1-1-6 Discussion sur les temps d’exploration

Les résultats invalident nos hypothèses. Alors que nous attendions une diminution des temps d’exploration pour le groupe haptique et une absence d’évolution pour le groupe auditif, nous obtenons une diminution pour le groupe auditif et une absence d’évolution pour le groupe haptique. Plusieurs points sont à considérer pour expliquer ces résultats. Tout d’abord, pourquoi le groupe auditif a t-il réduit son temps d’exploration ? La première hypothèse que nous pourrions formuler, est que le groupe auditif a amélioré ses performances. Or, les analyses précédentes ont montré que ce n’est pas le cas. Une autre possibilité est que le groupe auditif a passé moins de temps sur les items, par désintérêt pour la tâche. En effet, n’ayant pas de retour sur leur performance, ils se sont peut-être démotivés. Pourtant, leurs performances globales n’ont pas évolué. Une autre explication doit exister. Ce phénomène est peut-être induit par l’entraînement auditif suivi par ce groupe. La consigne demandait aux sujets de résoudre la tâche le plus rapidement possible. Or, la tâche a été résolue beaucoup plus rapidement dans la condition auditive que dans la condition haptique. La modalité haptique nécessite en effet une exploration plus longue que l’écoute d’un son. Cette plus grande séquentialité se traduit par des temps d’exploration plus longs. Par conséquent, les sujets du groupe auditif ont été habitués à donner rapidement une réponse et ils ont pu garder cette habitude lors de la phase haptique. Toutefois, cette interprétation ne suffit pas à expliquer pourquoi le temps d’exploration des voyants n’a pas évolué.

Ce second phénomène puise peut-être son origine dans le niveau d’expérience et de dextérité haptique des sujets. Certes, l’entraînement leur a permis d’améliorer leurs performances, mais cette phase est relativement courte au regard de l’expérience qu’ont pu se constituer les aveugles. De ce fait, la qualité d’exécution des procédés d’exploration haptique n’a peut-être pas encore atteint un niveau suffisant pour réduire les temps d’exploration. De plus, nous avons vu dans le chapitre 4 que les procédés d’exploration ne sont pas tous compatibles. Les sujets, manquant d’expérience, associent peut-être mal les procédés entre eux et perdent du temps. De même, le choix des procédés, même s’il évolue à la suite de la phase d’entraînement, n’est peut-être pas toujours judicieux. Nous reviendrons sur ces procédés d’exploration dans le chapitre 8. Une autre possibilité est que les voyants ont appris au cours des entraînements à prendre le temps d’explorer, contrairement au groupe auditif. De ce fait, ils prêteraient moins attention à la consigne d’explorer le plus rapidement possible, qu’à la consigne de retrouver la figure identique au modèle. Ainsi, le temps indiquerait un moins grand stress du groupe haptique que du groupe auditif, face à la tâche. Ce dernier groupe se centrerait plus sur le temps, étant donné qu’ils n’ont jamais eu de retour sur leurs performances.