9.2.2. Notion de propension

Au potentiel de situation, il faut associer étroitement la notion de propension. Dans le cadre stratégique, nous pensons :

• qu’au lieu de construire une forme idéale qu'on projette sur les choses, il est préférable de s'attacher à détecter les facteurs favorables à l'œuvre dans leur configuration ;
• qu’au lieu de fixer un but à son action, il convient de se laisser porter par la propension ;
• bref, qu’au lieu d'imposer son plan au monde, il est plus efficace de s'appuyer sur le potentiel de la situation.

L’adaptation de ces données au processus d’une intervention socio-économique peut s’exprimer ainsi :

• Apporter une assistance de structuration mais laisser l'information remonter par lebiais des acteurs (diagnostic) ;
• Formaliser des outils, mais les laisser servir par les acteurs eux-mêmes (projet),
• Analyser le potentiel de la situation en le structurant (projet),
• S’attacher à suivre le potentiel de situation dans son évolution (Evaluation).

En effet, selon Jullien ³⁰⁶ (1996) la conception de ce potentiel assure la transition entre les supputations initiales, conduites selon des règles fixes, et l'exploitation ultérieure des circonstances, une fois le processus engagé. Car en même temps qu'il ne faut cesser, au cours des opérations, de donner le change à son adversaire (comprendre ici l’environnement externe) il convient de s'adapter constamment à lui.

Le calcul du rapport des forces en jeu s’établit à partir d’une série d'items qui visent à cerner la situation sous tous ses aspects. En répondant systématiquement à ce type de questionnaire, et en faisant converger les données, le conseiller politique parvient à un niveau de connaissance suffisante des facteurs en jeu, pour être certain du résultat de l'opération qu'il engage. Nous noterons au passage le parallèle qui peut être fait entre cette description et le diagnostic socio-économique, basé sur un ensemble d’idées-clés, génériques des problèmes les plus fréquemment rencontrés dans les organisations. Le diagnostic sert à faire le point sur la situation telle qu’elle est perçue par l’ensemble des acteurs. Il détermine alors les possibilités d’évolution et c’est par rapport au diagnostic que le projet est construit. C’est donc bien, dans ce cas, le potentiel de situation qui va déterminer l’orientation que prendra la recherche de solution.

Si nous nous penchons plus avant sur l’analyse chinoise, «nous constatons que toute la pensée chinoise de l'efficacité, et quelles que soient ses options idéologiques, se retrouve dans ce geste : revenir à la souche, à la base, c'est-à-dire au point de départ de ce qui, comme condition, porté ensuite par l'évolution des choses, s'imposera progressivement tout seul. L'effet, alors, n'est pas seulement probable, comme dans un rapport construit de moyens à fin, mais découlant sponte sua, il se produit immanquablement. « Dès lors qu'il est amorcé, un processus est porté de lui-même à se déployer, quelque chose est engagé qui ne demande qu'à devenir. De lui-même signifie que l'essor en question est contenu dans l'état présent des choses, qu'il va «de soi» qu'il en soit «ainsi», que cela est naturel. Cependant, qu'il soit impliqué ne signifie pas pour autant que ce procès se réalise, reste encore à lui fournir les conditions de son déroulement. » (Jullien ³⁰⁷ (1996)).