4- Les voies de traitement

Deux systèmes ascendants permettent de transférer les informations au cerveau. Il s’agit des systèmes lemniscal et extralemniscal. Phylogénétiquement, le système lemniscal est plus récent que le second. C’est le système des colonnes dorsales et des faisceaux dorsolatéraux. Il transmet les informations relatives au tact discriminatif, à la position spatiale et au mouvement (sensibilité kinesthésique). Autrement dit, il intervient directement dans le toucher actif (Bach-y-Rita, 1972). Le second, le système extralemniscal est le système antérolatéral ou spinothalamique. Il véhicule essentiellement les informations algiques, thermiques et tactiles diffuses. L’information parvient très rapidement au cerveau. Nous pouvons aisément comprendre l’intérêt d’une grande rapidité de transmission lorsque nous regardons quelles informations sont véhiculées : mieux vaut savoir très rapidement si la plaque sur laquelle nous venons de poser la main est bouillante ou à température ambiante, sans quoi les conséquences pourraient être graves. Les deux systèmes projettent dans les aires somesthésiques primaires SI et SII et dans le cortex associatif somesthésique. Pour atteindre ces aires, les deux systèmes utilisent des voies différentes. Le système lemniscal est un système dans lequel les fibres passent dans la moelle épinière et accèdent directement au bulbe rachidien où elles font relais au niveau des noyaux de Goll et Burdach (noyaux graciles et cunéiformes). C’est pourquoi le terme de colonne dorsale est employé. Les fibres forment une colonne qui monte jusqu’au bulbe. A ce niveau, l’information qui était ipsilatérale va passer du côté controlatéral et rejoindre les noyaux du thalamus avant de se projeter dans le cortex somatosensoriel. Le système extralemniscal va envoyer les fibres issues des récepteurs au niveau de la moelle épinière où le premier relais va s’établir. L’information va alors immédiatement être transférée du côté controlatéral, avant de monter par les faisceaux antérolatéraux.

Ces deux voies permettent de conserver une vue somatotopique * des innervations notamment dans les cordons postérieurs, les noyaux du bulbe rachidien et les noyaux thalamiques. Au niveau du cortex, l’organisation en colonnes corticales permet de cartographier les stimulations, de les localiser précisément, d’identifier le type de stimulation et la modalité à l’origine de cette stimulation. Pour une stimulation particulière, une colonne sera activée et pas les autres. Le chercheur Mountcastle et ses collaborateurs (1984) est à l’origine de cette découverte. En fonction de l’importance des innervations sur une localisation précise du corps, le nombre de cellules corticales augmente. Le célèbre homunculus a été établi en fonction de la représentation relative de chaque partie du corps au niveau du cortex. Ainsi, des zones très innervées comme la langue, les lèvres ou les doigts sont sur-représentées au niveau du cortex. Les techniques ont ensuite évoluées et les cartes se sont précisées. Toutefois, dès 1941, Marshall, Woosley et Bard ont établi une carte des potentiels cérébraux évoqués en fonction des zones de la main chez le singe.

Nous avons vu précédemment que les informations étaient transférées des récepteurs sensoriels aux aires somesthésiques en effectuant des haltes aux niveaux des relais. Ces relais permettent de transformer des informations par l’intermédiaire des inhibitions pré ou post synaptiques. Selon le contexte, les relais peuvent renforcer ou atténuer l’information de façon à faciliter ou entraver son accès au cortex. Ce mécanisme neurophysiologique permet d’expliquer la modification des seuils perceptifs et de la taille des champs récepteurs, et l’accès privilégié à une information modalitaire par inhibition des autres modalités. Ce phénomène participerait à expliquer les capacités attentionnelles en traitant prioritairement des informations spécifiques et en inhibant les autres. Cela éviterait au sujet d’être distrait de sa tâche.

Un autre rôle des relais serait de prétraiter les informations en favorisant par exemple la convergence d’informations intermodalitaires, c’est-à-dire en dirigeant vers des cellules thalamiques identiques des informations proprioceptives et des informations vestibulaires et cérébelleuses. Ce regroupement des informations permettrait un traitement cortical plus aisé. Si ces aires se dessinent dans le cortex et sont spécialisées dans un type de traitement, il semblerait que ces aires ne soient pas cloisonnées comme les chercheurs l’ont tout d’abord pensé. En fait, une étroite collaboration existerait entre les aires primaires et associatives et également entre les différentes parties d’une même aire, par l’intermédiaire de liaisons cortico-corticales.

Notes
*.

somatotopique : du grec soma (corps) et topos (lieu), qui conserve l’organisation du corps.