4.3.2. La phase de verbalisation

Le processus de définition de concepts et d'analyse des organisations connaît un passage obligé : la phase de verbalisation qui utilise soit une approche littérale soit une approche métaphorique. Le processus de communication peut se définir comme suit :

Figure 4.13 : processus de communication
Figure 4.13 : processus de communication

L’utilisation critique du langage littéral ou du langage métaphorique se fait au niveau du codage et du décodage. La communication d’informations comporte trois domaines distincts :

Notre analyse se situe principalement au niveau de la sémantique. En effet, pour Nonaka 142 (1991,1994) le processus de découverte scientifique, spécialement en sciences humaines est fortement lié au langage et donc par définition à l’utilisation de la métaphore.

Le problème de l’utilisation des métaphores en sciences est apparu avec Aristote qui introduit d’emblée la distinction entre langage littéral et langage métaphorique, ce dernier devant, aux dires du philosophe, être réservé à la poésie mais éliminé des sciences naturelles. Pour Pinder et Bourgeois 143 (1982) le langage imagé s'oppose au langage littéral qui fonde la connaissance scientifique. Dans ce paradigme fonctionnaliste, la métaphore ne fait pas partie de la connaissance scientifique et peut même lui être nuisible. En conséquence, si elle est inévitable, elle doit être minimisée.

Selon Desreumaux 144 (1998), il est courant d'opposer l'épistémologie positiviste, qui nourrit un projet d'accumulation de connaissances sur des régularités et des relations causales, censées caractériser le monde des organisations et l’épistémologie non positiviste (ou constructiviste) exprimant une posture essentiellement subjective selon laquelle on ne peut comprendre les phénomènes qu'en investissant le cadre de référence du participant en action. Pour les positivistes, le seul usage de la métaphore est incapable de produire une connaissance rigoureuse des organisations; il n'est tout au plus qu'une étape préliminaire au développement d'un langage littéral qui doit, de toute façon, être préféré. A l'inverse, certains considèrent que le maniement d’un tel langage n'est pas possible, puisqu'il n'y a pas de vérité absolue mais seulement des vérités construites sur la base d’un cadre de référence subjective : les métaphores sont alors essentielles puisqu'elles structurent le cadre conceptuel utilisé et font partie intégrante de la façon selon laquelle la réalité est socialement construite. Certains auteurs privilégient une position médiane. Marshak 145 (1993) ne montre aucune préférence entre les deux types d’approche et admet qu’au lieu de les séparer, il faudrait les utiliser de façon congruente, spécialement dans les projets de changements organisationnels.

Pour Black 146 (1962), l’avantage majeur du discours métaphorique est d’introduire une terminologie théorique dans des domaines encore inexplorés, et dépend à ce titre principalement de la catachrèse. Les termes scientifiques, étant quant à eux parfaitement fixés (spécifiques et non interchangeables), ne peuvent pas permettre d’explorer ces terrains.

Palmer et Dunford 147 (1996) imputent cette opposition à la «séparation » des sphères lors du processus de construction de connaissance et cherchent principalement à comprendre et analyser les différences entre ces deux sortes de langage.

Notes
142.

Nonaka, I. ,1991, The knowledge creating company , Harvard Business review, Nov-Dec : 96-104; Nonaka, I. ,1994, A dynamic theory of organizational knowledge creation, Organization science n°5 :14-37

143.

Pinder, C.C., et Bourgeois, V.W., 1982, Controlling tropes in Administrative Science, Administrative Science Quaterly, 27, n°4, 641-652

144.

Desreumaux, A., 1998, Théories des organisations, op cited

145.

Marshak, J., 1993, Managing the metaphors of change, Organizational Dynamics, 22(1) : 44-56

146.

Black, M., 1962, Models and metaphors, Ithaca, NY, Cornell University Press

147.

Palmer, I., et Dunford, R., (1996), Conflicting uses of metaphors : reconcepualizing their use in the field of organizational changes, Academy of Management Review, 21, n°3 691-718