- L’impasse addictive

A vrai dire, Henry ingurgite ses premiers verres d’alcool vers huit ou dix ans en compagnie de son père : « il buvait entre amis, mais il n’a jamais été comme moi un alcoolique ». Ne voulant pas éclabousser cet idéal paternel, il décrit l’atmosphère tamisée de ces lieux « virils » qui imprègnent et remplissent les yeux du petit Henry. Il s’y sent admis et promu non seulement au rang d’adulte mais aussi hissé vers une identité masculine dépendante du contexte.

Ce n’est que vers seize ans qu’Henry utilise les médicaments et l’alcool dans un mouvement de sauvegarde vitale. Mû de l’intérieur par la dépendance qui arbitre et abrite son corps, il se sent apaisé : « J’avais alors l’impression d’être comme tout le monde ». Ce lien insolite lui donne la sensation d’être contenu de l’intérieur.

A chacune des séparations qu’il vit, il se croit incapable de s’en sortir seul et indemne. L’alcool et les médicaments semblent lui offrir une réponse somatique à une situation anxiogène codée comme une menace biologique (palpitations, fourmillements...). A trois reprises, ayant fortement abusé et mélangé différents solides et liquides (valium, tranxène, wisky), Henry connaît des « moments d’absence » où il ne sent plus un corps qui lui devient étranger. L’épisode du pied blessé par balle est un des exemples dont il se saisit pour m’indiquer qu’il n’a éprouvé aucune douleur immédiate. « Sous dépendance » Henry ne se croit donc pas concerné, ni corporellement et encore moins psychiquement.