2-2-Les procédés d’exploration décrits par Klatzky et Lederman (1987)

2-2-1 Les paramètres

Les procédures exploratoires sont donc des modèles stéréotypés de mouvements ou de contacts haptiques exécutés par un sujet sur un objet (Klatzky et al, 1987 ; Klatzky et Lederman, 1993). Klatzky et Lederman (1993) différencient les procédures exploratoires (EP : exploratory procedures) selon divers paramètres :

  • le mouvement : est-ce que l’effecteur final (bras, main, doigts) est statique ou dynamique ?
  • la direction : est-ce que la force exercée sur la surface de l’objet par l’effecteur final est normale ou tangentielle ?
  • la région : est-ce que l’effecteur final s’intéresse à la surface, aux angles ou à la surface et aux angles ? La surface est la région où le contour ne change pas de façon abrupte et un angle est une région avec un changement abrupt du contour local ou une trajectoire avec des changements importants du contour (Klatzky et Lederman, 1993).
  • la contrainte de l’espace de travail : est-ce qu’un support extérieur (objet posé sur une table) ou un maintien en équilibre (objet porté par le sujet) est indispensable ?

Ces paramètres dépendent les uns des autres. Si le mouvement prend une valeur statique, alors la direction de la force sera nécessairement normale. Les procédures exploratoires ont été différenciées sur ces paramètres. Lederman et Klatzky (1987) ont proposé huit procédures exploratoires dont deux ont une fonction test. Ces deux procédures tests consistent à effectuer des actions sur l’objet afin de comprendre sa fonction et son organisation (parties mobiles,...). Elles sont très spécifiques, c’est pourquoi nous ne les étudierons pas. Les six autres sont le contact statique, la pression, le frottement latéral, l’enveloppement, le suivi de contour et le soulèvement (figure 10).

Figure 10 : Procédures exploratoires (d’après Lederman et Klatzky, 1987).
Figure 10 : Procédures exploratoires (d’après Lederman et Klatzky, 1987).

Les procédures exploratoires se distinguent les unes des autres en fonction des paramètres que nous avons exposés précédemment (tableau V).

Tableau V : Valeurs des procédures exploratoires en fonction des paramètres (d’après Klatzky et Lederman 1987).
  Mouvement Direction Région Espace contraint
Contact Statique CS Statique Normale Surface Non
Pression P Dynamique Normale Surface Non
Mouvement Latéral ML Dynamique Tangentielle Surface Non
Enveloppement E Statique Normale Surface & angles Non
Suivi de Contour SC Dynamique Tangentielle Angles Non
Soulèvement S Statique Normale Surface & angles Oui

Le tableau montre qu’il est parfois très difficile de distinguer des procédures d’exploration. Ainsi le soulèvement ne se différencie de l’enveloppement que sur la contrainte de l’espace de travail : le soulèvement, contrairement à l’enveloppement, nécessite une absence de support extérieur. De même, l’enveloppement diffère du contact statique, seulement sur le paramètre de région. Alors que le contact statique ne s’applique qu’à la surface, l’enveloppement englobe la surface et les angles.

Les paramètres définissant une procédure exploratoire sont donc particulièrement stables, ce qui leur permet d’obtenir des informations différenciées. Leurs caractéristiques leur confèrent la capacité à extraire certaines propriétés. Ainsi, le contact statique est particulièrement adapté à l’extraction des informations de pression, de dureté, ou de température ; le frottement latéral, de texture ; l’enveloppement, de forme globale, ou de volume ; le suivi de contour, de forme exacte ou de volume et le soulèvement, de poids. Cependant, si certaines procédures sont plus pertinentes pour l’extraction d’une propriété, cela ne signifie pas, que seule cette propriété est extractible par ce procédé. Cela exprime seulement qu’une procédure est suffisante à l’extraire. Ainsi, le frottement latéral permet dans 90% des cas, de relever la valeur de texture contre 55% pour le soulèvement. Il est également efficace à 69% pour la dureté et à 58% pour la température. Ces données ont été obtenues grâce à une tâche d’appariement de stimuli sur une dimension, en contraignant les sujets à utiliser une seule procédure exploratoire. Chaque dimension a été testée avec toutes les procédures, ce qui a permis d’établir des pourcentages de réussites en fonction de la dimension et de la procédure.

Ces observations ont conduit Lederman et Klatzky (1987) à établir un classement des procédures exploratoires en fonction de leur diagnosticité. Les auteurs ont évalué pour chaque procédure d’exploration leur capacité à extraire une propriété donnée. Cette notion de diagnosticité rappelle la hiérarchie d’évocabilité de Reuchlin (1978). Cette dernière postule qu’un processus a une probabilité d’apparition particulière pour chaque individu en fonction de critères comme la réussite, la vitesse, la tâche, la charge mnésique,... La diagnosticité a été établie pour un ensemble d’individus, mais cela ne signifie pas que tous les sujets ont obtenu les mêmes performances, c’est une moyenne. La hiérarchie doit pouvoir être modifiée selon la tâche. Ces considérations nous conduisent à formuler deux questions dans le cadre de notre recherche. Comment cette hiérarchie évolue t-elle ? Et évolue t-elle différemment en fonction du statut visuel des sujets ? Mais voyons tout d’abord comment les auteurs ont traité la notion de diagnosticité des procédures exploratoires.