4.1.1. Définition de la recherche-intervention

Notre méthode de recherche, calquée sur celle en vigueur au laboratoire au sein duquel notre thèse a été encadrée, s’intitule recherche-intervention. Cette recherche s’organise autour d’un processus d’interactivité cognitive entre les acteurs de l’entreprise et l’équipe de recherche (Savall et Zardet 104 1995). Cette démarche se veut à la fois descriptive, explicative et prescriptive et cherche à produire des connaissances d’intention scientifique structurées et cohérentes.

Les deux premières dimensions sont communes à la majorité des méthodes de recherche. La dernière dimension, celle de la prescription rend co-responsables l’entreprise et le chercheur dans la détermination des résultats empiriques et la production de connaissances qui dérivent de l’intervention en entreprise. Alors que la recherche-action se caractérise par un retrait du chercheur et par une (supposée ?) neutralité 105 , la recherche-intervention se situe dans une logique transformative 106 .

Nous présentons dans le tableau suivant, bâti à partir d’une matrice empruntée à David, une définition possible de la recherche-intervention.

Cette dernière est définie par rapport :

  • Au degré de formalisation c’est-à-dire au degré de définition formelle des changements produits ou à produire,
  • Au degré de contextualisation, c’est-à-dire au degré d’intégration au contexte des changements produits par la recherche. 107
Figure 4.3. :Formalisation et contextualisation du changement dans les quatre démarches de recherche
Figure 4.3. :Formalisation et contextualisation du changement dans les quatre démarches de recherche

Les flèches en trait épais indiquent la transformation effectivement réalisée au cours de la recherche, les flèches en trait fin matérialisent ce qui serait une suite logique du processus, non abordée au cours de la recherche, d’où les points d’interrogation dans le tableau.

Si nous adhérons à cette logique, il nous faut cependant spécifier que les recherches-interventions que nous conduisons ne s’inscrivent pas dans le cadre défini par David. Nous proposons, dans un second tableau, et en parallèle des travaux de cet auteur, notre propre approche de la recherche-intervention.

Figure 4.4. : Analyse socio-économique et recherche-intervention
Objectifs
Démarche
Diagnostic :
Construit à partir de la confrontation de l’existant et d’une situation idéalisée (orthofonctionnement)
Recensement des régulations, évaluation des conséquences, typologies des pratiques de management, collecte d’information, structuration des informations, prise en compte des stratégies d’acteurs (notion de contingence générique 108 et construction mentale et concrète de la réalité)
Projet :
Construit à partir des dysfonctionnements recensés dans le diagnostic après concertation entre le chercheur et les acteurs
Structuration des problèmes à résoudre et sélection des informations pertinentes, coproduction de connaissance
Mise en œuvre :
Transposition en actions concrètes du projet
Formalisation d’outils de management et collecte d’informations sur les modes de management de projet, apport méthodologique
Evaluation :
Nouveau diagnostic évaluant la réduction des dysfonctionnements
Suivi et coresponsabilité des effets de l’intervention, évaluation des résultats

Notes
104.

Savall H et Zardet V., 1995, La dimension cognitive de la recherche intervention : la production de connaissance par interactivité cognitive,op/cited.

105.

Rappelons toutefois qu’Argyris souligne que le recherche action implique des expériences changements, et que l’un des objectifs est d’apporter une assistance aux acteurs sur des problèmes réels. Cf Argyris C., Putman R., McLain Smith D., 1985, Action Science, Jossey Basse

106.

Voir à ce sujet Ocler R., 2001, The role of the consultant following a process of donwsizing : case of a fish processing industry, Colloque EGOS, Juillet Lyon

107.

David A., 2000, La recherche intervention, cadre général pour la recherche en management ?, in Les nouvelles fondations des sciences de gestion, coordonné par A. David, A. Hatchuel et R. Laufer, Vuibert FNEGE p.205

108.

Nous reprenons ici la définition donnée par Savall et Zardet : « cadre épistémologique admettant la présence de spécificités dans le fonctionnement des organisations mais posant l’existence de régularités et d’invariants qui constituent des règles génériques dotées d’un noyau dur de connaissances présentant une certaine stabilité et une «certaine universalité ». » Savall H et Zardet V,1995., Ingénierie stratégique du roseau, ibid, p 495