- La boucle traumatique : synthèse du manque et de l’absorption

C’est de là que nous devons comprendre les modalités graduelles du manque et du « choc » addictif (le flash, l’enivrement) comme une solution urgente pour donner une causalité psychique. Je m’explique : le manque prendrait la valeur spécifique de l’état d’agonie survenu dans le passé. L’intensité de la liaison avec l’objet qui va suivre (liaison ordonnée au pouvoir biochimique faute de symétrie perception/représentation) est une reconstruction du traumatisme - à valeur anti-traumatique -, puisque promesse indélicate d’effacement des impressions dévastatrices antérieures. Autrement dit, d’une façon tout à fait inattendue nous avons affaire à une déconstruction/reconstruction traumatique en deux étapes qui s’instaure avec au demeurant une linéarité psychique comme conditions des phénomènes de répétition et de prise en charge par l’extérieur du psychisme. Ce mouvement de va-et-vient qui a la saveur du trouvé-crée de D.-W. Winnicott n’en n’est rien puisqu’il se conçoit, en boucle fermée, sur le mode d’une externalisation topique. Ce hors champ psychique trouve sa mesure avec une condensation temporelle (présent/à venir) et un double retournement de l’objet : retournement de l’objet sur lui-même (manque/came), et permutation sujet/objet (avec effritement des distinctions topiques et dissolution des frontières dedans/dehors). Seul l’acte fait événement, et renversement, l’événement est repris dans l’acte.

La scène addictive prend donc une efficacité traumatique en deux temps successifs. Le manque exhibé non sans complaisance le crie. J’emprunterai volontiers à F. Brette (1988) le terme de « traumatisme-écran » : «  ‘Mieux vaudrait un trauma dont on se souvient que d’avoir à reconnaître qu’il y a eu un manque de quelqu’un ou de quelque chose’  » (p. 1277).