5.2.2. Les précautions à apporter à l'utilisation des métaphores

L'utilisation des métaphores en sciences de gestion se doit d’être cadrée dans certaines limites. Dans un premier temps, force est de constater, comme le rappelle Desreumaux 207 (1998), que l’usage des métaphores en sciences de gestion n’est pas toujours apparent et qu’il peut être explicite ou implicite. En listant les huit métaphores majeures identifiées par Morgan 208 (1986), nous nous apercevons que la majorité des théories et des concepts managériaux se rattache à l’une de ces métaphores :

Pour prendre un exemple concret, la correction des dégradations que subissent les structures organisationnelles au cours du temps pourra être baptisée «maintenance organisationnelle » si l’on fait référence à l’organisation mécanique ou « toilettage » si l’on s’inscrit dans l’organisation organique. Il nous semble important de rendre plus explicite l’utilisation des métaphores(en mentionnant simplement dans quel cadre l’analyse se situe), ne serait-ce que pour mieux en fixer les limites.

Par ailleurs, Sanderlands et Srivatsan 209 (1993) identifient deux points sensibles appelant à une vigilance accrue :

  • la confusion de cartographie : cette confusion se produit lorsque les métaphores entraînent le chercheur au-delà des frontières de son objet de recherche,
  • la confusion des territoires : cette confusion intervient lorsque le chercheur n’étudie plus le domaine cible mais le domaine source.

Nous voyons bien qu’il est indispensable de bien définir :

  • d’une part, à la fois le domaine cible et le domaine source,
  • d’autre part, l’objet de l’étude sur lequel vont porter les métaphores afin de limiter ces risques de confusion.

Enfin, nous relèverons que les métaphores sont un outil, et qu’à ce titre, elles sont à manipuler dans un but spécifique. Nous estimons que celui-ci n’est pas tant d’expliquer la réalité que de transmettre une information sur la perception de cette réalité. C’est pourquoi, afin de bien délimiter nos travaux, nous veillerons à ce que l’usage que nous ferons des métaphores réponde bien à ces deux spécifications :

  • un axe de construction : les métaphores sont utilisées pour construire un modèle théorique. La validation de ce modèle, et donc l’explication de la réalité, ne proviendra pas de la métaphore elle-même mais de la confrontation du modèle aux données collectées sur le terrain ;
  • un axe de communication : les métaphores sont utilisées pour transmettre un message. Elles représentent un codage particulier d’un signal qui doit permettre une compréhension totale du message, se basant sur la linguistique mais aussi sur l’expérience du récepteur.

Si les métaphores sont effectivement utilisées conformément à ces deux axes, nous pensons qu’elles représentent alors un instrument adapté aux sciences de gestion et qu’elles permettent d’introduire, dans les modèles théoriques, des éléments d’analyse que d’autres méthodes auraient occultés. En résumé, les métaphores sont porteuses de sens si elles sont utilisées de façon non prescriptive.

Notes
207.

Desreumaux A ; 1998, Théories des organisations, op cited

208.

Morgan G., 1986, Image of the Organization, Newbury Park, CA, Sage

209.

Sandelands, L., & Srivatsan, V., 1993, The problem of experience in the study of organizations, Organizational