- L’impasse professionnelle

Vers l’âge de dix-neuf ans, Henry, poussé par son père, entreprend une formation de menuisier-charpentier. Sa motivation reste celle de promouvoir et de rester au sein de l’entreprise familiale qu’il dirige avec son frère aîné, Guy, depuis la mort de leur père. Il y travaille durant quinze ans, et finit par éprouver une certaine lassitude. Une « erreur grave d’inattention », dit-il, le conduit à perdre deux phalanges des trois derniers doigts de la main gauche abandonnés dans le tourbillon d’une scie circulaire. De cet accident, Henry ne dit rien. Il s’attarde plus sur la mort de Guy, quelques années plus tard. Il est alors contraint de vendre l’entreprise.

Après une longue période de chômage et de dépression, il trouve un poste de magasinier dans une grande pharmacie. Il décrit son emploi, qu’il occupe pendant huit ou neuf années, comme une véritable passion. Il se plonge sans arrêt dans les pages du « Vital » (pour dire Vidal) qu’il découvre et lit comme un roman : « j’étais comme un poisson dans l’eau ». Il se noie aussi dans une réorganisation familiale qu’il n’arrive pas à concevoir : une de ses maîtresses lui demande de quitter sa femme et sa famille. Face à ce cruel dilemme Henry boit plus que de coutume et se sert régulièrement dans les stocks de la pharmacie pour y trouver quelque remède magique le prémunissant de l’expérience catastrophique d’une déchirure qu’il vit au quotidien. Au carrefour d’un choix impossible, il prend la direction de la blessure physique : Henry se tire une balle dans le pied gauche, avec le fusil de chasse de son père. En arrêt de travail durant deux mois, il est ensuite licencié indirectement pour faute professionnelle. Il reste donc « à la maison » pendant les huit mois de chômage qui vont suivre.

Henry est ensuite magasinier dans une entreprise de vêtements pour enfants. A la liquidation judiciaire de l’entreprise, il retrouve rapidement un emploi dans un hôpital où il livre les médicaments dans les services concernés. Ce dernier emploi ne semble pas lui convenir puisqu’il ne fait pas appel aux connaissances pharmacologiques où il excelle. Il se décrit assis toute la journée derrière un ordinateur. D’autre part on ne lui donne pas assez de responsabilités. Autrement dit la place qu’il occupe n’est pas à son goût puisqu’elle est relative et non fondamentale.