Cas de l’éducation non formelle.

Nous nous reportons au travail d’Altet85 qui propose une typologie des situations d’apprentissage propice à établir une comparaison empirique entre le monde scolaire et le monde non formel de l’apprentissage. Pour schématique que soit cette présentation, elle a pour seul mérite d’établir une courte liste d’indicateurs.

Tableau 1 : comparaison entre situations d’apprentissage d’éducation formelle et non formelle, d’après Altet
situations d’apprentissage éducation scolaire éducation non formelle
élèves apprenants oui oui
un formateur enseignant oui pas toujours (campagnes)
des interactions maître/élève oui pas toujours (campagnes)
un type d’apprentissage identifié oui oui
un contenu à traiter oui oui
un comportement observable à produire à l’issue de la situation oui oui
un dispositif d’évaluation formative oui pas toujours (conscientisation politique)
une stratégie choisie pour faire apprendre oui oui
des stratégies cognitives différenciées mises en oeuvre par les apprenants oui oui
des moyens oui oui
un environnement oui oui

Si l’on trouve des élèves, ou des apprenants, dans les deux registres, formel et non formel, en revanche, le tableau n’indique pas si les élèves sont volontaires ou non. Alors que l’on peut parler d’obligation scolaire, il n’existe pas d’obligation légale de participation à l’éducation non formelle. De plus, le formateur n’est pas toujours présent auprès des élèves lorsque sont organisées des campagnes radiophoniques. Dans ce dernier cas, les interactions n’existent pas, ou rarement. L’ensemble des points suivants, mise à part l’évaluation formative, peuvent être décrits dans une situation d’éducation non formelle. La conscientisation politique des programmes d’éducation à la citoyenneté menés en Amérique du sud ou en Amérique centrale ne pouvaient généralement pas supporter une évaluation formative, sauf à renier leur caractère premier de développement du sens critique et de pratique de la liberté de conscience.

Altet s’interroge par ailleurs sur le modèle dominant qui préside à l’action pédagogique scolaire. Entre la logique de l’enseignement centrée sur les savoirs, à dominante expositive et duelle, et la logique de l’apprentissage, centrée sur le sujet, l’action et la découverte, l’auteur indique que le modèle le plus persistant est le premier. Il n’attribue d’ailleurs pas nécessairement cette persistance à un choix conscient mais à une multitude de facteurs davantage dépendants des expériences antérieures des enseignants. Le modèle centré sur les savoirs n’est bien entendu pas uniquement tourné vers les disciplines discursives mais s’étend au modèle d’enseignement professionnel.

Dans le domaine de l’éducation non formelle, aucune étude ne permet de mettre en lumière une caractérisation pédagogique précise. Seule la branche, que Carron et Carr-Hill86  nomment éducation populaire, montre des solutions alternatives auprès des publics en difficulté mettant en jeu une forme d’accompagnement, de prise en charge globale ou de tutorat. Nous avons vu que ce domaine ne constituait qu’un volet des activités de l’éducation non formelle. Et quand bien même le modèle pédagogique scolaire en vigueur serait majoritairement celui de l’école des professeurs, expositif et centré sur les savoirs, rien n’indique pour autant que d’un autre côté, ce modèle ne soit pas également majoritaire au sein même de l’E.N.F. . Les méthodes les plus en vue de l’alphabétisation scientifique et technique dans les pays en développement se réclament de l’idéologie Freirienne87 mais aucune étude ne fait part de la réelle étendue ou de la portée d’un tel modèle. Pis encore, certains programmes, dits alternatifs, s’avèrent extrêmement conservateurs du point de vue des situations d’apprentissage et affichent par la stigmatisation qu’ils font des publics en difficulté un rapport au savoir qui confine à l’image de la vertu descendant coiffer l’ignorance.

Le Rapport Bibeau88 indique que face au réseau scolaire, l’E.N.F. serait caractérisée entre autre par des « ‘modèles pédagogiques favorisant la formalisation des acquis expérientiels et s’enracinant au coeur des situations de marginalité et d’oppression sociale des clientèles’». Il ajoute89 que les activités éducatives non formelles témoignent au plan pédagogique du « ‘rapport relativement étroit entre le contenu de la formation et les conditions de vie du participant. La constitution de ce rapport étroit provient du fait que la participation à ces activités fait l’objet d’un choix et d’une motivation explicite du participant, en relation explicite avec un cheminement personnel ou une situation de vie’.» En outre, les activités éducatives non formelles se réaliseraient souvent au sein du milieu de vie du participant, renforçant ainsi cette relation explicite entre contenu éducatif et conditions de vie. Les activités non formelles seraient généralement caractérisées par une attitude d’ouverture aux expériences pédagogiques novatrices. On y verrait l’effet de cette relation contenu éducatif/conditions de vie, déjà évoquée, mais aussi une manière de fonder le caractère distinctif légitimant les activités éducatives non formelles. Les méthodes pédagogiques privilégiées, souligne Bibeau, vont de l’implication directe et active des participants à l’enseignement à distance en passant par les approches inductives allant de l’observation de la pratique à la théorie ou encore l’élaboration de projet concret résultant de la formation.

Cette perspective généralisante des pratiques pédagogiques modales de l’éducation non formelle identifiée par Bibeau, permet de poser un cadre théorique.

Ainsi, même si le trait pédagogique apparaît moins nettement, ce champ est caractérisé au sein de l’éducation non formelle comme fortement expérientiel, alors que l’éducation scolaire paraîtrait davantage centrée sur des méthodes expositives et un savoir de type discursif et logico-mathématique, mettant en relief une série d’habiletés cognitives dont les plus sollicitées seraient les habiletés mnésiques.

Quittant cette tentative de qualification générale des pratiques pédagogiques, celle-ci ne pouvant être réalisée ex-nihilo, l’illustration des systèmes formel et non formel par une présentation du contexte s’impose donc. Mais on ne peut comprendre un système éducatif sans convoquer son histoire. Les conditions de l’avènement du système éducatif mozambicain et sa présentation sont donc exposées ci-dessous.

Notes
85.

ALTET (M.), La formation professionnelle des enseignants, Paris, PUF, 1994

86.

CARRON (G.), CARR- HILL (R.) , Non-formal education : information and planning issues , Paris, UNESCO / IIIPE, 1991

87.

en particulier dans le domaine de l’éducation à la santé : WERNER (D.), BOWER (B.), Helping health workers learn, Palo Alto, (E.U.), Hesperian Foundation, 1991

88.

BIBEAU (R.),  L’éducation non formelle au Québec , Paris, Unesco / IIPE. 1989  

89.

Ibid. p.85