9.2.3. Notion d'efficacité au sens chinois du terme

Si nous retenons cette vision, il devient alors clair que les stratégies proactives ne se bâtissent pas, à l’identique des stratégies traditionnelles, en fonction d'un but à atteindre ex nihilo.

Leur essence est de se composer à la fois d’éléments internes structurés, c’est-à-dire adaptés aux variations de l’environnement et d’éléments internes structurants, c’est-à-dire ayant une influence sur la structuration de l’environnement externe.

L'efficacité chinoise n'est pas d'agir pour ou contre, d'entreprendre ou de s'opposer, mais simplement, s'entendant en terme de processus, d'amorcer et de désamorcer (amorcer ce qui, en se déployant, tendra de lui-même dans un sens favorable ; et désamorcer ce qui, si infime que ce soit mais déjà contenu dans la situation, la porterait à évoluer de façon négative) (Jullien 308 (1996)).

La stratégie devient alors l’art d’activer ou de désactiver les éléments qui vont permettre à l’organisation d’évoluer sur un chemin favorable et de limiter les écarts entre les objectifs souhaités et les objectifs atteints (notion d’efficacité occidentale).

Il est aussi important de noter que dans ce contexte, la stratégie se décline en termes de processus qui intègre une fois de plus l’interne et l’externe. L’amorce et le désamorçage concernent tout autant les éléments propres à l’entreprise que ceux se situant dans son environnement externe.

Il nous semble important de faire ici un point sur le fameux «non agir » qui se retrouve à travers toute la philosophie asiatique et qui trop souvent a été chargé d’une connotation de passivité. Si nous nous attardons sur la définition de l’efficacité chinoise, il apparaît que l’action (l’amorçage et le désamorçage) s’évacue dans le temps et qu’il n’est plus possible d’en tracer les effets de façon distincte.

La non-action asiatique est à comprendre dans ce sens. L’action ne doit pas être portée de façon rigide, en cherchant à forcer un changement d’état. Au contraire, elle doit avoir lieu en amont, c’est-à-dire qu’elle a vocation à transformer les éléments déterminants du potentiel de situation afin que le résultat souhaité découle de lui-même.

Il ne s’agit plus de forcer, de s’opposer mais bien de déterminer les circonstances de façon à ce qu’il ne soit pas possible d’obtenir un résultat négatif.

Le stratège cherche donc bien à manipuler 309 son environnement, dans le sens premier du terme, c’est-à-dire en modifiant les configurations afin d’agencer celle qui sera la mieux adaptée. Une stratégie efficace est donc celle qui réussit à la fois à manipuler l’environnement interne et l’environnement externe.

Notes
308.

Jullien F, 1996, Traité de l’efficacité , ibid.

309.

Notons au passage que dans ce contexte, le terme est dénué de toute vision négative et ne doit pas être interprété comme convoyant une connotation machiavélique