

Porter, M., 1986, L’avantage concurrentiel, Paris, InterEdition, , p. 53

33.

Hamel et Prahalad, 1995, La Conquête du Futur, InterEditions

34.

Dejoux F., 1997, Pourquoi les entreprises françaises s’intéressent à la théorie des ressources ?, Direction et Gestion des Entreprises N°166 ; Juillet-Août

35.

Williamson O.,1975, Markets and hierarchies : analysis and antitrust implications. A study in the economics of internal organization, New York Free Press

36.

Dejoux, 1997, Pourquoi les entreprises françaises s’intéressent à la théorie des ressources ?, op.cited