7.2. Gestion interne du changement et toilettage organisationnel

7.2.1. Notion de toilettage organisationnel

Le concept de toilettage peut être défini comme suit : « maintenance ou remise en état de fonctionnement des objets matériels ou immatériels d’une organisation, tels que structures, procédures et comportements, qui subissent des dégradations au fil du temps » 260

Dans sa thèse, Bernadet 261 (1997) répertorie six formes de dégradations auxquelles le processus de toilettage s’attache à répondre, en limitant l’apparition de dysfonctionnements :

  • Vieillissement : perte progressive et irréversible des caractéristiques initiales d’un objet physique.
    « Le matériel est très vétuste. Par exemple, les sauciers ont un mélangeur qui a une contenance de 200 litres, ce qui les oblige à faire la sauce en plusieurs fois pour éviter que cela déborde » (Entité B - Personnel De Base)
  • Abandon : absence d’acte décisif, non prise de décision et non-action face à une alternative préférable qui impose un passage à l’acte.
    « C'est la loi du silence lorsque les paramètres définis ne sont pas respectés. On n'arrivera jamais, dans ce cadre, à affiner les paramètres de maîtrise du processus de production » (Entité A - Encadrement)
  • Détérioration : perte des caractéristiques des éléments d’action dans leur production de performance économique ou sociale.
    « Je dois faire face à d'importants problèmes au niveau du fonctionnement des machines, ce qui entraîne une perte de temps. Il y a un manque de maintenance préventive » (Entité B - Encadrement)
  • Inadaptation : inadéquation entre un élément d’action existant et sa finalité.
    « Personne ne travaille avec les mêmes méthodes. On devrait travailler de la même manière avec la même énergie. Au lieu de cela chacun gère son petit train-train »
  • Manque : insuffisance quantitative d’éléments d’actions, qui sont à priori qualitativement adéquats.
    « Le matériel n'est jamais vérifié car il manque du personnel. » (Entité B - Personnel De Base)
  • Accumulation : amoncellement désordonné et non structuré d’objets et d’informations.
    « Systématiquement, les personnes du service et certaines de l'usine viennent me voir quand elles rencontrent la moindre difficulté car les postes n'ont pas été clairement définis » (Entité A - Encadrement)

La mise en place d’un processus de toilettage permet de prendre en compte les changements structurels qui apparaissent autour et au sein de l’entreprise et d’anticiper ces changements pour améliorer sa performance.

De nombreux auteurs s’accordent sur le fait qu’une évaluation périodique des règles, procédures et méthodes de fonctionnement interne est nécessaire pour maintenir l'adéquation de la structure de l'entreprise avec son environnement.

Lavalette et Niculescu 262 (1999) précisent qu’au cours du temps, l’organisation génère elle-même ses propres contraintes et qu’une «démarche de consolidation » visant à lever ces contraintes est indispensable. A ce titre, ces auteurs différencient :

  • Des tâches de résultats : ce sont les tâches qui conditionnent directement ou indirectement la satisfaction des clients finaux ;
  • Des tâches de contraintes : ces actions internes ne concernent pas directement les clients et l'environnement socio-économique de l'entreprise mais plutôt samachinerie»

Lors de notre intervention, chacun a reconnu que certaines tâches d'entretien, de maintenance, de gestion des stocks, de contrôle de la production et de négociation avec les fournisseurs étaient mal assumées. Le manque de temps, la réalisation du travail dans l’urgence et le manque d’anticipation ont souvent été invoqués comme à l’origine de ces dysfonctionnements. L’ensemble des actions réalisées a visé à réduire les dysfonctionnements, chiffrés à 699 000 € (Entité B) et orientés sur le manque de matériel, son inadaptation et les difficultés de maintenance des machines. Ces dysfonctionnements se lisaient principalement dans les domaines suivants :

  • pertes de matières premières,
  • interruptions de production,
  • manutentions inutiles,
  • perte de temps passé à rechercher du matériel.

Certains groupes de travail ont ainsi beaucoup travaillé sur les pannes et leur dispositif de régulation. Des réponses immédiates et visibles ont pu être apportées, par exemple : le remplacement de certaines machines (tunnel de surgélation), l’inventaire des pannes de machines ou de matériel, la quasi-disparition des dysfonctionnements liés aux nuisances (fumée) et témoignent du travail effectué.

Cependant, les dysfonctionnements inhérents au manque de formalisation et de respect des règles et des procédures, ainsi qu’au manque de gestion des priorités et des stocks, thèmes rarement abordés, ont été peu travaillés lors des groupes de projet et groupes de travail. Or leur impact sur le résultat immédiat est patent.

Par ailleurs une prise de conscience collective est apparue sur l’avantage de disposer de règles du jeu communes à l’ensemble de l’entreprise. En première instance, l’accent a été mis sur l’hygiène et la sécurité, mais la volonté d’instaurer des procédures identiques en termes de rangement, de méthodes communes de gestion et d’animation se fait jour progressivement.

Parallèlement aux actions entreprises pour toiletter l’organisation, des initiativesdoivent être lancées pour gérer et développer la création de potentiel au sein de l’entreprise. Le fait que le devenir de l’organisation se construit en même temps que son bon fonctionnement présent n’a pas encore été intégré par l’ensemble des acteurs.

Notes
260.

Savall H.et Zardet V., 1995, Ingénierie Stratégique du Roseau, op.cit p 506

261.

Bernadet A.C., 1997, Contribution des pratiques de toilettage à l’amélioration de la qualité du fonctionnement des organisations, Thèse pour le doctorat ès sciences de gestion, sous la direction de H Savall, Université Lumière Lyon 2 Octobre

262.

Lavalette G et Niculescu M ,1999, Les stratégies de croissances, ibid.