- Les signifiants énigmatiques

J. Laplanche (1987) a cherché à rendre compte du refoulement originaire dans une autre perspective : celle de « la théorie de la séduction généralisée » que l’inconscient récupère et inscrit sous forme de « signifiants énigmatiques ». En reconstruisant, au fil du temps psychanalytique, la conception de la séduction (théorie considérée en deux temps chez Freud qui s’attache à la « factualité », confusion des langues à valeur traumatique chez S. Ferenczi), l’auteur relie ces éléments dans l’énoncé suivant : l’enfant baigne d’emblée, selon une potentialité naturelle, dans une langue adulte qui lui est étrangère. Cette langue est les soins prodigués, les gestes, les mimiques, les affects, la langue verbale imprégnés de messages sexuels doublement énigmatiques : pour l’adulte dispensant des soins et pour l’enfant qui les reçoit126. Par le terme de « séduction originaire », l’auteur qualifie donc cette situation à l’origine de la vie somato-psychique. Ces signifiants énigmatiques reçoivent une première inscription « passive » : «  ‘le signe de perception, cette première inscription dans l’appareil psychique nous l’assimilons exactement au signifiant énigmatique, tel qu’il se dépose avant toute activité de traduction’  » (p. 129). Le travail de symbolisation, de traduction laisse des restes inconscients qui constitueront le refoulé originaire. Ces représentations-choses originaires sont, ce que nomme J. Laplanche, des « objet-sources » de la pulsion. Ce sont des « corps intimement étrangers », si l’on peut dire, qui serviront d’attracteurs au travail de l’activité « théorisante » aboutissant aux « théories sexuelles infantiles ». L’auteur présente ainsi un modèle de pensée pour la compréhension du traumatisant, à partir du registre de la séduction, parce que ce « quelque chose » énigmatique qui ne pourra jamais être maîtrisé reste à l’état sauvage (p. 125-126). D’autre part l’origine des pulsions sexuelles est vouée à ce reliquat originaire.

Notes
126.

P. Aulagnier (1985) a bien souvent rendu compte des interactions précoces mère/nourrisson. Elle a notamment montré l’importance des désirs de mort à l’égard d’un enfant, transformant ce dernier, devenu adulte, en meurtrier de l’enfant qui lui vient à son tour : c’est alors sa propre enfance qu’il détruit en se conformant aux désirs des parents. Ce répertoire interactionnel est ce qu’elle entend par potentialité psychotisante de l’environnement psychique.