4.14) Absentéisme et surcharge de travail comme facteur de risque dans les Services d’Hospitalisation Chirurgicale et le Centre de Soins Intensifs.

En dernier lieu, nous analyserons le secteur d’Hospitalisation Chirurgicale et le Centre de Soins Intensifs, qui sont les services les plus affectés par les problèmes d’organisation et par l’absentéisme chronique des travailleurs.

L’activité du Service d’Hospitalisation Chirurgicale est tournée, surtout, vers le malade, mais le service pratique aussi l’enseignement. C’est un étage consacré à la chirurgie avec 5 secteurs d’hospitalisation et 3 secteurs d’attention sur place : chirurgie en oto-rhino-laryngologie, chirurgie générale et chirurgie ophtalmologique qui constituent 3 cliniques complexes quant au fonctionnement. Le nombre de patients hospitalisés est élevé ce qui implique que bien souvent le service ne peut plus admettre de malades et que, dans certaines occasions, il faut restreindre les opérations par manque de personnel. Les opérations les plus fréquentes dans le domaine de l’oto-rhino-laryngologie sont les néoplasmes et, moins fréquemment, le service pratique des opérations des oreilles et des narines. Le secteur pratique aussi la radiothérapie et, parfois, fait des opérations de goitre ou traite des traumatismes. Dans le secteur ophtalmologie, le service pratique des opérations de routine, à savoir, cataractes et glaucome.

L’infirmière chef est responsable de la distribution des ressources humaines dans les services de jour et de nuit. Les effectifs sont insuffisants : il y a 23 infirmières auxiliaires et 6 licenciées ; en réalité il en faudrait 15, environ. Leurs tâches comprennent l’assistance aux malades, l’administration, la surveillance, les problèmes de locaux, contrôler qu’on administre la médication aux patients et la coordination des différentes études.

Dans ce secteur il existe un risque d’ordre psychique dû à la pression à laquelle sont soumises les infirmières du fait de l’absence de personnel. Fréquemment les demandes dépassent les possibilités quant aux ressources humaines. Il y a aussi de fortes pressions de la part des parents des malades qui exigent une qualité d’attention que le service ne peut pas offrir.

Les risques physiques sont moins importants car les infirmières tiennent compte des techniques appropriées et prennent les précautions indiquées. De toute façon, il existe occasionnellement, des accidents, le plus courant étant la piqûre avec du sang contaminé. Il existe des méthodes pour éliminer les déchets, principalement les seringues, qui réduisent les risques d’accident. La seringue qui a servi est jetée à la poubelle tandis que l’aiguille est jetée dans un récipient spécifique. Cette routine est suivie soigneusement, surtout par les infirmières sur lesquelles les médecins font peser la responsabilité.

 La manipulation des médicaments est aussi un risque bien que dans le Centre on n’utilise pas de médicaments très dangereux comme les cytostatiques. Les zones de radiation exigent des précautions spéciales : on doit éviter que la radiation n’atteigne ni les nourrissons ni les femmes enceintes qui constituent une population à risque face à ces situations. Pour ce qui est de l’infrastructure, la situation la plus déficitaire est le mauvais éclairage dû au manque d’ampoules. Le personnel doit avoir des lampes de poche lorsqu’il doit effectuer certaines activités. Parfois il faut pousser le chariot des médicaments vers un endroit où il y a de la lumière. En plus, les fenêtres ont été scellées, faute de vitres.” 243

Seulement les toilettes de deux salles sont en état d’être utilisées. D’ailleurs, les patients les utilisent non seulement comme w. c. mais aussi comme dépotoirs. Les cuvettes finissent par être bouchées et ne peuvent pas être utilisées par le personnel. Cette situation est un facteur de risque dans la mesure où, dans cet état, les toilettes sont un facteur permanent de reproduction de germes.

Le nettoyage est très insuffisant, faute de personnel. Souvent il y a une seule personne pour nettoyer tout le secteur. Le nettoyage de cet étage est une tâche complexe, étant donné les différentes spécialisations chirurgicales qui s’y développent. Le personnel de nettoyage est stable et fait des efforts qui sont au-delà de leurs obligations lorsque la situation l’exige.

 Il faut dire que les rapports entre les travailleurs qui font le nettoyage et les infirmières sont positifs car ces dernières ne dévalorisent pas le travail des premiers comme nous l’avons vu dans d’autres secteurs. Tout au contraire, il existe un sentiment d’équipe qui s’avère utile et fonctionnel pour faire face aux complexités de la tâche. Les rapports de travail entre les infirmières diplômées et les auxiliaires sont positifs aussi. Les difficultés proviennent d’un important absentéisme chez les infirmières auxiliaires. La plupart ont deux ou trois emplois, ce qui se traduit par une charge physique et mentale excessive qui explique le taux élevé d’absentéisme. ” 244

La Direction de l’Hôpital a bien accueilli les différentes demandes posées par le secteur quant à équipement et entretien. Les principales difficultés proviennent de l’absence répétée des contrôleurs à cause des concours qui ont lieu à l’Hôpital. Les demandes du secteur doivent être adressées directement à la Direction de l’Hôpital, ce qui constitue un processus plus lent et plus complexe, qui exige plus d’effort et de ténacité aux responsables du secteur. Les conséquences en sont l’augmentation des difficultés pour améliorer les conditions du travail.

Dans ce service, l’organisation du travail se convertit en un facteur de risque, dans la mesure où les mauvaises conditions de travail, en raison de l’absence d’autorités et de la lenteur des procédures bureaucratiques, ne peuvent être améliorées. Malgré ces difficultés structurelles, l’accomplissement des routines bureaucratiques dans un climat de confiance minimise les facteurs de risque dérivés de l’organisation du travail.

En ce qui concerne le Centre de Soins Intensifs, dans le secteur travaillent environ 40 infirmières, 9 licenciées et 8 auxiliaires. Du point de vue matériel, le Centre ne possède que 8 lits séparés en 2 secteurs. Les principales difficultés du Centre de Soins Intensifs proviennent, comme on l’a vu dans d’autres secteurs, du manque de personnel et de l’absentéisme chronique. Comme partout dans l’Hôpital, l’absentéisme est aggravé par les facilités qu’offre cet hôpital, en tant qu’institution publique et universitaire par rapport à d’autres institutions. Dans de nombreuses occasions, les infirmières chefs perdent toute la matinée à chercher des remplaçants.

 Le fait de travailler constamment sous pression est un facteur de risque permanent. Le rythme accéléré de travail, imposé par l’urgence, augmente le risque de lésions et piqûres. Le secteur manque de matériels à savoir : seringues, gants et aiguilles. Quand il a besoin de quelque chose, il doit le demander à d’autres secteurs, ce qui entraîne des distorsions et des tensions. ” 245

Les difficultés avec les équipements sont un problème permanent du secteur car ils sont vieux ; le coût d’entretien est très élevé et le service ne peut pas les maintenir en bon état. Cette situation provoque beaucoup de tension entre les infirmières et le reste du personnel soignant.

 La politique employée par l’Hôpital dans les achats ne semble pas avoir eu de bons résultats. Au moment où l’Hôpital a acheté les respirateurs, pour des raisons financières, il a décidé d’acheter ceux qui étaient meilleurs marchés ; actuellement, ils sont tous hors d’usage. La détérioration de l’infrastructure est une autre conséquence de l’absence d’entretien. Les robinets se bouchent, les fenêtres n’ont pas de rideaux et les patients sont exposés au soleil en plein été. Les infirmières essaient de pallie la situation en mettant des papiers ou des chiffons pour éviter la chaleur, mais, de toute façon, en plein été la température est très élevée. ” 246

L’hygiène du local laisse aussi beaucoup à désirer. Les demandes des médecins et les problèmes pour trouver des lits produisent beaucoup de tension sur les travailleurs chargés de nettoyage qui, dans de nombreuses occasions, se voient attrapés dans la confusion du rythme accéléré du travail et perdent le contrôle de leur propre travail.

Le manque de lits est un facteur de distorsion dans le fonctionnement du C.S.I. Le Centre est prévu pour une attention de courte durée, mais il y a des patients qui y restent plus longtemps que ce qui est nécessaire par manque de lits. Il se produit aussi des tensions entre les infirmières et les médecins du fait que ces derniers utilisent l’hôpital pour développer de nouvelles techniques de traitement sans tenir compte des ressources matérielles et humaines disponibles. Tous ces facteurs constituent des zones de risque dans le secteur. Il faut ajouter le fait que le travail d’infirmière dans un C.S.I. implique une usure émotionnelle très forte à cause du lien profond qui naît entre le personnel et le patient. Quoi qu’il en soit, ce lien est un facteur positif pour ce qui est de l’exercice de son travail.

Les distorsions de fonctionnement et l’absentéisme chronique sont un facteur de risque systémique dans toute l’activité de l’“ Hospital de Clínicas ”. Les mauvaises conditions de travail exercent une pression sur le travailleur qui s’absente plus que la normale et qui cherche des emplois complémentaires à l’extérieur, auxquels il se consacre avec plus d’intérêt, reléguant l’activité de l’hôpital à une place secondaire. Cette situation alourdit la charge de ceux qui se sentent plus compromis par leur travail ou qui ont des valeurs pour lesquelles le service et l’attention à la santé de la communauté sont prioritaires sur quelconque situation de travail.

L’absentéisme chronique a, dans ce sens, un effet contradictoire. D’un côté il aggrave les possibilités de risque en alourdissant la charge de travail de ceux qui ont un compromis avec leur travail. D’autre part, il agit comme un facteur de cohésion et de renforcement du groupe pour ceux qui ont une relation positive avec leur tâche. Comme nous l’avons remarqué précédemment, les conditions de risque systémique de l’ “ Hospital de Clínicas ” engendrent un processus de sélection très rapide ; ceux qui n’arrivent pas à s’adapter à ces conditions, abandonnent leur travail dés qu’ils peuvent ou adoptent des conduites d’absentéisme qui montrent le peu de valeur qu’ils accordent à l’activité de l’hôpital. Ceux qui s’adaptent adoptent des valeurs de groupe et des normes de conduites qui leur permettent de compenser les conditions médiocres de travail et élaborer des réponses collectives pour faire face aux situations de risque.

Notes
243.

Interview réalisé avec l’infirmière chef du secteur d’Hospitalisation Chirurgicale. Juin 1999.

244.

Idem.

245.

Interview réalisé avec l’infirmière Chef du secteur de Soins Intensifs. Juilliet 1999

246.

Idem.