6.3.2. Anticipation et influence sur l'environnement

Cet axe pourrait s'inscrire dans le cadre de ce que Perroux 251 (1994 ; 1978) désigne comme les unités actives. Pour mémoire, nous rappellerons que l'unité est dite active si «par sa propre action et dans son intérêt propre, elle est capable de modifier son environnement, c'est-à-dire le comportement des unités avec lesquelles elle est en relation». Il faut noter que l'activité s'apprécie par rapport à plusieurs niveaux gradués, depuis l'influence jusqu’à la dominance, en passant par l'entraînement.

Par ailleurs, nous pouvons noter avec Jullien 252 (1996) que l’environnement est «ce qui permet à la circonstance de s’accomplir : la circonstance n'étant plus ce qui, dans sa détermination particulière, et donc imprévisible, risque de faire achopper le plan projeté sur elle , mais plutôt ce qui peut être progressivement infléchi, précisément grâce à sa variabilité, par la propension émanant de la situation et faire advenir le profit escompté » .

La notion d'unité active regroupe ainsi deux des piliers qui entrent dans la définition du concept de proactivité. On y retrouve d'une part, le caractère de flexibilité et d’adaptabilité grâce à la notion de plasticité, et d'autre part, la capacité à faire réagir l’environnement et non l’inverse. La proactivité anticipe et influence les changements environnementaux de l'entreprise alors que la réactivité répond à ces changements environnementaux. En d’autres termes, la proactivité crée la circonstance (au sens de Jullien), alors que la réactivité la subit.

A ce titre, nous pouvons identifier un risque majeur de dérive. La notion d'unité active, considérée isolément, pourrait être interprétée comme une tentative d'externalisation négative de la part d’une entreprise dominante. Ainsi, cette dernière pourrait en retirer des bénéfices substantiels, en imposant par exemple des règles strictes de processus de fabrication, mais l'ensemble du secteur s’en trouverait fragilisé et placé dans une position précaire. C'est pourquoi il nous semble important de noter que l'unité active ne doit pas être envisagée comme un moyen de contrôle de l'environnement mais plutôt comme un outil permettant la mise en place de «jeux à somme non nulle ». Une approche du type «win-win situation » dans laquelle les clients, l'entreprise et les fournisseurs créent ensemble une stratégie génératrice de synergie et centrée sur la création de valeur dans le long terme est certainement une réponse adaptée, bien qu’encore rarissime.

Notes
251.

Perroux, F., 1994, Pouvoir et Economie Généralisée, in « Les œuvres Complètes » Vol. 5 n°2, Presse Universitaire de Grenoble Voir aussi Perroux F., 1978, Présentation de la série Sciences de Gestion, repris in « Revue Sciences de Gestion Numéro Spécial XXème anniversaire »n°8-9, 1998

252.

Jullien F,1996, Traité de l’efficacité, ibid.