1.3.3. Les effets du manque de liaison temporelle

Le manque de temps dévolu au pilotage stratégique induit un déficit de coordination entre les différents éléments constitutifs de la stratégie. La traduction concrète sur le terrain est révélée, dans les diagnostics, par des phrases témoins émanant des personnes interviewées. Elles soulignent l’absence de cohérence entre les actions quotidiennes et la stratégie clairement identifiée :

Nous dénotons en particulier un manque d’anticipation dans la programmation des activités, des changements de dernière minute qui viennent désorganiser la production, une absence de transmission d’informations qui se traduit par la mise en œuvre d’actions à faible valeur ajoutée, et un manque de suivi dans les actions stratégiques. De plus, le fort absentéisme est un fait admis par tous. Ces fréquentes absences ont pour conséquences de désorganiser les plannings de fabrication et l’affectation des personnes sur les postes de travail. D’autant plus que les difficultés de remplacement et le manque de dispositif précis de régulation sont également mis en avant.

Dans l’exemple qui nous intéresse, la mise en place d’outils structurants dans l’entreprise ne peut être une solution avantageuse que dans la mesure où ces derniers sont adaptés à la chronobiologie de l’organisation. Les Plans d’Actions Prioritaires programmés dans l’entreprise l’ont été sur une période de douze mois, ce qui laisse à penser que les priorités sont diluées et que l’entreprise perd l’opportunité de faire des évaluations et des ajustements qui auraient pu s’avérer utiles. Cette périodicité pose la question de l’existence réelle de l’évaluation des Plans d’Actions Prioritaires.

Dans tous les cas, ce manque de liaison temporelle implique une perte d’opportunité ou un manque à gagner pour l’entreprise. L’exemple chiffré, présenté ci après, obtenu à partir de la valorisation des coûts cachés, parle de lui-même.

L’absence de méthode de planification adaptée à l’activité a pu être évaluée à 794 300 € (Entité B). Les dysfonctionnements élémentaires que nous avons pu relever sont les suivants :

Dans la seconde entité, la planification et la programmation défectueuses par manque d’anticipation et de rigueur induisent un manque à gagner de 71 300 € (Entité B). Les dysfonctionnements élémentaires constatés sont les suivants :

Les effets du manque de liaison temporelle touchent l’ensemble des activités de l’entreprise comme le montre cette distribution. Les différents secteurs de l’entreprise (ressources humaines, logistique, production, achats….) sont concernés, ce qui conduit à une désorganisation flagrante du flux de production.

Figure 1.13. : Flux de production et distorsions temporelles
Figure 1.13. : Flux de production et distorsions temporelles

Ce manque de liaison se répercute automatiquement sous forme d’un déficit d’anticipation et donc de proactivité. L’entreprise, devant faire face à des régulations, ne peut évoluer que dans le domaine de la réaction, c’est-à-dire dans une phase temporelle postérieure à l’action. La régulation de l’activité est par définition réactive puisqu’elle vient pallier un manque qui n’a pas été anticipé. L’une des premières bases stables sur laquelle le concept de proactivité doit s’appuyer est la notion d’anticipation. Nous reviendrons sur cette notion dans la troisième partie de notre thèse, en développant notamment deux aspects particulièrement cruciaux : la notion de veille stratégique et la notion de toilettage.

Ce défaut d’anticipation est d’autant plus préoccupant que les entreprises ne sont pas toujours conscientes que les stratégies linéaires et/ou adaptatives comportent des limites qui peuvent perturber leur performance économique et sociale.