- L’expérience de la présence de l’objet comme expérience
traumatique

Je crois qu’une autre chose doit être reconsidérée dans l’avers et l’envers du produit : le « flash » comme étape évanescente. Rachid, Henry et Sébastien n’utilisent pas ce terme, en tout cas dans le sens où l’entendent les consommateurs d’opiacés. Le « flash » est le terme de référence des toxicomanes qui utilisent la voie intraveineuse. La sensation corporelle qui suit l’injection est brutale, accompagnée de sensations de chaleur intense. Ce phénomène est plus modéré chez la personne alcoolique, mais l’on retrouve une même mise en action d’un « processus mental » de désubjectivation intense voir traumatique qui va de pair avec une désobjectalisation (A. Green). Le terme de « processus mental » est discutable dans la mesure où il naît de l’artifice extra-psychique, sous influence des lois physiologiques. Ce temps insaisissable aveugle et paralyse plus que la subjectivité mais l’être dans sa totalité. Karim raconte que le « shoot » le met chaos pour de bon. Christelle se sent si légère qu’elle est comme aspirée par une source lumineuse. Hervé sent son corps décoller... L’état crépusculaire du flash est marqué par une désorganisation, le sentiment de n’être plus rien, ou plus exactement le sentiment d’être un état, un temps mort, assimilable à un épisode de dépersonnalisation.

Les overdoses ou les comas éthyliques de nos patients ne sont-ils pas un moyen d’envoyer le corps à la mort, mort qui s’est déjà produite dans la psyché, avec condensation des données temporelles ?