1. L’espace psychique est pluridimensionnel :

Si le point d’origine est l’expérience émotionnelle, il importe, et c’est là l’essentiel, que la vie psychique puisse être capable d’utiliser les données sensorielles92.

D. Meltzer (1975) et E. Bick (1968) dans leur conception théorique des manifestations de l’autisme ont largement précisé cette notion de dimensionnalité psychique que je résume ainsi rapidement :

  • l’uni-dimensionnalité : dans un tel monde, gratification et fusion avec l’objet sont indifférenciées. La relation linéaire de distance/temps entre le self et l’objet consiste en une série d’événements impensables et non disponibles pour la pensée.

  • la bi-dimensionnalité : le self est expérimenté comme une surface. Cette surface est sensible pour l’appréciation des qualités des objets, objets qui sont aussi réduits à une surface. Dans ce type de dimension psychique, la psyché n’a pas les moyens de construire en pensée des objets ou des événements différents de ceux qu’elle a effectivement expérimentés. Le manque d’espace interne ne permet pas de construction fantasmatique. La relation au temps est essentiellement circulaire. En outre, un self construit dans un monde bi-dimensionnel ne permet pas d’aboutir aux expériences d’introjection ou à la modification introjective des objets internes déjà existant. Par conséquent, toutes les expériences de changement seront éprouvées comme «  ‘un effondrement des surfaces, une sensation diffuse dépourvue de sens’  » (D. Meltzer, p. 234-235).

  • la tri-dimensionnalité : la potentialité d’un espace interne et donc d’un contenant peut être conçue. Cette fonction interne de contenir les parties du self dépend de l’introjection d’un objet externe éprouvé comme capable de remplir cette fonction. Tant que la fonction contenante n’est pas introjectée, le concept d’un espace à l’intérieur du self est inopérant. En son absence, E. Bick décrit comment le fonctionnement en identification projective (pathologique) va nécessairement continuer sans relâche avec toutes les confusions d’identité qui en découlent. D. Meltzer montre avec grande clarté que la potentialité d’un contenant installé à l’intérieur du self est une condition préalable pour l’évolution et le développement de la continence aussi bien que de la résistance à la pénétration agressive. Aussi le temps apparaît dans une conception psychique du monde.

  • la quadri-dimensionnalité : il s’ensuit une diminution de l’omnipotence, de l’envie, qui sont imposées aux bons objets. C’est le temps de la pensée et du langage, de l’élaboration d’un Moi autonome.

Notes
92.

C’est un des points que nous développerons à partir des premières mises en forme de l’expérience sensorielle. Voir quatrième partie, espace d’addiction et espace psychique (I, 3).