3-1 La substitution sensorielle

D’un côté, nous avons des récepteurs de type I qui seraient suffisants à cette reconnaissance et de l’autre des récepteurs de type II qui, de part leur nature et leur morphologie, codent des informations temporelles, et par conséquent, le mouvement. Or, dans une exploration active, le mouvement est un indice essentiel à la prise d’informations. Ainsi, Bach-y-Rita (1972) avec le TVSS (Tactile Visual Substitution System) a démontré que la reconnaissance était beaucoup plus efficace lorsque le sujet déplace lui-même la caméra que lorsqu’il est passif. Le TVSS est un système de substitution sensorielle basée sur une transcription des informations visuelles en informations tactiles. C’est-à-dire qu’un objet va être décomposé en un certain nombre de points qui vont venir activer une partie de la peau. Ainsi, le sujet tient une caméra reliée à un appareil capable de transformer les informations visuelles en informations tactiles. Ce capteur est lui-même relié à une plaque posée sur le dos, le thorax ou le front des sujets. Des travaux récents étudient la stimulation des récepteurs de la langue (Sampaïo, Maris et Bach-y-Rita, 2001). Cette plaque est composée de quatre cents tacteurs de un millimètre de diamètre qui vont stimuler les récepteurs cutanées du sujet. Les sujets seront ensuite entraînés à traiter ces stimulations pour recréer des objets. Toutefois, les tacteurs ont pour but d’activer les récepteurs cutanés. Or, ces récepteurs devraient normalement être activés grâce aux déplacements ou au contact de la peau sur l’objet. Par conséquent, les tacteurs ne permettent pas d’obtenir des performances élevées. Ainsi, de nombreux entraînements sont nécessaires pour parvenir à des performances intéressantes. Si la discrimination de lignes est relativement aisée, cinquante essais sont nécessaires pour reconnaître des figures géométriques simples (Lenay, Gapenne, Hanneton, Marque et Genouel, 2000). En effet, de nombreux entraînements sont nécessaires pour obtenir quelques reconnaissances d’objets usuels, alors que quelques séances suffisent en exploration active pour aboutir à une discrimination efficace. Ces faibles performances peuvent en partie être expliquées par le fait que la réception du TVSS se réalise sur des régions peu fournies en récepteurs de type I.

De plus, si le sujet ne tient pas lui-même la caméra, la localisation ou la reconnaissance d’objet est impossible (Sampaïo, 1994). Le déplacement de la caméra, par le sujet, permet de remplacer les mouvements exploratoires. Cependant, nous avons vu que les tacteurs ne permettent pas d’obtenir des sensations identiques à une stimulation directe de l’objet sur la peau. Les tacteurs activent les récepteurs de façon passive, comme si l’objet était appliqué sur la peau sans que le sujet ne puisse bouger. La dynamique du mouvement du sujet tenant la caméra ne compense pas l’absence de mouvement exploratoire. Nous pourrions nous demander si les performances ne seraient pas meilleures, si au lieu de subir l’activation des tacteurs, le sujet explorait les tacteurs manuellement, c’est-à-dire si le sujet avait la possibilité d’explorer la plaque fournie de tacteurs avec un système se rapprochant de celui utilisé lors de la traduction d’écrans informatiques en Braille, plutôt que de devoir analyser simultanément toutes les activations passives. D’ailleurs, les résultats sont supérieurs lorsque la caméra est déplacée lentement le long de l’objet que lorsque l’objet est perçu dans sa totalité sans déplacement (Beauchamps, Matheson et Scadden, 1971 ; Loomis, 1974). Ce dernier point laisse supposer de la difficulté à traiter tactilement un grand nombre d’informations simultanées. Une exploration séquentielle permet un meilleur traitement des informations, peut-être parce que ce système permet d’obtenir des informations plus précises sur les différentes parties de l’objet. La perception étant mois floue, elle permettrait donc de meilleures performances. De plus, l’absence de récepteurs de type II avec des champs bien délimités renforce l’imprécision des informations notamment au niveau des contours. Explorer l’objet, partie par partie, est donc une nécessité. Nous pouvons nous demander ce qu’il se passerait si la réception était fixée sur une zone contenant de nombreux récepteurs de type I.

Voyons à présent comment, à partir de l’excitation d’un récepteur, l’information va être transmise au cerveau. Quel(s) chemin(s) parcourent les innervations ?

Tableau II : Caractéristiques des principaux récepteurs sensoriels de la peau d’après Rosenzweis et Leiman (1991) ; Valbo et Johansson (1984).
Tableau II : Caractéristiques des principaux récepteurs sensoriels de la peau d’après Rosenzweis et Leiman (1991) ; Valbo et Johansson (1984).