4.13) La fonction de l’ancienneté : le Secteur des Polycliniques.

L’analyse du Secteur des Polycliniques nous montre un des secteurs qui se voient le plus affecté par les conditions d’infrastructure matérielle de l’Hôpital. Dans ce secteur travaillent 4 infirmières diplômées et 37 infirmières auxiliaires et participent aussi des étudiants en médecine, psychologie et administration. La tâche du chef du Secteur consiste à coordonner le travail d’une équipe d’infirmières diplômées et auxiliaires du 1er et du 7e étage de l’hôpital qui comprend : clinique psychiatrique, neurologique, urologique, odontologique, trois polycliniques de chirurgie, trois cliniques médicales, dermatologie, cardiologie et clinique d’anesthésiologie.

Comme nous l’avons constaté dans le Service des Urgences, chez les infirmières du Secteur des Polycliniques il y a tendance à faire un travail plus administratif que d’assistance comme conséquence de la complexité croissante imposée par la distribution du personnel. S’il est vrai que le secteur s’était proposé comme but de développer une politique d’assistance en travaillant avec les familles et avec le milieu social des patients, les insuffisances budgétaires de l’hôpital ont empêché de mener à bout ce projet. L’excès de travail oblige les infirmières à remplir d’autres tâches comme le nettoyage ou la confection de registres médicaux. Tout cela mène à une multiplication des tâches, ce qui constitue une source de risques.

La principale zone de risque du secteur est liée à l’infrastructure et aux conditions du travail. C’est le secteur qui semble travailler dans les pires conditions de tout l’Hôpital. Les conduites d’eau se bouchent et, les jours de pluie, le personnel travaille les pieds dans l’eau. Les eaux d’égout débordent aussi, la lumière est insuffisante et il y a risque de courts-circuits. Le grand nombre de patients empêche l’annulation des consultations quand il y a des problèmes dans l’infrastructure. Il est normal de voir des patients déprimés et avec des troubles psychiatriques qui reçoivent leur consultation dans des endroits lugubres, mal éclairés, où l’eau pénètre. Certaines cliniques jouissent de conditions relativement plus favorables car elles reçoivent le soleil.

Malgré les conditions déplorables du travail, les niveaux d’absentéisme dans ce secteur sont inférieurs aux autres. Le secteur est formé par des travailleurs qui ont été transférés à la suite de problèmes de conduite. Cependant, le fait d’affronter des conditions de travail défavorables, semble créer une ambiance de travail et un lien émotionnel spéciaux. L’ancienneté constitue aussi un facteur positif pour l’exécution du travail dans la mesure où les générations plus vieilles ont assimilé plus que les jeunes la mystique de l’“ Hospital de Clínicas ”, où prédomine l’image d’une institution qui remplit une fonction sociale remarquable en ce qui concerne l’assistance et la formation. Le développement de cette image est associé à de complexes processus politiques et idéologiques, très importants dans les années 1960 et au début des années 1970 ; il est évident alors que ce sentiment soit plus fort chez les travailleurs les plus anciens.

 L’ancienneté des fonctionnaires est un facteur qui pèse positivement dans l’exercice des tâches. A la différence d’autres espaces de travail où il existe la tendance que le personnel le plus ancien et le moins qualifié soit déplacé en faveur des plus jeunes et mieux qualifiés, dans ce secteur le rendement des travailleurs qui sont là depuis de longues années est supérieur à celui des jeunes malgré les différences de niveau d’éducation. ” 242

Ce paradoxe s’explique par les difficiles conditions du travail dans le secteur. L’assimilation de ces conditions en termes de normes de conduite quotidiennes qui diminuent les niveaux de risque existant dans le travail est un processus à long terme. Il n’est pas étonnant, alors, que ce soient les travailleurs les plus anciens qui aient incorporé des routines spécifiques, ceux qui se tirent le mieux d’affaire face à ceux qui ont des capacités générales acquises dans l’éducation formelle, mais non pas fait une adaptation spécifique aux conditions du travail.

Dans ce secteur, comme dans celui des Urgences, le développement de fortes cultures de groupe et l’internalisation des règles de conduite acquises en conditions de travail à risque, dans un contexte matériel et physique complètement détérioré, permet la construction de routines de travail qui contribuent à gérer les composantes du risque systémique présent dans l’organisation. La formation spécialisée, réclamée par les travailleurs dans d’autres secteurs ne constitue pas nécessairement un facteur positif dans tous les cas. Au contraire, l’exemple montre que l’expérience et l’adhésion à des normes de groupe peuvent constituer des facteurs d’apprentissage organisationnel plus efficaces pour gérer les risques que la formation spécialisée.

Notes
242.

Interview réalisé avec l’infirmière Chef du secteur des Polycliniques. Juin 1999.