Selon Baumard 127 (1999), « Le constructivisme, courant et démarche de recherche, se matérialise à la fois par une croyance forte dans la relativité de la notion de vérité ou de réel, et par une forte opposition au positivisme, en n'en rejetant toutefois pas l’empirisme de sa praxis ». Il existerait donc plusieurs explications des réalités observées et l’intérêt ne résiderait pas dans la réalité observée elle-même mais bien dans le processus de sa construction. Comme le rappelle Boudon 128 (1979) on peut souligner la forte compatibilité du constructivisme avec le principe qui établit que le chercheur « doit se faire une règle de considérer les individus ou acteurs inclus dans un système d'interaction comme les atomes logiques de son analyse ». Nous effectuerons un nouvel emprunt à Baumard, pour présenter, sous forme d’un tableau, les principales différences entre les paradigmes constructiviste et positiviste, auquel nous avons adjoint notre propre positionnement, que nous pourrions qualifier de médian.
Concepts constructivistes | Rejet des positivismes correspondants | Positionnement personnel | |
Influence du courant institutionnaliste : la réalité est le produit d’une absorption des socialisations, énoncés, habitualisations de la société | Concept de construction sociale de Berger et Luckmann 129 (1966) : la réalité est intersubjective, situationnelle, puis légitimée par étapes successives | Rejet de l’hypothèse ontologique Pas de réalité en soi (mais contradiction intrinsèque avec l’institutionnalisation Rejet du principe d’évidence : rien ne va de soi, rien n’est donné, tout est construit (Bachelard 130 1938) Rejet de l’empirisme (ce que je vois est ce qui est) |
alternance de démarches logico-déductives et des démarches empirico-déductives Alternance Immersion / Distanciation |
Influences méthodologiques : l’instrument façonne le réel dont il est le reflet | Emergence des construits par abduction (Blaug
131
1982) Proximité avec la recherche-action : « étudier les opérations au moyen desquelles nous constituons notre expérience du monde (Glasersfled 132 1988) |
Rejet du principe de découverte de la réalité Rejet de la vérité statique et de l’induction formelle Rejet de la neutralité de la logique déductive rejet du principe de raison suffisante |
Structuration de la réalité à partir des outils de management socio-économique |
Similarités avec l’individualisme méthodologique : la réalité est engendrée par les actions et les choix de l’individu | L’individu se construit en entrant dans un système d’interaction Pas d’accès à la connaissance en soi, mais accès à l’expérience cognitive Principe d’interaction dans les processus de transformation des systèmes d’interaction |
Rejet de l’hypothèse déterministe Pas de détermination susceptible d’être connue à priori Rejet de l’hypothèse causaliste : Pas d’explication unique et permanente de la réalité Rejet du principe de contemplation : la perception sociale est de nature non pas contemplative mais au contraire active » (Boudon 133 , 1986, 107) |
Coproduction et coresponsabilité du chercheur et des acteurs (interactivité cognitive) MAIS Recherche d’invariants (contingence générique) |
Notre approche se situe en ligne directe dans le courant de la contingence générique, reconnaissant les spécificités propres à chaque organisation mais affirmant qu’un ensemble d’invariants affectent leur performance. Après avoir précisé notre position au sein de ce courant, il est nécessaire de faire un point sur les principales notions qui nous ont guidé et plus particulièrement sur celle de fertilisation croisée.
Baumard P (1999), Constructivisme et processus de recherche : l’émergence d’une posture épistémologique chez le chercheur, ibid, p3
Boudon, (1979), La logique du social, Paris hachette,
Berger P.L et Luckmann T. 1966, The social construction of reality. A treatise in the sociology of knowledge, NY. Doubleplay
Bachelard.G., 1934-1980, Le nouvel esprit scientifique, Paris PUF
Blaug ; M., 1982, La méthodologie économique, Paris Economica
Glaserfeld (Von). 1988, Introduction à un constructivisme radical, op cited
Boudon ,1986, L’idéologie ou l’origine des idées reçues, Paris Fayard