6.2.3. Le Ma-ai de l'organisation

Au-delà de l’énergie et des voies de circulation qu’elle emprunte, nous devons nous interroger sur la notion de temps dans la mise en œuvre stratégique.

Pour Clausewitz, deux principes sont déterminants, qui renvoient respectivement à la notion de Kokuy et à la notion de Ma-ai :

Dans la mise en œuvre d’une stratégie, le temps et la distance revêtent une importance capitale. Pour Jullien 249 (1996) «Nous avons à faire, en effet, non pas à un, mais à deux instants cruciaux (i.e. au début et à la fin de la transformation). Autant, au stade terminal, l'occasion est devenue flagrante, autant, à son stade initial, elle n'est encore que difficilement perceptible ; mais c'est cette première démarcation qui pourtant est décisive, puisque c'est d'elle que débute la capacité d'effet et que l'occasion finale n'en est, somme toute, que la conséquence. «

Tout l’art consiste à repérer cet instant initial, qui détermine le moment précis où l’impulsion doit être donnée. Lorsque l’on évoque le fameux «non agir» dans la littérature chinoise ou japonaise, il s’agit bien évidemment de la phase considérée au stade terminal.

C’est ainsi que le moment dit critique ne correspond pas au stade de la manifestation mais se déplace en amont jusqu'au point le plus infime -celui de l'amorce- là où commence à s'opérer le clivage entre transformation et réaction et qui est décisif. Le sage ou le bon stratège est celui qui possède la capacité à détecter dans le présent les potentialités d’une situation.

Les notions de réactivité et de proactivité se définissent par rapport à un positionnement dans un espace temps (notion de Ma-ai). «Agir» placé au stade terminal caractérise la réactivité, le même situé au stade initial signe la proactivité. Toujours selon Jullien, le bon stratège est celui qui intervient en amont du processus : il sait repérer les facteurs qui lui sont favorables alors qu'ils ne sont pas encore actualisés et, dès lors, il peut faire évoluer la situation dans le sens qui lui convient : quand le potentiel accumulé se révèle complètement en sa faveur, il engage résolument le combat et le succès est assuré. Ce n’est donc pas l’action finale qui est déterminante bien que ce soit la plus visible.

A partir de ces données, notre démarche consiste à proposer une définition de la proactivité et à déterminer quelles en sont les composantes.

Notes
249.

Jullien F,1996, Traité de l’efficacité, ibid.