1-2 Incidence du statut visuel

1-2-1 Résultats attendus

Dans la tâche que nous proposons, les sujets doivent retrouver la figure identique au modèle mais sans informations préalables sur le type d’appariement. Au fil des essais et notamment au cours des séances d’entraînement, les sujets doivent tester différentes possibilités. Les sujets doivent donc construire des inférences sur la base d’un raisonnement inductif, pour comprendre la tâche et trouver la propriété pertinente. Le retour en terme de juste ou faux, permet aux sujets au cours des entraînements de tester leurs inférences et de trouver la règle. Nous sommes ici dans le cadre d’un apprentissage discriminatif. Cependant, tous les sujets ne raisonnent pas de la même manière, or selon le mode de raisonnement, les inférences seront différentes et les processus mis en place également. Le statut visuel peut également avoir une incidence sur le raisonnement et par conséquent sur les performances. Toutefois, la littérature nous révèle que pour des formes géométriques, les performances des aveugles précoces et des aveugles tardifs sont semblables (Heller, 1989). Nos figures étant des formes géométriques, nos résultats ne devraient donc pas montrer plus de différence.

De même, nous nous attendons à ce que les voyants aient de moins bonnes performances que les aveugles. D’autre part, nous postulons que la variabilité interindividuelle intragroupe sera plus élevée pour les voyants et pour les aveugles tardifs que pour les aveugles précoces. En effet, les aveugles tardifs, tout comme les voyants, ont eu une perception visuelle. Il est donc possible que certains de ces sujets cherchent à traduire les informations haptiques en informations visuelles. Ainsi, ils se trouveraient dans une impasse. En effet, nous avons vu avec Lederman, Klatzky et al. (1990) les limites d’un modèle de la perception par médiation d’images. En revanche, nous avons argumenté que cette traduction à défaut d’aboutir pouvait être tentée. Nous rejoignons à ce niveau de réflexion le modèle de la vicariance avec des processus plus ou moins efficaces pour résoudre une tâche (Reuchlin, 1978) avec une implication au niveau des travaux sur les résolutions de problèmes (Richard J.F, 1998 ; Bastien, 1993, 1997) et au niveau de la distinction entre les notions de handicap et de déficit. En effet, nous avons vu que les tâches de résolution de problèmes sont les lieux privilégiés de l’observation des sujets et de leurs raisonnements. De ce fait, elles permettent l’étude des variabilités intergroupes, interindividuelles et parfois intra-individuelles.

De même, le choix d’un processus différent peut entraîner des performances différentes et donc un niveau de handicap différent. Au-delà de la notion de déficit, qui conduit parfois à un état pathologique, nous pouvons généraliser le handicap à des individus sains mais face à une difficulté qu’ils ne réussissent pas à résoudre. Face à un problème, toute personne est plus ou moins handicapée, selon sa capacité à résoudre le problème. C’est pourquoi, la variabilité interindividuelle se retrouve dans toutes les populations. Nous ne devons pas perdre de vue la définition première du handicap. Le handicap est un poids que l’on attribue aux joueurs pour restreindre les écarts, notamment dans le cadre d’une course hippique. Ainsi, dans une tâche haptique, ce ne sont pas nécessairement les aveugles qui sont handicapés mais bien les voyants.

Au niveau des temps d’exploration, nous postulons que les voyants manquent d’expérience haptique face aux aveugles et que le choix et la qualité d’exécution de leurs procédés d’exploration sont inférieurs avec pour conséquence des temps d’exploration plus longs. Nous nous attendons donc à ce que les aveugles soient plus rapides que les voyants. Cependant, nous avons vu précédemment que le temps d’exploration ne diminue pas entre les épreuves pour le groupe haptique et donc que l’habileté haptique n’est pas l’explication la plus pertinente. Le rôle de l’expérience visuelle est l’hypothèse la plus prégnante. L’analyse des procédés d’exploration fera l’objet d’une analyse ultérieure. Pour cette raison, nous pensons qu’une différence sera également observable entre les aveugles précoces et tardifs avec des temps d’exploration plus longs pour les aveugles tardifs. En effet, nous avons postulé précédemment que l’expérience visuelle a une influence sur la mise en place d’un processus de recherche de l’information. Nous avons notamment avancé que certains aveugles tardifs allaient essayer de traduire les informations haptiques en une représentation visuelle. Le coût de cette tentative devrait s’observer par le biais des temps d’exploration, avec des temps plus longs pour les aveugles tardifs que pour les aveugles précoces. De telle sorte que les temps d’exploration des aveugles tardifs devraient être proches de ceux des voyants.