5.1. Définitions

Dans un premier temps, nous définirons ce qu’est une métaphore et nous repositionnerons cette forme rhétorique par rapport aux autres modes d’expression.

5.1.1. Métaphores et analogies

En rhétorique, la métaphore est une figure de style appartenant à la famille des tropes : un trope étant lui-même une figure par laquelle une expression ou un mot est détourné de son sens propre. D’après Burke 158 (1969), les tropes se partagent en quatre catégories :

  • Les métaphores : procédé de langage qui consiste en un transfert de sens (terme concret dans un contexte abstrait) par substitution analogique ;
  • Les métonymies : figure de rhétorique par laquelle s’exprime un concept au moyen d’un terme désignant un autre concept qui lui est uni par une relation nécessaire, par exemple l’expression «la cause pour l’effet » ;
  • Les synecdoques : figure de rhétorique qui consiste à prendre le plus pour le moins, la matière pour l’objet, l’espèce pour le genre, la partie pour le tout, le singulier pour le pluriel ou inversement, par exemple : un fer pour une épée ;
  • L’ironie (socratique) : manière d’interroger en feignant l’ignorance.

En cherchant à définir plus avant ce qu’est une métaphore, nous trouvons plusieurs interprétations :

  • une métaphore est un transfert de sens (première définition de la métaphore donnée par Aristote) ;
  • une métaphore met en correspondance deux éléments placés, chacun de son côté, dans un environnement défini seulement de manière très globale (Le Roy 159 1999) ;
  • une métaphore consiste en la substitution d'un terme à un autre qui lui est assimilé, opérant ainsi un rapprochement entre deux notions qui entretiennent un rapport d'analogie (Durieux 2000 160 ) ;
  • une métaphore est la figure de discours dans laquelle un nom ou un terme descriptif est transféré d'un objet à un objet différent, mais analogue à celui dans lequel il est proprement applicable (Tsoukas 161 (1991)) ;
  • une métaphore est un procédé qui juxtapose soit des termes soit des exemples concrets pour créer un réseau de similitudes et ainsi déterminer un sens à la description de la réalité (Kuhn 162 (1993)) ;
  • une métaphore est une cartographie entre deux domaines conceptuels normalement séparés (Sweetser 163 (1990), Turner 164 (1991)) ;
  • une métaphore est un outil de représentation à travers lequel un concept peut prendre sens. Elle réduit deux termes à leurs caractéristiques conjointes, permettant ainsi un transfert linguistique d’un domaine à un autre (Coffey et Atkinson 165 (1996)) ;
  • une métaphore est une forme basique et structurelle d’expérience à travers laquelle les humains s’engagent, s’organisent et comprennent le monde (Morgan 166 (1993)).

La métaphore est souvent jugée comme étant, par nature, générale et peu formalisée (Le Roy 167 (1999)), bien que certains auteurs réfutent le concept de transfert imprécis (Berger-Douce 2000 168 ).Cette notion d’imprécision trouve sa source dans les comparaisons entre les métaphores et les analogies.

La plupart des auteurs tendent en général à ne pas faire de véritable distinction entre la métaphore et l’analogie, la métaphore apparaissant alors comme un transfert analogique.

Il nous semble important de préciser ici que si l’analogie et la métaphore sont deux procédés certes voisins, ils ne sont pas identiques. Une fois de plus, nous ferons un détour par le domaine de la rhétorique pour définir l’analogie. Selon Vuillemin 169 (1967) la théorie aristotélicienne consiste principalement à utiliser, sous le nom d'analogie, un nouveau type de termes, les convenienta ou ambigua, dans le rôle d’intermédiaire entre synonymes et homonymes stricts, rôle imparfaitement tenu jusqu'alors par les «paronymes» d'Aristote. L’analogie devient alors un rapport de ressemblance établi entre deux ou plusieurs choses ou personnes (Berger Douce 170 ).

Dans une forme extrême, l’analogie est présentée comme une équation ou une loi générale, commune à deux domaines distincts, utilisant un langage littéral.

Il existerait donc deux types d’analogies :

  • des analogies qui développent des transferts précis entre deux domaines, sans pour autant utiliser le langage littéral ;
  • des analogies de type mathématique, utilisant un langage littéral, qui postulent l’existence de points communs entre deux domaines.

Le premier type d’analogie serait plus proche de la métaphore, alors que le second s’en éloigne. Ce dernier est paradoxalement beaucoup mieux accepté puisqu’il fait appel à une formalisation, lui conférant ainsi une justification scientifique (le langage littéral). Il s’agit maintenant de comprendre comment les métaphores peuvent, elles aussi, être utilisées dans des processus de définition de concept.

Notes
158.

Burke, K., 1969, A grammar of motives, Berkeley, university of California Press

159.

Le Roy F, 1999, Stratégie militaire et management stratégique des entreprises, ibid

160.

Durieux F., 2000, Le raisonnement par analogie et par métaphore en gestion, Actes de la journée de recherche de l’IRG sur « Epistémologie et méthodologie en sciences de gestion » Université Paris XII, pp175-192

161.

Tsoukas, H.,1991, The missing link : a transformational view of metaphors in organizational science, op cited

162.

Kuhn, T.S., 1993, Metaphors in sciences, Metaphors and Thoughts, A.Ortany, Cambridge, Cambridge University Press

163.

Sweetser, E., 1990, From Etymology to Pragmatics : Metaphorical and cultural aspects of semantic structure, Cambridge University Press

164.

Turner, M., 1991, Reading Minds : the study of English in the age of cognitive science, Princeton, NJ, Princeton University Press

165.

Coffey, A. et Atkinson, P, 1996, Making sense of Qualitative data, Thousand Oaks, Sage

166.

Morgan, G, 1993, Imaginization. New York, sage

167.

Le Roy F, 1999, Stratégie militaire et management stratégique des entreprises, ibid

168.

Berger Douce S. 2000, Le raisonnement analogique en sciences de gestion, Actes de la journée de recherche de l’IRG sur « Epistémologie et méthodolohie en sciences de gestion », Université Paris XII pp.193-211

169.

Vuillemin, J, 1967, De la logique à la théologie, cinq études sur Aristote (1ère étude : L’Analogie), Paris, Flammarion

170.

Berger Douce S. 2000, Le raisonnement analogique en sciences de gestion, Actes de la journée de recherche de l’IRG sur « Epistémologie et méthodolohie en sciences de gestion », op.cited.