4.2.1. Les paradigmes réaliste/nominaliste et constructivisme/positivisme

Selon Baumard 127 (1999), « Le constructivisme, courant et démarche de recherche, se matérialise à la fois par une croyance forte dans la relativité de la notion de vérité ou de réel, et par une forte opposition au positivisme, en n'en rejetant toutefois pas l’empirisme de sa praxis ». Il existerait donc plusieurs explications des réalités observées et l’intérêt ne résiderait pas dans la réalité observée elle-même mais bien dans le processus de sa construction. Comme le rappelle Boudon 128 (1979) on peut souligner la forte compatibilité du constructivisme avec le principe qui établit que le chercheur « doit se faire une règle de considérer les individus ou acteurs inclus dans un système d'interaction comme les atomes logiques de son analyse ». Nous effectuerons un nouvel emprunt à Baumard, pour présenter, sous forme d’un tableau, les principales différences entre les paradigmes constructiviste et positiviste, auquel nous avons adjoint notre propre positionnement, que nous pourrions qualifier de médian.

Figure 4.10. : Paradigme et Positionnement Personnel
Concepts constructivistes Rejet des positivismes correspondants Positionnement personnel
Influence du courant institutionnaliste : la réalité est le produit d’une absorption des socialisations, énoncés, habitualisations de la société Concept de construction sociale de Berger et Luckmann 129 (1966) : la réalité est intersubjective, situationnelle, puis légitimée par étapes successives Rejet de l’hypothèse ontologique

Pas de réalité en soi (mais contradiction intrinsèque avec l’institutionnalisation

Rejet du principe d’évidence : rien ne va de soi, rien n’est donné, tout est construit (Bachelard 130 1938)

Rejet de l’empirisme (ce que je vois est ce qui est)
alternance de démarches logico-déductives et des démarches empirico-déductives

Alternance Immersion / Distanciation
Influences méthodologiques : l’instrument façonne le réel dont il est le reflet Emergence des construits par abduction (Blaug 131 1982)

Proximité avec la recherche-action : « étudier les opérations au moyen desquelles nous constituons notre expérience du monde (Glasersfled 132 1988)
Rejet du principe de découverte de la réalité

Rejet de la vérité statique et de l’induction formelle

Rejet de la neutralité de la logique déductive

rejet du principe de raison suffisante
Structuration de la réalité à partir des outils de management socio-économique
Similarités avec l’individualisme méthodologique : la réalité est engendrée par les actions et les choix de l’individu L’individu se construit en entrant dans un système d’interaction

Pas d’accès à la connaissance en soi, mais accès à l’expérience cognitive

Principe d’interaction dans les processus de transformation des systèmes d’interaction
Rejet de l’hypothèse déterministe

Pas de détermination susceptible d’être connue à priori

Rejet de l’hypothèse causaliste :

Pas d’explication unique et permanente de la réalité

Rejet du principe de contemplation : la perception sociale est de nature non pas contemplative mais au contraire active » (Boudon 133 , 1986, 107)
Coproduction et coresponsabilité du chercheur et des acteurs (interactivité cognitive)

MAIS
Recherche d’invariants (contingence générique)

Notre approche se situe en ligne directe dans le courant de la contingence générique, reconnaissant les spécificités propres à chaque organisation mais affirmant qu’un ensemble d’invariants affectent leur performance. Après avoir précisé notre position au sein de ce courant, il est nécessaire de faire un point sur les principales notions qui nous ont guidé et plus particulièrement sur celle de fertilisation croisée.

Notes
127.

Baumard P (1999), Constructivisme et processus de recherche : l’émergence d’une posture épistémologique chez le chercheur, ibid, p3

128.

Boudon, (1979), La logique du social, Paris hachette,

129.

Berger P.L et Luckmann T. 1966, The social construction of reality. A treatise in the sociology of knowledge, NY. Doubleplay

130.

Bachelard.G., 1934-1980, Le nouvel esprit scientifique, Paris PUF

131.

Blaug ; M., 1982, La méthodologie économique, Paris Economica

132.

Glaserfeld (Von). 1988, Introduction à un constructivisme radical, op cited

133.

Boudon ,1986, L’idéologie ou l’origine des idées reçues, Paris Fayard