B/ Analyse planche par planche

  • Planche 1
    • Procédés : par une dénégation (A2/11) le sujet refuse de reconnaître que la représentation de la mort puisse appartenir à son monde interne et qu’il concerne plus directement la mort du père. La précaution verbale porte sur l’identité de la personne décédée (A2/3) en renforçant le processus défensif. L’évocation du thème de la mort est précédée et suivie de silences (C/P6). La perception de l’emballage de l’objet (E2 et E3) exprime tout le paradoxe de la relation dans laquelle le sujet et l’objet sont prisonniers : l’objet est considéré comme un cadeau témoignant de la disparition de l’être cher. Le présent renvoie au non choix de l’héritage. Le récit se termine par une autre dénégation (A2/11), et l’interprétation reste très arbitraire (E3).

    • Problématique : les thèmes abordés posent le problème de l’immaturité de l’enfant qui doit faire face, sans choix possible, à une situation de séparation et de deuil là où il est en droit d’attendre un présent. L’objet violon interroge notamment la manière dont l’objet peut être investi, porteur ou non de satisfaction.

  • Planche 2
    • Procédés : la mise en tableau (C/N8) suspend le travail de mise en histoire jusqu’à l’isolement d’un personnage (au premier plan) de l’histoire (A2/15). Les personnages sont anonymes (C/P3), avec tendance à la restriction du récit (C/P2). L’accent reste porté sur le factuel (C/F3). Une dénégation (A2/11) termine le récit.

    • Problématique : les trois personnages, avec éviction de l’un d’eux, ne sont pas appréhendés dans une relation interpersonnelle. Toute différence des générations est gommée. La relation duelle (couple) est conservée. L’élaboration du conflit oedipien s’avère particulièrement difficile (fragilité du maniement pulsionnel).

  • Planche 3 BM
    • Procédés : le récit est précipité dans l’expression de l’enfant battu (B2/1 et E9). Un silence fait suite (C/P1). L’hésitation entre deux interprétations (A2/6) permet l’éloignement du contenu dépressif en même temps que le passage du pôle passif au pôle actif. Si l’accent est mis sur les qualités sensorielles éprouvées (C/N5), la posture signifie l’affect (C/N4). Une référence personnelle (C/N2) suggère la façon dont le sujet s’implique directement dans l’histoire. Une précaution verbale (A2/3) va servir au surgissement du thème de la mort (E9) suivit d’un arrêt du récit (C/P6).

    • Problématique : la perte de l’objet est ressentie comme une blessure narcissique menaçante. Le thème du cercueil met à jour le besoin d’avoir à se représenter l’absence de l’objet. Dans un premier temps, l’agressivité est retournée contre soi faisant naître des fantasmes masochiques d’enfant battu. Les mouvements destructeurs vont jusqu’à l’attaque de la pensée (le vide). La problématique dépressive n’est pas dominée.

  • Planche 4
    • Procédés : l’entrée est directe dans le récit (B2/1). Dans un premier temps les motifs du conflit ne sont pas précisés (C/P4). L’accent est porté sur les relations tumultueuses des deux partenaires (B2/3). L’expression du visage du personnage féminin justifie la colère (C/N4). Après un arrêt dans le récit (C/P1), l’emploi d’une expression à valeur de précaution verbale (A2/3) permet au sujet de ne pas s’engager trop directement dans le mouvement pulsionnel. L’indécision du personnage masculin (A2/7) exprimant le conflit psychique se solde par un doute sur le fictif (A2/12) de la scène érotisée (B2/9). Notons que le tableau du fond de la pièce est sujet à une bizarrerie interprétative puisque Sébastien ne parvient à trancher entre scène réelle et photo (E13).

    • Problématique : le récit est marqué par le conflit renvoyant davantage à une scène de séduction. Le rapport de conflictualité est inversé : il s’agit, paradoxalement, de quitter le partenaire féminin pour ne pas avoir à supporter l’image excitante d’une autre femme à côté. Le conflit s’inscrit donc en tout ou rien. Le mouvement de sortie de l’homme (séparation) contribuerait à garder l’objet intact mais loin des yeux. La valence féminine est donc perçue dans une globalité indifférenciée (mère, femme séductrices...) qui tenaille le personnage masculin. La fuite ou la pétrification de la scène (photo) offrent un repli défensif.

  • Planche 5
    • Procédés : l’entrée dans le récit est directe (B2/1) avec une centration sur le personnage (C/N4) dans lequel le sujet se projette (C/N1). Un craquée verbal (E17) révèle l’instabilité des identifications qui vont amener le sujet à une association sur des situations vécues dans sa vie personnelle (C/N2). Le « il » sous-tend la présence possible d’un personnage dans la pièce (B1/2).

    • Problématique : la planche met à jour un mécanisme de renversement dans le contraire (où s’inverse la situation phobogène subie sous forme active) : il s’agit non plus d’être surpris mais de surprendre avec la crainte que la situation ne s’inverse. Le regard est fortement investi et donne une modalité transgressive à la scène. Les fantasmes de scène primitive sont réactivés, avec notamment l’évocation de bruits associés à la présence potentielle d’un personnage masculin. Le vu et l’entendu, réactivité ici et maintenant dans la situation de la passation, peuvent être aussi associés à des fantasmes masturbatoires entraînant l’interdit sumoïque. La relation à l’image féminine condense des mouvements agressifs et libidinaux sitôt frappés d’une interdiction massive. Le passage à l’acte que Sébastien nous décrit (référence à son passé de cambrioleur) intègre et reprend ce système conflictuel sur la scène du réel.

  • Planche 6 BM
    • Procédés : la narration de l’histoire est succincte (C/P4). L’utilisation de procédés labiles permettant le recours à l’agir (B2/12) met l’accent sur le déplacement de mouvements agressifs vis-à-vis de l’image maternelle. L’expression d’un fantasme mortifère susceptible d’entraîner la destruction est ensuite retournée contre la personne propre (A2/14 et E6).

    • Problématique : le rapproché mère/fils se noue dans un contexte de perte qui ne renvoie pas au thème du deuil du père. Les deux situations de séparations envisagées (départ et/ou évocation de la maladie) autorisent à penser dans quelle mesure la relation à l’image maternelle traduit des états de grandes excitations (partir et/ou en mourir ?). Dans ce registre il est tout au plus question d’une relation duelle. Si l’interdit du rapproché mère/fils domine, il n’est pas structuré dans le sens d’un contexte oedipien marqué.

  • Planche 7 BM
    • Procédés : l’interprétation de la planche reste superficielle (C/P2). La relation père/fils est identifiée et élaborée dans un contexte d’opposition sans que les motifs traduisant le conflit ne soient clairement précisés (C/P4). La situation est interprétée à partir du positionnement corporel des deux partenaires (C/N4). Le récit, réduit pratiquement à une seule expression, est marqué par un temps de pose (C/P1) qui peut dénoter la difficulté à élaborer le conflit (A1/3).

    • Problématique : encore une fois nous retrouvons l’importance de la dimension du regard ici attaché à la dimension surmoïque. Notons quand même que nous ne pouvons le rattacher directement à un contexte de culpabilité. Il s’agirait plutôt d’un affrontement conflictuel dans un contexte narcissique qui déclenche un vécu de honte. L’intégration, en dernière analyse, d’éléments qui renvoient au bon sens (et au « bon père ») permet un recul nécessaire pour lier, érotiser, la valence agressive éprouvée.

  • Planche 8 BM
    • Procédés : les personnages restent anonymes durant toute la construction du récit (C/P3). Ce procédé permet ainsi d’éviter la mise en lien des personnages et des représentations trop précises puisque trop chargées sur le plan pulsionnel. L’éloignement de la scène du meurtre (A2/4) qui se converti en une imagerie interne montre à quel point le contexte pulsionnel est destructeur et renvoie directement à la mort. Le récit est entrecoupé de silences (C/P6) avec une nécessité pour le sujet de s’en référer au psychologue (C/C2). La centration sur le personnage masculin (C/N1) envahi par la haine (B2/4) s’offre comme une jonction entre une scène passée (et traumatique) et une projection de ses intentions meurtrières dans le futur (renversement passif/actif).

    • Problématique : le maniement pulsionnel apparaît non négociable et s’inscrit dans un système de fonctionnement prégénital où dominent des représentations et des affects massifs de destructions. La scène s’inscrit dans le corps même du personnage central (rôle du regard). La dimension réparatrice vis-à-vis du meurtre (de l’objet) est abordée sous forme de loi du talion.

  • Planche 10
    • Procédés : la relation de couple évoque un rapproché qui ne prend pas en compte la différence des sexes (C/N7). Si d’emblée la relation homosexuelle est abordée (B2/9), l’excitation est telle qu’elle ne permet pas la construction sereine d’une histoire (C/P5 et C/C1). Seule l’importance donnée au ressenti (C/N5) sert ensuite de contre-investissement à la représentation sexuelle.

    • Problématique : la problématique narcissique domine, avec la mise en place d’une relation spéculaire qui évince toute différence des sexes. On peut observer qu’il s’agit avant tout d’une relation au double puisque l’identité sexuée (hommes ou femmes) ne peut pas même être avancée. Seul le rapproché libidinal est interprété dans une reconnaissance « abrupte » du lien sexuel.

  • Planche 11
    • Procédés : après un temps de latence significatif (C/P1), l’emploi d’une précaution verbale (A2/3) témoigne en l’occurrence de la manière dont le sujet va pouvoir s’appuyer sur la réalité perceptive pour s’en saisir et construire le récit (C/P2). Des silences ponctuent l’histoire (C/P6) portée par une thématique de fuite (B2/12). L’attachement à ce thème est justifié par la présence du dragon (A2/2) qui permet l’ancrage dans la réalité perceptive d’affects liés à la peur. Le récit reste court (C/P2).

    • Problématique : l’angoisse est éprouvée et fait germer des thèmes de peur et de fuite. Si le matériel pousse à une « plongée régressive », les éléments de la planche peuvent être structurés dans un récit relativement organisé. On notera cependant la tendance à la restriction et l’apparition de silences qui peuvent renvoyer à la difficulté à se situer dans un système de secondarisation face à l’effervescence de fantasmes archaïques.

  • Planche 12 BG
    • Procédés : la description du paysage (C/F1) reste proche du thème banal (A1/1). Dans un second mouvement, après un temps d’arrêt dans le récit (C/P1), la mise à distance première est dépassée en amenant des situations vécues personnellement (C/N2). La scène est alors idéalisée (C/M2) et fait apparaître le gommage des différences ; durant cette étape, les « manifestations » implicitement rattachées à la sexualité (pulsionnalité) sont évitées. Puis, à l’étape suivante (B2/7), le maniement de la vie pulsionnelle, avant redoutée, sert de support à l ‘imagination d’une relation amoureuse (B2/8).

    • Problématique : la planche offre une succession particulièrement intéressante qui s’organise en trois étapes :

      1/ le paysage offre un support de projection à une activité personnelle, dans le cadre et la sérénité.
      2/ le « coin tranquille » est ensuite comme envahi (à partir de situations vécues) par une bande de copains, tous garçons. L’alcool est convoqué pour servir de support à des représentations de relations sensorielles et affectives. Durant cette séquence, la représentation féminine est évincée dans la mesure où la régulation de l’affect reste relative et ne permet pas une conflictualisation des représentations.
      3/ la réactivation pulsionnelle se traduit à partir d’une relation de couple. On peut se poser la question de savoir dans quelle mesure l’éviction du partenaire féminin ne renvoie pas à l’expression de la sexualité comme violente et mortifère (voir aussi Planche 13 MF).
      Le retour à des expériences vécues en compagnie d’autres amis montre à quel point il convient d’introduire une dimension objectale pour se prémunir de la réactivation de la perte. Il convient aussi de souligner combien la crainte du débordement pulsionnel reste récurrente.

  • Planche 13 B
    • Procédés : une première étape du récit se fait sans procéder à une véritable progression (A2/8), comme si le sujet s’enlisait dans l’expression de solitude du personnage (C/N1). Une précaution verbale (A2/3) va mêler l’expression d’attente au besoin de support et d’étayage (C/M1). Après une pose dans le récit (C/P1), la demande d’étayage réapparaît (C/M1) mais cette fois en lien avec l’attente du père. La pauvreté de l’enfant (C/N10) marque le contexte dans lequel l’enfant est démuni.

    • Problématique : l’expression de solitude et d’ennui réactive des défenses maniaques de lutte anti-dépressive. La relation fils/père est fortement idéalisée. Les procédés de contrôle renvoient à une tentative de maîtrise des affects.

  • Planche 13 MF
    • Procédés : l’entrée dans le récit est directe (B2/1) avec l’expression fortement exagérée de la mort (E9), suivie d’un arrêt dans le discours (C/P6). Le récit est succinct (C/P2) et l’étayage sur le clinicien (C/C2) est sollicité.

    • Problématique : dans un style lapidaire, la libération pulsionnelle ne suscite aucune nuance. Le caractère cru de la scène représentée met immédiatement en avant un scénario auto et hétéro-agressif dans un contexte indifférencié. L’expression de la mort englobe tout le récit. Les thèmes de culpabilité ou de remords absents de la tragédie attestent d’une impossible conflictualité psychique et d’un achoppement des capacités de liaison des mouvements pulsionnels agressifs et libidinaux.

  • Planche 19
    • Procédés : l’accrochage au contenu manifeste (C/F1) ne permet pas l’aménagement d’un récit (C/P5). L’image envahissante du fantôme (E14) va accentuer le besoin de recul (C/C3) qui est envisagé en dehors de la situation de test. « L’ombre d’un fantôme » (E18) redouble la problématique de ce qui demeure enkysté au sein du Moi.

    • Problématique : on peut penser que l’absence de représentation humaine et le caractère non figuratif de la planche vont rapidement renvoyer à des modalités très archaïques. L’évocation de contenus sans forme précise (eau, fantôme) met l’accent sur la fragilité des capacités de délimitation : dedans/dehors, bon/mauvais. La seule défense envisagée est alors le retrait du matériel, le fonctionnement psychique ne pouvant plus dialectiser sous forme de représentations le vécu d’angoisse.

  • Planche 16
    • Procédés : le matériel ne renvoie à aucune association basée sur un imaginaire (C/P2). La référence personnelle (C/N2) met l’accent sur la nécessité d’étayage (C/M1). « Me voir moi », renforce les aspects narcissiques de la relation (C/N7).

    • Problématique : dans la mesure où le matériel n’est pas figuratif, la planche est utilisée comme un miroir où se reflète la projection du désir du sujet. Les personnages introduits, avec l’idée de la famille réunie, impliquent toute l’étendue de la relation d’étayage. L’histoire racontée n’est pas celle du passé (souvenir) ni même du présent. Elle est projection « magique » dans l’avenir.