6-2 Le point de vue de Klatzky et Lederman (1987)

6-2-1 Le modèle par médiation d’image

Klatzky et Lederman ont été amenées à envisager un modèle de traitement des informations kinesthésiques par médiation visuelle. Pour ces auteurs, la propriété de forme dépend à la fois de paramètres spatiaux et de paramètres temporels. Or, dans leur modèle, l’extraction des informations sensorielles haptiques est basée sur des ‘procédures exploratoires’ (EP : exploratory procedure). Ces procédures impliquent de traiter des informations sur la position des doigts et de la main, et sur leurs mouvements potentiels. Rappelons que le terme haptique signifie tactilo-kinesthésique autrement dit, il désigne l’alliance de la perception tactile cutanée à des informations de mouvements ou de postures. Les informations kinesthésiques impliquent donc des informations spatiales et temporelles. Les sujets, voyants ou aveugles, surestiment les longueurs de façon proportionnelle à la longueur du chemin parcouru : plus le chemin est long, plus la surestimation est importante (Heller, Calcaterra, Burson et Green, 1994). De même, plus l’exploration est longue, plus la surestimation de la longueur est importante (Lederman et al, 1987). En 1999, Klatzky trouve une sous-estimation de la distance en lieu et place de la surestimation, mais pour une réponse motrice contre une réponse verbale en 1987. L’influence des informations kinesthésiques sur les illusions haptiques a également été mis en évidence par Heller et Joyner (1993). Pour Lederman, Klatzky et Barber (1985), ces informations kinesthésiques ont donc un rôle dans la construction de la représentation dans une tâche de jugement de la distance. Dans une situation d’identification d’objets à partir de son contour, il est impératif de construire une représentation de l’objet exploré haptiquement, en particulier dans le cadre de figures planes. Deux solutions sont alors envisageables :

  • -soit les informations kinesthésiques permettent la création d’une représentation spatiale suffisante pour parvenir à l’identification,
  • -soit les informations sont recodées en image visuelle

Or, Lederman et al (1985) ont montré que les aveugles congénitaux étaient plus sensibles à l’effet de distorsion du chemin que les aveugles tardifs. Ces données suggèrent l’importance de l’expérience visuelle, notamment dans le cadre du traitement d’informations spatiales. Klatzky et Lederman (1987) ont donc émis l’hypothèse d’un recodage visuel précoce, dans lequel les informations perceptives haptiques sont immédiatement recodées en informations perceptives visuelles. C’est le modèle par médiation d’image (figure 9). Cependant, ce type de recodage précoce est incompatible avec les études sur le transfert intermodal. Nous avons vu à ce propos que le modèle de recodage de Connolly et Jones (1970) a été invalidé. Dans cette conception, un transfert serait envisageable entre les modalités haptique et visuelle. Or, les données expérimentales prouvent le contraire. Ainsi, les performances sont meilleures en condition intramodales qu’en condition intermodales (Connolly et Jones, 1970).

Figure 9 : Les modèles par médiation visuelle et par appréhension haptique directe ( d’après Klatzky et Lederman, 1987).
Figure 9 : Les modèles par médiation visuelle et par appréhension haptique directe ( d’après Klatzky et Lederman, 1987).