1995/1999 : le premier plan stratégique

Ce plan stratégique de l’éducation nationale précise les priorités pour l’enseignement scolaire : « L’éducation primaire demeure la colonne vertébrale du système éducatif. Cette place importante dérive du rôle que l’éducation primaire joue dans le processus de socialisation des enfants, dans la transmission des connaissances basiques telles que la lecture, l’écriture ou le calcul et dans la transmission d’expériences et de valeurs communément adoptées. L’éducation primaire est cruciale pour le futur développement des enfants. » L’éducation primaire s’assigne donc les objectifs suivants :

  1. fournir une éducation basique dans les domaines de la communication, des mathématiques, sciences naturelles et sciences humaines, de l’éducation physique, esthétique et culturelle

  2. encourager les enfants à observer et penser, développer un sens croissant de l’autonomie

  3. préparer et développer valeurs et attitudes adaptées à la société dans laquelle vivent les enfants ; aider les enfants à développer complètement leurs capacités

  4. développer les connaissances sur la santé, la nutrition et la protection de l’environnement. Pour accomplir ces objectifs généraux dans le domaine de l’éducation primaire, les actions stratégiques suivantes seront entreprises: amélioration des conditions matérielles des écoles et réduction des disparités entre elles; mise en oeuvre d’une réforme curriculaire favorisant une plus grande pertinence et une meilleure flexibilité face aux différents domaines du savoir. L’amélioration des qualifications et des compétences professionnelles du personnel enseignant, la production des manuels et autres matériels scolaires, l’encouragement de la participation des parents et de la communauté à la gestion des écoles constituent les éléments les plus marquants de cette politique générale.

L’objectif général de la stratégie demeure l’accès universel à l’école primaire pour tous les enfants mozambicains. Ses objectifs spécifiques incluent des améliorations dans la qualité de l’éducation et l’établissement d’un système pérenne, flexible et décentralisé au sein duquel la responsabilité est partagée entre ceux qui travaillent au sein du système et ceux qui l’utilisent. L’objectif final du Plan Stratégique vise la construction d’un système éducatif dotant les citoyens des connaissances et des compétences nécessaires à la conduite d’une vie satisfaisante, l’accélération de la croissance économique et le renforcement de la démocratie.  Le plan stratégique décrit un réseau scolaire réduit en 1992 à moins du 50% du réseau scolaire de 1983112. Une réforme curriculaire est entreprise, s’assignant les objectifs et les moyens suivants : «  ‘La révision du curriculum devrait prendre en considération non seulement les besoins nationaux (le curriculum basique) et les besoins locaux, mais aussi l’évolution de l’éducation dans la région australe de l’Afrique et le contexte mondial’ ». Une délégation plus grande des professeurs dans la « préparation des matières » est envisagée, de même qu’une stratégie d’enseignement des langues locales est mise en place pendant les deux premières années de l’enseignement primaire. Le problème du bas niveau de motivation des professeurs, de l’absentéisme et des maigres performances scolaires trouve un semblant de solution dans une révision des salaires, une amélioration progressive des conditions de travail dans les classes et une dynamisation des zones d’influence pédagogique. Une politique du manuel scolaire est mise en oeuvre, favorisant une dotation en outils didactiques pour élèves et professeurs.

Le Plan ne décide pas uniquement des orientations scolaires, mais également des orientations non scolaires. Sur le plan de l’éducation non formelle, nous retiendrons la recommandation gouvernementale suivante : « ‘L’appui aux initiatives de groupes ou associations, regroupements religieux, entités privées et autres forces sociales qui visent à étendre le réseau d’institutions éducatives de tout type et niveau sera renforcé’ » apparaît comme le signe tangible de la volonté nationale d’influer le cours d’un système éducatif séparé du système scolaire. Le Plan Stratégique rapporte également que «‘Vus les effets directs de l’alphabétisation sur l’amélioration de la santé et sur l’amélioration des capacités productives, le Gouvernement portera une attention particulière à l’alphabétisation fonctionnelle’. » L’implication de l’Etat dans les registres traditionnellement non scolaires s’exprime de manière éclatante au chapitre 4.3 du Plan National Stratégique pour l’éducation qui développe cet axe éducatif à travers les objectifs suivants: « ‘assistance technique, développement de la recherche, définition de curricula et des programmes de formation, définition de normes d’équivalence et certification des différents niveaux d’éducation atteints par ces moyens, encouragement de la participation des O.N.G., des organisations religieuses et autres communautés dans le but de rendre effectif un tel programme’». D’autre part, le Plan préconise l’établissement d’un réseau d’institutions ’non-formelles’ offrant une diversité accrue d’activités pédagogiques basées sur un curriculum ouvert, assurant une éducation effective, une formation technique et professionnelle et des activités non-formelles à base communautaire. Il recommande l’établissement d’unités de support de la communauté, intégrées et organisées autour d’activités à fonctions multiples. Celles-ci peuvent se reporter aux activités d’enseignement formel aussi bien qu’à l’alphabétisation et l’éducation pour les femmes dans le domaine de la santé et de la nutrition. Enfin, le Plan appelle une diversité d’opportunités pédagogiques pour les enfants de la rue aussi bien qu’une formation technique et professionnelle».

Outre ces recommandations, l’Etat a mis en place des Institutions spécialisées dans le domaine de l’éducation non formelle. En 1976, la Direction Nationale de l’Alphabétisation et de l’Education pour Adultes113 fut créée afin de guider et contrôler l’alphabétisation des adultes sans formation professionnelle. Les campagnes d’alphabétisation massives contribuèrent à réduire le taux d’analphabétisme. En 1983, la création du Système National d’Education (S.N.E.) fit de l’éducation pour adultes une de ses priorités. La mise en oeuvre du S.N.E. et le sous-système de l’éducation pour adultes a ainsi permis l’élargissement du cycle d’alphabétisation et l’organisation de l’éducation pour adultes en 3 niveaux : fondamental, secondaire et supérieur, ainsi que l’adoption de nouveaux programmes d’alphabétisation. En dépit des innovations rendues effectives entre 1981 et 1989, la participation globale dans les cercles d’alphabétisation et d’éducation pour adultes a progressivement diminué de 450.000 à approximativement 46.000 inscriptions par an. Déstabilisée par la guerre civile, la population affrontait des problèmes sociaux et économiques importants mais d’autres raisons ont été identifiées : faible adéquation du curriculum, méthodes d’enseignement rigides, calendriers et horaires stricts et usage exclusif de la langue portugaise. Une nouvelle vague d’activités a donc été lancée entre 1990 et 2000 avec une graduation des niveaux affermie : le programme d’Éducation pour adultes et alphabétisation répartit alors la progression pédagogique en 3 années de cours, sanctionnées par un examen. Les cours sont dispensés par des professeurs professionnels et équivalent au niveau de 5ème classe de l’enseignement primaire. Le programme d’Alphabétisation des adolescents et des enfants âgés d’au moins 14 ans, n’ayant aucun accès à l’éducation formelle organise les séances dans des classes improvisées, dans les communautés, églises, écoles primaires et d’autres centres sociaux. L’alphabétisation a d’autre part été orientée en fonction de l’Education bilingue (langues locales et portugais). Cette nouvelle orientation a été développée dans plusieurs langues. Les matériels utilisés ont été développés par l’Institut National de Développement de l’Éducation (I.N.D.E.) et par la Direction Nationale d’Éducation Basique114 (D.N.E.B.) ou à travers des initiatives locales. Le programme d’alphabétisation fonctionnelle, composante du Programme pour la Promotion des Femmes poursuit l’objectif d’amélioration les conditions de vie au sens économique, social et culturel des usagers. Les activités correspondent aux besoins spécifiques de la communauté et peuvent se dérouler lors de séances en langue maternelle ou en portugais. Les O.N.G., communautés religieuses et associations financent ce programme.

Le plan stratégique 95/99 présente un programme spécifique d’Education non-formelle incluant un ensemble de projets et programmes sociaux et économiques à l’instigation des O.N.G. . Mis à part les activités productives telles que l’agriculture, l’élevage de basse-cours, et l’appui à de petits négoces, le programme inclut une alphabétisation ou une composante de scolarisation d’après les besoins spécifiques du groupe cible. Le plan prévoit également une formation de professeurs professionnels en alphabétisation comportant plusieurs niveaux : le niveau basique est organisé sous la responsabilité de l’Institut National d’Education pour Adultes115, la seule institution spécialisée dans le pays. L’Institut, fermé de 1990 à 1994, a été réouvert afin de garantir le renforcement du niveau de formation des professeurs existants. L’inscription est accessible aux candidats sans formation professionnelle. En 1999, 150 étudiants y ont été inscrits. Le niveau le plus élevé, celui de la licence, est organisé sous la responsabilité de l’Université pédagogique en collaboration avec l’Université suédoise de Linköping et prépare à des activités de supervision des programmes d’alphabétisation. Les candidats sont issus de l’.I.N.E.A., de la D.N.E.B., du Département de Planification et de cinq provinces différentes. Excepté le Ministère de l’Education116, plus de 35 organisations, la plupart internationales, développent des activités dans le domaine de l’alphabétisation d’adultes dans les 11 provinces du pays. Cependant, le Ministère de l’Éducation ne dispose pas d’informations suffisantes concernant le travail conduit par ses partenaires internationaux. La Direction Nationale de Planification et la Direction Nationale d’Éducation Basique tentent un recueil des données actuellement très incomplet. Le recueil de données utilisé pour le niveau primaire, l’éducation secondaire et technique est appliqué à la direction nationale de l’enseignement basique, consistant en un remplissage des grilles de la Direction Nationale de Planification deux fois par an. De plus, au moment de l’étude, le recueil n’est pas compatible avec les activités d’alphabétisation et d’éducation pour adultes, la programmation des diverses activités n’étant pas constante. Cela explique la variation du taux de couverture annuel, de 50% en général, d’une province à l’autre. En outre, le recensement ne vise pas tous les projets mis en oeuvre. L’étude ’Capital Humain et Bien-être Social au Mozambique’117 réalisée sur la base de l’Enquête Nationale auprès des familles sur les Conditions de Vie de 1996/97 a amené les auteurs à tirer quelques conclusions montrant l’impact de l’éducation des adultes et notamment de l’alphabétisation dans plusieurs composantes du bien-être social et matériel des familles. Les conclusions les plus importantes en sont les suivantes : au sein des zones rurales, la compétence de lecture et d’écriture de la mère augmente la probabilité de scolarisation de l’enfant dans 23.8% des cas. Un plus haut niveau académique du « chef de famille » est corrélé à la réussite scolaire des enfants. Dans les zones rurales, cette compétence augmente la probabilité de 20% d’utiliser l’opportunité de vacciner des enfants âgés de 12 à 60 mois, tandis qu’avec une mère ayant acquis un niveau E.P.2, la probabilité atteint 39%. Dans les zones rurales, une mère lettrée augmente la probabilité de 14% d’être en possession de la carte de santé, et par conséquent d’avoir un contact entretenu avec les services sanitaires. Par ailleurs, une corrélation positive forte est observée entre le niveau d’éducation de la mère et la satisfaction des besoins nutritifs infantiles à long terme dans les zones rurales. Enfin, les femmes mozambicaines sont traditionnellement responsables du travail agricole, le bas pourcentage de femmes lettrées a des conséquences négatives sur le recours à la technologie et autres interventions visant l’augmentation de la productivité agricole. Autant de raisons donc, susceptibles de majorer l’intérêt du Gouvernement pour les activités éducatives en direction des adultes.

Notes
112.

Le taux d’admission en E.P.1est tombé d’environ 110% en 1981 à 59% en 1992, le taux de scolarisation en E.P.1 est tombé de 80% en 1981 à 56% en 1992, période pendant laquelle le taux moyen de croissance annuelle de la population âgée de 6 à 18 ans est estimé à 3.7%, plus élevé que le taux de croissance annuelle absolu de la population qui est de 2.8%., source Plan stratégique 1995/99

113.

D.N.A.E.P.

114.

L’enseignement de base correspond au niveau de l’enseignement primaire.

115.

I.N.E.A.

116.

M.I.N.E.D.

117.

Ministère des Affaires sociales, Maputo, 1998