Les entrées dans l’espace d’apprentissage suivent plusieurs voies. En premier lieu, c’est le mode de l’échange qui prévaut chez les enquêtés artisans : l’apprenti offre sa force laborale en échange de l’apprentissage de certaines habiletés, recevant des rétributions minimes en nature ou espèces. L’échange est immédiat, dès les premiers jours de collaboration entre patron et apprenti. Ce type d’échange concerne majoritairement les hommes. Par ailleurs, Bourdon, Jarousse et Mingat179, prenant en compte onze métiers dans leur étude mentionnent que la proportion d’apprentis dans la population de la banlieue de Niamey est plus forte dans les métiers où les acquisitions sont les plus complexes et/ou les moins traditionnelles (couture, menuiserie, forge, bijouterie, réparation automobile, réparation radio, coiffure). En outre, pour passer du stade initial d’apprenti au stade d’entrepreneur, on compte en moyenne 4,5 années d’apprentissage, poursuivies de sept années en moyenne d’aide familiale (travaillant pour l’entreprise familiale) avant de devenir soi-même patron. Ce secteur informel, rappellent Paul et Vernières180 joue un rôle compensatoire important dans le domaine de l’insertion des sortants du niveau secondaire. Les savoirs présents dans notre échantillon ne comportent pas d’éléments de complexité importants, ce qui peut expliquer une période d’apprentissage relativement courte. L’échange n’est pas immédiat dans les situations où l’homme ou la femme escomptent un bénéfice du savoir de manière différée; dans le cas de l’alphabétisation ou des ateliers de couture par exemple. La somme payée dans quelques cas pour l’inscription correspond à l’entrée dans un espace institutionnel laïc ou religieux mais au titre d’une simple contribution. L’effort consenti par l’usager en payant l’inscription ne correspond pas à l’offre réelle de formation : 180 000 méticals (monnaie mozambicaine) dans le cas de frais de scolarité en réalité plus importants. Ces cas sont relativement rares en comparaison des modes d’entrée dans les espaces d’apprentissage utilisés par les femmes. Dans leur cas, la notion d’accueil paraît plus appropriée. L’enquête ne nous dit pas s’il s’agit d’un système de cooptation ou de recommandation. Il reste que l’entrée dans les espaces féminins est davantage liée à une relation interpersonnelle favorable avec les autres membres du groupe et plus proche de la cooptation. Ni test de niveau, ni évaluation, ni groupe d‘âge ou de sexe, pas plus que l’appartenance à tel ou tel lignage ne sont évoqués. On note d’ailleurs d’une façon générale la facilité avec laquelle la population, pourtant affiliée par le langage à un groupe (shangane, tsonga...) accepte les membres des autres groupes. Il s’agit vraisemblablement plus d’une appartenance de classe sociale, encore que ce concept doive être remis fortement en cause dans la mesure où la propriétaire d’une machine à coudre se différencie socialement de la personne qui n’en possède pas.
Envisageons maintenant la question des savoirs d’éducation non formelle. L’analyse de leur perception par les enquêtés met à jour un paradoxe : les savoirs cités sont évoqués comme des savoirs scolaires alors que l’école est peu utilisée dans les trajectoires individuelles.
BOURDON (J.), JAROUSSE (J.-P.), MINGAT (A.), Formation et revenu dans le secteur informel : l’exemple de l’artisanat et du petit commerce à Nyamey, Dijon IREDU/CNRS 1989 p.2
PAUL (J.J.),VERNIERES (M.), « L’insertion professionnelle et la formation en cours d’emploi », in Afrique contemporaine, Crises de l’éducation en Afrique, Paris, La documentation française, n°172, 1994, p.204