B/ Analyse planche par planche

  • Planche 1 :
    • Procédés : sous forme de question (C/C2) témoignant du besoin de soutien externe, le sujet va donner une mauvaise interprétation du violon (E4). Des silences (C/P1) permettent un recul nécessaire et une relance du récit cette fois construit à partir du jeune garçon (C/N1). Un autre arrêt de la narration (C/P6) précédé par l’évocation d’un affect dépressif fait émerger la nécessité d’une demande adressée au clinicien et concernant la consigne (C/C2). L’aller-retour dans l’expression liée aux capacités de l’enfant à se servir de l’instrument (B2/7) induit un mouvement de dépréciation (C/N10). C’est à partir des détails (A2/1 et A2/2) qui permettent l’appui sur la réalité externe que l’affect dépressif est mis de côté. La fin de l’histoire se termine sur une réalisation magique du désir (B2/7). Une précaution verbale (A2/3) introduit le développement du récit.

    • Problématique : dans un premier temps, la défectuosité du percept et le besoin d’étayage (série C/C et E) correspondent à une lutte anti-dépressive. La non-reconnaissance de l’objet est suivie d’une remise en cause des capacités de l’enfant à pouvoir se servir du violon. L’accrochage aux détails apparaît pour marquer la possibilité de l’enfant de jouer. D’une manière générale, la problématique narcissique domine : on constate l’évitement de l’angoisse de castration avec une affirmation de la position de toute puissance. Le principe de plaisir ente au service d’une négation de l’immaturité fonctionnelle de l’enfant. On notera que le contexte de l’histoire se traduit en termes d’impuissance/toute-puissance. L’objet ne peut être investi comme susceptible d’apporter des satisfactions.

  • Planche 2
    • Procédés : c’est d’abord le fond de la planche qui est appréhendé (E2) comme pour empêcher le sujet de s’engouffrer dans la figuration triangulaire. Un silence (C/P1) permet une relance associative d’un récit alors figé (C/N8). Le recours au factuel (C/F2) court-circuite le déploiement du conflit. Le récit est très peu investi (C/P2). Un commentaire (B2/8) formulé en fin de passation permet de se soustraire radicalement de la tâche.

    • Problématique : la scène, aussi succincte soit elle, campe la triangulation oedipienne. Les procédés utilisés sont des mesures d’évitement du conflit. La problématique narcissique prévaut (série C). La planche ne montre pas une élaboration possible du maniement pulsionnel. L’investissement libidinal reste précaire. Nous pouvons penser que l’évitement du conflit oedipien reste particulièrement en lien avec une problématique de perte (des objets d’amour).

  • Planche 3 BM
    • Procédés : une manifestation de déplaisir et d’étonnement (B2/8) marque l’entrée d’un récit restrictif (C/P2). Une précaution verbale (A2/3) campe l’identité féminine du personnage (C/N4). Un silence (C/P6) reprend l’affect de tristesse (C/N1) qui reste traitée de façon vague et superficielle.

    • Problématique : si la planche met à l’épreuve la représentation narcissique de soi, le déplacement sur un personnage féminin permet la reconnaissance de la situation de détresse en sauvegardant l’idéal du moi. La dépression est dominée par des thèmes de supériorité/infériorité. La description du personnage féminin qui « pleure sur son sort » condense à la fois une attaque de la représentation féminine (passive et dépressive) qui permet une mise à l’écart de l’affect dépressif, et un mouvement de repli sur soi où l’objet ne peut être investi.

  • Planche 4
    • Procédés : l’entrée dans l’histoire est directe (B2/1). Les personnages apparaissent différenciés mais la relation de couple n’est pas marquée (C/P3). Le récit reste superficiel (C/P2). Le motif du conflit est spolié (C/P4). La pensée s’enlise sans véritable progression (C/F1). Après un silence (C/P1). L’évocation du bar ou du cabaret invite à évoquer une symbolique sexuelle (B2/9).

    • Problématique : si la différence des sexes est marquée, la pensée reste figée en vue de contourner l’épreuve conflictuelle. La majorité des procédés d’aménagements phobiques signe un fort investissement défensif pour restreindre l’expression du conflit derrière laquelle se voile à peine la problématique de perte. La restriction de l’expression implique une forte résonance fantasmatique en rapport avec la sollicitation latente de la planche.

  • Planche 5
    • Procédés : la pièce est renvoyée au signifiant maison (E4) traduisant une confusion partie/tout. Un silence (C/P1) est immédiatement suivi d’une description de l’ordre (A2/10) témoignant de l’investissement important du lieu d’habitation. Une précaution verbale (A2/3) témoigne du degré interprétatif de l’intentionnalité de l’image. La restriction du récit (C/P2) et l’anonymat du personnage (C/P3) est ensuite marqué par une hésitation concernant les intentions de la femme (A2/6). Si ces deux interprétations ne font pas avancer le récit, elles sous-tendent un « appel » de l’objet (C/M1).

    • Problématique : les deux hypothèses (« elle cherche quelqu’un » ou « elle appelle quelqu’un ») permettent de ne pas s’engager jusqu’au bout d’une histoire qui renvoie, de part la sollicitation latente de la planche, à la problématique d’étayage. C’est ainsi que l’on peut lire la formation réactionnelle (A2/10) comme un renversement de l’investissement objectal (une maison rangée et ordonnée est sans nul doute une maison qui n’est pas laissée à l’abandon) que nous pouvons relier au percept défectueux (E4) à visé anti-dépressive. Dans ce contexte, la fonction de l’étayage de l’objet (C/M) réactive l’absence de l’objet.

  • Planche 6 BM
    • Procédés : une précaution verbale (A2/3) introduit un récit extrêmement court (C/P2) où les partenaires sont anonymes (C/P3). Le besoin d’identifier le cadre de l’action fait apparaître deux lieux (A2/6) dont l’un est lié à la maladie (E9). Une autre précaution verbale (A2/3) introduit la valence dépressive de l’éprouvé subjectif (C/N1) que l’on ne peut rapporter précisément à l’un des partenaires qui sont ainsi confondus dans la douleur (E11).

    • Problématique : tout comme aux planches 2 et 5, le sujet éprouve le besoin de localiser l’action dans une recherche de cadre, d’étayage. L’écart des générations n’est pas traduit n’impliquant pas un rapproché mère/fils. On note cependant que l’image féminine est perçue dans un contexte où l’homme (position passive) se soumet aux dires de « la dame ». Les affects de tristesse ou d’inquiétude déclenchent le surgissement de fantasmes destructeurs. La problématique de perte très accentuée peut d’une part empêcher le rapproché des deux partenaires, et d’autre part, on peut envisager l’absence de perception de la différence des générations sous-tendus par des fantasmes de réalisation incestueuse.

  • Planche 7 BM
    • Procédés : une manifestation d’étonnement (B2/8) met en scène deux personnages masculins qui sont d’abord anonymes (C/P3). L’utilisation d’un procédé labile (B2/12) et notamment le recours à l’agir permet la mise en scène d’une thématique agressive projetée en dehors de la relation des partenaires. Un changement de direction (A2/14) permet de camper une relation de filiation. L’usage des pronoms « il » ne permet pas de savoir de quel personnage il s’agit (E11). La question du clinicien (C/P5) relance le déroulement de l’histoire. le visage du jeune homme exprime l’affect de déplaisir (C/N4). Le thème de la « nouvelle » à annoncer est verbalisé à plusieurs reprises sans que le récit puisse véritablement progresser (A2/8). Ce procédé permet de contourner les fantasmes agressifs qui resurgissent brutalement en fin de récit (E9). Les demandes adressées au clinicien (C/C1) permettent une décharge pulsionnelle mais témoignent aussi du lien de dépendance face à une situation anxiogène.

    • Problématique : le rapproché père/fils est une situation d’abord évitée. Dans la première interprétation, l’affrontement conflictuel est balayé au profit d’une relation de grande complicité. Les mouvements agressifs sont alors projetés en dehors de la relation. Le contexte se noue autour de l’acte transgressif qui en arrière plan destitue le rôle paternel dans sa fonction de représentant de la loi. La seconde interprétation s’ouvre sur des mouvements d’attaque du père. Le débordement pulsionnel déclenche l’irruption de procédés de la série E liés à l’envahissement massif d’un fantasme parricide. On note que durant tout le récit, l’acte de parole est pressenti comme un acte meurtrier. Le rapport à la loi et à l’interdit est abordé dans un contexte de destruction de l’image paternelle.

  • Planche 8
    • Procédés : la relation médecin/patient met en place la fonction d’étayage (C/M1) qui bascule très rapidement dans un contexte relationnel agressif à travers une évocation brutale et crue (E8 et E15). La perception sensorielle de la scène (E5) renvoie de façon massive à une réalité interne/externe confondues et vécues comme une attaque dangereuse. Un silence (C/P6) est suivi d’une centration sur le personnage du premier plan. Identifié d’abord comme un membre de la famille, le jeune homme devient ensuite un « membre » de l’hôpital, interprétation justifiée à partir des détails vestimentaires (A2/6 et C/N6). Le contrôle porte sur des représentations et des affects liés à la problématique de deuil. La tentative de refoulement reste incomplète. Le thème de l’autopsie (A2/14) permet une reprise moins affective du même fantasme sous-jacent. La recherche à tout prix de l’identité du personnage au premier plan (E16) est destinée à maintenir une cohésion entre les deux plans de l’image (E15).

    • Problématique : la désintrication pulsionnelle est importante. L’expression reste infiltrée de processus primaires (série E), soit liés aux défaillances des conduites perceptives et de l’ancrage dans la réalité externe (E5), soit liés à l’envahissement par des fantasmes de destruction (E8), ou encore liés à des troubles majeurs dans la relation d’objet (E15 et E16). Le maniement de l’agressivité ne paraît pas négociable. Les grandes charges énergétiques mobilisées renvoient à la mort. On note le glissement qui s’opère des médecins (position soignante) qui deviennent des bourreaux (objets persécuteurs) dans une situation de rupture d’étayage qui a pour conséquent un clivage de l’objet.

  • Planche 10
    • Procédés : les personnages sont anonymes (C/P3). Ils demeurent confondus en une seule unité (C/N4 et C/N7). L’expression est très succincte (C/P2) et se termine dans un contexte factuel (C/F3) qui accompagne la centration narcissique.

    • Problématique : la différence des sexes n’est pas prise en compte. La planche est dominée par une relation spéculaire dans un contexte narcissique où l’autre sert d’étayage et de miroir dans une quête d’image de soi idéale. La négation de la différence traduit le retrait libidinal narcissique.

  • Planche 11
    • Procédés : la narration est entrecoupée de silences (C/P1). Une précaution verbale (A2/3) qui marque l’essai d’interprétation est suivie d’un percept défectueux (E4) à visée anti-dépressive. L’éloignement de l’action dans le temps (A2/4) exprime à la fois la sollicitation régressive de la planche et la tentative de mise à distance. Une manifestation de déplaisir (B2/8) et une question (C/C2) marquent la dépendance du sujet face à la situation (anxiogène). Des détails évoqués (E2) révèlent une tentative d’interprétation, de symbolisation du percept. La perception d’un « bon » homme accroupi (E4) témoigne d’une surcharge interne qui va jusqu’à déformer le réel. Le récit se termine par un nouveau commentaire concernant le pôle déplaisant de la planche (B2/8).

    • Problématique : l’angoisse extrême ne permet pas la réorganisation du matériel. Le sujet est comme sidéré. La description de la planche reste une tentative de s’accrocher au réel face au manque de représentation interne. Tentative qui échoue puisque l’irruption des processus primaires marque la défectuosité du percept. La délimitation dehors/dedans est défaillante. De par la sollicitation latente de la planche l’axe perceptif et projectif est vécu dans un impact traumatique (sidération). L’ordre prégénital est renvoyé dans ses aspects inélaborables et dangereux. On peut penser que la demande d’étayage (sur le clinicien) constitue une demande de support « secourable » que nous pouvons relier à la fonction α maternelle.

  • Planche 12 BG
    • Procédés : après un temps de latence important (C/P1), une précaution verbale (A2/3) est suivie d’une interprétation au symbolisme hermétique (E7) dans laquelle les angoisses du sujet ne nous sont pas communiquées. L’accrochage au contenu de la planche (C/F1) permet de ne pas « plonger » dans le contexte dépressif. La remarque positive concernant la planche (C/C3) prend en charge une dénégation (A2/11) qui renvoie au manque d’élaboration de la position dépressive. A nouveau l’évitement de la polarité dépressive se présente sous forme d’énumération d’éléments objectifs (C/F1) dans un contexte de restriction (C/P2). Le thème de la nature (C/P4) induit une forte banalisation du matériel. Un commentaire à côté de la planche (B2/8) permet de fuir l’anxiété.

    • Problématique : la planche n’invite pas à figurer un moment d’apaisement. l’absence de personnage réactive la problématique de perte et d’abandon. le sujet ne parvient à convoquer une activité perceptive connue qui met en oeuvre les expériences prégénitales de bonne qualité. L’accrochage au réel sert de bouclier au surgissement des processus primaires liés à « l’absence de représentation de l’absence » (A. Green) . Dans ce contexte, nous pouvons interpréter le procédé E7 comme une tentative de mise en sens défaillante où le sujet est en « auto » référence, de part le manque de support objectal. Nous noterons que la digression qui suit le récit concerne la violence de l’image (violence de l’image « des films américains », mais violence aussi de la planche directement reliée à la violence de l’absence de l’objet).

  • Planche 13 B
    • Procédés : le sujet aborde la planche par le fond (C/N6). Un silence (C/P1) entrecoupe le récit qui prend forme à partir des éléments objectifs du matériel (C/F1). Le jeune garçon (C/N4) est évoqué selon sa posture. La narration reste restreinte (C/P2) et saturée en précautions verbales (A2/3) qui permettent de ne pas s’engager plus loin dans la dimension dépressive. Les contrastes d’ombre et de lumière (E2) permettent de refuser la reconnaissance de représentations liées à la perte (A2/11). Le recours à une référence cinématographique (A1/2) évite d’aborder la thématique de solitude qui fait retour avec le personnage d’Heïdi.

    • Problématique : les procédés de la série A mettent en avant des mécanismes de défense (et en particulier le refoulement) associés à la dimension d’absence de l’objet (position dépressive). L’accrochage au contenu manifeste, la restriction du récit (série C) sont autant de manoeuvres défensives qui rendent compte de la problématique narcissique. Le recours à une référence extérieure permet une digression dans laquelle le sujet (à travers le jeune garçon de la planche) aborde sa situation d’immaturité face au contexte de solitude (« Heïdi » représenterait aussi la possibilité de grandir et de s’épanouir sans ses parents, portrait bucolique qui ne prend en compte que le principe de plaisir). Nous noterons que la sensibilité affective apparaît dans l’évocation des contrastes (E2) qui signent l’infiltration des processus primaires associés à des angoisses de perte et de séparation (c’est aussi l’histoire d’Heïdi).

  • Planche 13 MF
    • Procédés : un long temps de latence (C/P1) débouche sur une manifestation de déplaisir (B2/8) témoignant du besoin de prise de distance qui est obtenue par la restriction du récit (C/P2) et la banalisation (C/P4) selon une interprétation très anodine. La narration est entrecoupée de silences (C/P1). L’hésitation entre deux interprétations (se lever/se coucher - C/F3) traduit la lutte contre les sollicitations sexuelles (A2/6). La fatigue de l’homme (C/N4) est associée à une activité non sexuelle (C/F3). Seulement sur la fin du récit, le personnage féminin est appréhendé (C/N4).

    • Problématique : l’expression de l’agressivité et de la sexualité attendues sont soigneusement évitées... Le récit reste banalisé à outrance. La réactivation pulsionnelle et fantasmatique mise à l’épreuve induit l’évitement conflictuel. On notera aussi la traduction du retrait libidinal narcissique, la femme n’étant pas vraiment prise en compte dans l’élaboration du récit. La problématique liée à l’investissement objectal et au désir est refoulée puisqu’elle implique l’axe conflictuel. L’expression « profond sommeil » atteste du besoin de scinder chaque activité du couple face au contexte excitant de la sexualité.

  • Planche 19
    • Procédés : le temps de latence est aussi important qu’à la planche précédente (C/P1). Une manifestation témoignant du caractère inquiétant de la planche (B2/8) permet un dégagement et une libération pulsionnelle. Entrecoupé de silence (C/P1), le récit est bref (C/P2) et banalisé (C/P4). Il repose essentiellement sur l’énumération des éléments manifestes (C/F1). La surdétermination des limites apparaît dans le signifiant « neige » (C/N6).

    • Problématique : le style descriptif (énumération des éléments objectifs) permet une mise à distance de l’affect. La pensée opératoire met l’accent sur le fonctionnement très défensif lié à la sollicitation latente de la planche. La surdétermination de la « neige » permet de désinvestir les représentations liées à l’absence de l’objet (le matériel est non figuratif. Il n’existe pas de représentation humaine).

  • Planche 16
    • Procédés : une question (C/C2) marque le caractère étonnant et déplaisant de la situation. La réponse « fantômes » (E9) condense l’incapacité du sujet à investir le monde imaginaire (objets internes) et l’angoisse liée à l’absence (figurative et représentative). La suite du récit oscille entre la défense contre l’angoisse et le retour de la représentation liée à la perte (A2/7 et A2/11).

    • Problématique : la planche met en branle l’incapacité du sujet à projeter son monde interne en l’absence d’éléments manifestes. L’expression renvoie à la dépendance du sujet qui cherche un appui (sur le clinicien). Les tentatives de refoulement sont nombreuses mais inopérantes. L’image du fantôme évoque le manque de délimitation dehors/dedans qui s’inscrit dans une dimension dépressive (perte, abandon, rupture d’étayage). Nous retrouvons le même type de dénégation (« il fait beau ») qu’à la Planche 12 BG et 13 B qui marquent le besoin de chaleur affective.