8.3.3. Implication et énergie de changement

Le dernier point qu’il nous reste à aborder concerne l’implication des acteurs et l’énergie de changement dont ils disposent.

Nous pensons que les entreprises recèlent de poches d'énergie cachée qui sont très rarement mobilisées. Lepersonnel de base semble très sceptique par rapport aux actions de changement : il en a déjà tant et tant vu et entendu à ce sujet. Pour autant, les actions d’amélioration ne doivent pas être ralenties par des positions attentistes. Le changement interviendra pour tous par la contamination positive impulsée par l’entourage.Il nous a semblé étonnant que la plupart des dysfonctionnements exprimés soient devenus faux, ou déjà solutionnés dans la phase de projet. Comment interpréter cette impression que finalement l’entité ne reconnaît pas rencontrer beaucoup de problèmes en termes de communication, de conditions et d’organisation du travail ? Les dysfonctionnements sont une fonction exponentielle directement corrélée à l’autosatisfaction des acteurs. Lors du projet nous avons pu constater que les agents porteurs de changement et d’innovation restent encore trop souvent isolés et ne sont pas toujours pris au sérieux par l’ensemble de l’entreprise.

Les évolutions de l'environnement ainsi que la routinisation des comportements créent des zones de pertes d'énergie qu'il serait possible de récupérer.

Cela est spécialement vrai dans les domaines suivants :

  • Motivation
    « Les gens ne sont pas motivés. C'est dommage pour l'avenir de l'entité 'frais et fumage' car si l'entreprise coule, il n'y a plus qu'à déménager ». ( Entité A - Personnel De Base)
  • Implication
    « Beaucoup de gens avaient le sentiment que tout allait changer d'un seul coup avec l'arrivée du nouveau Président Directeur Général. Il y a un certain laxisme ambiant, on attend sans rien faire» (Entité A - Encadrement)
  • Absentéisme
    « Comme chaque année après la saison, il y a une montée de l'absentéisme. Cependant, cette année, le taux de janvier est plus fort : 18 à 20%. » (Entité A - Encadrement)
  • Gestion de la qualité
    « Si l'on veut faire de la bonne qualité, il ne faut pas sans arrêt nous pousser. A force de nous dire qu'il faut du rendement, on ne peut plus faire de la qualité. » (Entité B - Personnel De Base)
  • Gestion des problèmes
    « Dans l'entreprise, il y a des difficultés à mettre les problèmes sur la table. On recherche plutôt des boucs-émissaires, avec un faible niveau de prise de responsabilité personnelle » (Groupe - Direction)
  • Prise d’initiative
    « Le personnel manque de responsabilités et d'initiatives. Tous les matins, il faut les prendre par la main et les emmener à leur poste . » Groupe - Encadrement

Le personnel déplore l’incapacité de l’encadrement à insuffler une énergie de changement. L’absence de prise en compte des dysfonctionnements récurrents, tels que le manque d’entretien préventif, en est une illustration. En outre le personnel souffre de l’existence de clans au sein de l’usine et d’un manque d’équité dans sa relation avec la hiérarchie. Cela perturbe la coopération et l’entraide entre les services, notamment pour le remplacement des absents. Lors du diagnostic nous avons souligné que la différence entre un agitateur et un bâtisseur peut se mesurer à l’œil nu ou à l’oreille, et qu’il reste à mener une lutte dans l’entreprise pour éradiquer l’une de ces catégories. Le manque de cohérence et de rôle moteur de l’encadrement se retrouve dans les faits par un montant de coûts cachés de 10 700 € (Entité A)

En outre, la politique salariale est jugée peu motivante. Les salaires sont en inadéquation avec les responsabilités assumées et des iniquités persistent. Pour l’encadrement, les bas salaires sont sources de démotivation et expliquent les nombreuses absences et départs constatés, par exemple, au niveau des agents de maintenance. Un effort particulier a pu être apprécié soulignant le souci de la direction et l’encadrement d’améliorer son mode de gestion du personnel. La révision des rémunérations, pour les rendre plus équitables, en est une parfaite illustration. Cependant si une intensité accrue au niveau du pilotage de la production se fait sentir, il n’en va pas de même pour le suivi et le portage d’activités moins opérationnelles. Une implication plus forte des cadres semble encore nécessaire dans le portage des politiques et des actions. En fin de compte, l’entreprise manque de pilotes et de porteurs d’actions de changement. Le pilotage est concentré sur quelques têtes et un nombre élevé de coopérants sur certaines actions risque de diluer les responsabilités, le portage et la vitesse de réalisation des actions. L’incompréhension par le personnel de la stagnation de la politique des ressources humaines se matérialise dans les faits un coût caché important (795 600 € pour l’entité B)

Ce chapitre nous a permis d’introduire les grands axes de la mise en œuvre d’une stratégie proactive. Nous avons ainsi développé les notions d’intégration stratégique et de pilotage, d’organisation interne-externe, et de mode de management. Chaque axe a été assorti d’outils destinés à favoriser l’essor de la proactivité à l’intérieur de l’entreprise.

Figure 8.8 : Les grands axes de la mise en œuvre de la stratégie proactive
Figure 8.8 : Les grands axes de la mise en œuvre de la stratégie proactive

Nous allons maintenant chercher à comprendre comment cette notion de proactivité peut évoluer et quelles sont les composantes majeures qui vont permettre cette évolution.