9.1.1. Environnement interne et environnement externe

Les sciences de gestion accordent à la notion d’environnement une place prépondérante. Plusieurs auteurs mentionnent le rôle majeur qu’exerce l’environnement externe sur l’organisation, en tant que producteur d’informations critiques utilisables par cette dernière.

On assiste alors :

  • soit au développement de stratégies principalement orientées marketing, qui visent à stabiliser l’environnement externe, c’est-à-dire à collecter un maximum d’informations sur le marché pour les traiter en interne (voir en particulier Foster 287 (1986) ou Detrie et Ramanantsoa 288 (1983))
  • soit à la reconnaissance d’un environnement externe, ne pouvant être maîtrisé du fait de sa turbulence et de sa complexité (Denis 289 (1990), Midler 290 (1993)).

De ce fait, les stratégies développées permettent :

  • -d’influencer partiellement l’environnement externe (Marion et Gomez 291 (1992)),
  • ou d’adapter l’entreprise aux contingences externes (Porter 292 (1982))

L’environnement externe devient alors essentiellement un pourvoyeur d’informations qu’il faut recueillir afin d’obtenir des repères ou auxquelles il faut se conformer.

L’environnement interne quant à lui est très souvent perçu comme une variable d’adaptation. C’est à lui qu’il appartient de se soumettre à l’environnement externe et de s’adapter afin qu’une stratégie puisse se montrer efficace. C’est cette conceptionque l’on retrouve dans la littérature classique en gestion (Foster 293 (1986), Kotler et Dubois 294 (1987), Pitol-Belin et Horovitz 295 (1984), Kalika 296 (1990)).

Cependant, certains auteurs soulignent l’intérêt de l’environnement interne notamment pour :

  • mobiliser le potentiel humain (Crozier 297 (1989)),
  • identifier les forces internes (Enrègle et Thietart 298 (1978)),
  • identifier les compétences internes ( Marion 299 (1993)).

Pour notre part, nous estimons que les environnements, externe et interne, jouent à part égale dans le processus de prise de décision stratégique et il nous semble opportun de ne pas les opposer mais bien de les intégrer au cœur même de l’analyse stratégique. L'intégration et la synchronisation des actions sur l’environnement interne et externe revêtent une importance capitale dans une stratégie proactive. Lors de notre intervention, la recherche d’efficacité s’est matérialisée par une révision de la politique d’achats (environnement externe), par une modification des horaires de travail (environnement interne) et par un début de consolidation de l’équipe d’encadrement (environnement interne).

Selon nous, un système combiné de veille stratégique et de toilettage interne répond à cet impératif de correspondance des interfaces entre la structuration interne de l'entreprise et son environnement, en vue d’éviter les quatre écueils stratégiques identifiés par Dixon 300 à savoir :

  • l'indécision : face à une situation évolutive, l'absence de décision revient à laisser l'initiative aux adversaires ;
  • la sous-estimation du danger, suscitée par le fait que la façon la plus facile de réduire les sentiments désagréables causés par une menace est de minimiser son importance réelle ;
  • le conservatisme : les dirigeants préfèrent s'en tenir aux idées anciennes qui ont fait leurs preuves (et ce d'autant plus que le danger est grand) ;
  • la mauvaise réputation de certains renseignements, due au fait que les dirigeants n’en tiennent pas compte ou nient leur contenu.

9.1.2. La maîtrise des interfaces internes/externes

Une meilleure articulation entre l’environnement interne et l’environnement externe passe par le développement et la maîtrise d’un certain nombre d’interfaces. Or, il n'existe pas d'analyse fine de l'adéquation entre l'organisation interne de l'entreprise et la structuration de l'environnement externe.

Cela est vrai en ce qui concerne principalement :

  • le rôle des services servant d’interfaces entre l’interne et l’externe
    « Le service achats a un rôle d'amortisseur des dysfonctionnements. On est continuellement occupé à réguler les dysfonctionnements. » (Entité B - Encadrement)
  • la structuration du maillage interne de l’entreprise
    « Le manque de synchronisation opérationnelle entre les achats, la production et les ventes crée des dysfonctionnements dramatiques » (Groupe - Direction)
  • le désinvestissement humain dans des activités stratégiques importantes
    « Nous ne sommes que deux personnes pour nous occuper des ventes de SVF. En plus, j'ai assez de choses à faire pour m'occuper sans faire de prospection. » (Groupe - Encadrement)
  • une absence de relais des informations externes critiques
    « Nous avons des problèmes de communication instrumentale entre le commercial et la production. Nous n'avons pas d'outils permettant de donner des prévisions de production hebdomadaires sur nos produits. » (Groupe - Encadrement)

Les rôles respectifs et l’intégration des différentes interfaces sont reproduits dans le graphique suivant. L’environnement interne de l’organisation est représenté de façon très schématique par trois pôles :

  • la Recherche et Développement,
  • la production,
  • la force de vente.

Autour de ces trois pôles se trouve une frontière, matérialisée par l’ellipse centrale, qui marque les limites de l’organisation. Cette frontière est à équiper de capteurs, dirigeant les informations vitales soit vers le pôle recherche et développement, soit vers le pôle force de ventes. Ces deux pôles absorbent et amortissent les turbulences de l’environnement, protégeant ainsi le cœur de l’entreprise, à savoir la production. Ils traitent les informations pertinentes, assurent leurs transferts vers la production, à charge pour ce secteur de prendre en compte un certain nombre de remarques. A son tour, la production émet des informations en direction de ces deux pôles, qui vont les redistribuer dans l’environnement externe. Ce va-et-vient incessant dans le transfert de l’information intègre l’entreprise à son environnement externe et rend alors celui-ci dépendant de certaines informations internes.

Figure 9.1. : Echanges informationnels et direction des informations
Figure 9.1. : Echanges informationnels et direction des informations

Les interfaces jouent un rôle de protection, sont garantes d’une certaine stabilité dans la sphère production, et stimulent l’évolution et la progression grâce à la transmission d’informations pertinentes.

Notes
287.

Foster R., 1986, L’innovation : avantage à l’attaquant, Préface de Jean-Louis Beffa, InterEdition, 316p.

288.

Detrie J .P. et Ramanantsoa B., (1983), Stratégie de l’entreprise et diversification, Préface de Vincent Mercier, Nathan, 222p.

289.

Denis H. ,199), Stratégies d’entreprise et incertitudes environnementales. Design organisationnel, cultures et technologie, Paris, Economica, 1990

290.

Midler C. ,1993, L’auto qui n’existait pas. Management des projets et transformation de l’entreprise, Préface de R.H Lévy, InterEditions, 215p.

291.

Marion G et Gomez P.Y. ,1992, Convention et marketing : j’en ai rêvé , Sony l’a fait, Annales des Mines, Gérer et comprendre, Mars

292.

Porter M., 1982, Choix stratégique et concurrence, Paris, Economica, 426p.

293.

Foster R., 1986, L’innovation : avantage à l’attaquant, op.cited.

294.

Kotler P. et Dubois B, (1987), Marketing Management Paris, Publi-Union, 5ème édition, 742p.

295.

Pitol-Belin J.P. et Horovitz, (1984), Stratégie pour la PME, McGrawHill, 159p.

296.

Kalika M. (1990), Structures d’entreprise : réalités, déterminants et performances, Paris, Economica, 428p.

297.

Crozier M., 1989, L’entreprise à l’écoute. Apprendre le management post-industriel ; op.cited

298.

Enrègle Y et Thietart R.A, 1978 , Précis de direction et de gestion, Paris, Editions d’Organisation, 382p.

299.

Marion A (sous la direction de), 1993, Le diagnostic d’entreprise. Cadre méthodologique, Economica, 331p.

300.

Cité dans : Philoleau Y.H. et Swiners J.L. Le marketing de combat, op.cited