2.3.3. Le rôle des stratégies d'acteurs

Les tactiques à court terme, se heurtant aux comportements des acteurs internes, engendrent des pertes d'énergies qu’il serait possible de récupérer. En effet, le comportement des différents acteurs crée des zones de déperdition ou de détournement d’énergie qu’il y aurait lieu de canaliser pour atteindre les objectifs stratégiques à long terme de l’entreprise. Cela est principalement visible dans :

Nous voyons bien que pour éviter ces pertes d'énergie, une attention particulière doit être portée non seulement aux stratégies des acteurs externes, mais aussi internes.

Les acteurs internes sont détenteurs de pouvoirs qui peuvent générer un effet négatif sur la performance de l'entreprise. Comme le rappelle Poirier 74 (1987), «ce qui fonde la conscience politique d'un groupe, c'est la reconnaissance d'une différence ontologique avec les autres groupes. Même et Autre sont voués à être en désaccord du fait même de leur existence. Le conflit va donc être la base de leur relation. La stratégie devient l'art et la science de manœuvre des forces pour accomplir les fins de la politique ». Dès lors «si la politique est projet et si le projet de l'un croise nécessairement ceux des autres coexistants(…), la politique s'accomplit par ce type d'action qu'est la stratégie : celle-ci n'est que la politique en acte 75  ».

Le croisement de ces projets donne lieu à l’apparition du concept d’équilibration tel que défini par Perroux ou Piaget (1975) 76 . L’équilibration est définie comme « un enchaînement de décisions et d’actes dans une suite de temps. L’état d’équilibre est la persistance plus ou moins durable de séquences traduisant, sous les contraintes explicitées de structures, de l’intercompatibilité des projets et des activités des agents 77  ».

Il nous paraît intéressant de coupler cette notion d’équilibration avec celle d’agent. Un agent, toujours selon Perroux 78 (1975) étant «une unité énergétique dans le sens où il est porteur d’énergie de changement du milieu dans lequel il se trouve : des choses et d’autres agents…. , l’énergie d’un agent pendant une période déterminée est fonction : de son capital énergétique, de son capital culturel et de ses coordonnées dans le milieu social, c’est ce qui différencie l’énergie entre deux agents…Les agents sont donc inégalement capables d’agir sur leurs partenaires et de transformer leur milieu, au cours des périodes de leurs opérations et dans le temps irréversible ».

L’équilibration, à travers les stratégies d’acteurs ou d’agents, peut donc avoir

lieu :

Ce large spectre recouvre l’ensemble du réseau économique du micro au macro en passant par le méso. L’énergie déployée ne l’est plus alors en vue d’atteindre un objectif commun, mais pour créer des zones au sein desquelles différents projets pourront coexister.

Selon Astley. & Van de Ven 79 (1983) «la vie de l'organisation, ses caractéristiques, son agencement, sont modelés par les intentions et actions des individus, plus particulièrement ceux qui détiennent le pouvoir et exercent des choix délibérés et rationnels ». Nous souscrivons à cette approche mais précisons que pour nous :

L’ensemble de ces détournements ou dispersions d’énergie, passé en régulation ou en recherche de zones floues à l’intérieur de l’organisation peuvent être évaluées toujours grâce à la méthode des coûts cachés. Ces pertes ont pu être estimées à 138 300 € (Entité B) et sont dues principalement aux dysfonctionnements élémentaires suivants :

Si les managers sont bien conscients de l’existence de ces zones grises où il est possible de rencontrer des stratégies d’acteurs évoluant à l’encontre de la stratégie affichée par l’entreprise, ils n’ont pas su développer des solutions capables d’y remédier.

Dans la majorité des cas, les analyses ont tenté de repérer comment l’entreprise pouvait se comporter par rapport à son environnement externe mais bien peu ont porté sur l’adaptation par rapport à l’environnement interne. Nous allons voir que les stratégies émergentes dans les années 1980 / 1990 n’ont pas échappé à ce travers, même si leur objectif était de rendre l’entreprise plus proactive.

Notes
74.

Poirier L, 1987, Stratégie théorique II, Economica Paris

75.

Poirier L. 1985, Les voix de la stratégie, op.cited

76.

Piaget J. 1975, l’équilibration des structures cognitives problème central du développement, Puf, Paris, 188p

77.

Perroux F, 1975, Unités actives et mathématiques nouvelles, révision de la théorie de l’équilibre économique général, Dunod 274p p.71

78.

Perroux F, 1975, Unités actives et mathématiques nouvelles, révision de la théorie de l’équilibre économique général, op cited, pp.85-86

79.

Astley. & Van de Ven, 1983, Central perspectives and debates in organization theory, Administrative science quaterly, n°28, , pp.243-273