2-Les procédés d’exploration haptique

Nous avons relevé le nombre de fois où les procédés ont été utilisés au cours des 40 items. Nous n’avons pris en compte qu’une seule apparition par item. Par contre, plusieurs procédés pouvaient être utilisés pour un même item.

2-1 Résultats attendus

Jusqu'à présent dans ce travail, nous avons postulé que les voyants et les aveugles tardifs partageaient un mode de raisonnement issu de leur expérience visuelle. Nous avons eu des éléments de réponse en faveur de cette hypothèse notamment au niveau des temps d’exploration. Nous avons interprété la durée d’exploration plus longue des voyants et des aveugles tardifs comme la résultante d’une tentative de traduction des informations haptiques en informations visuelles. Pour créer une représentation visuelle, le sujet doit reconstruire une unité perceptive à partir des différentes informations extraites par la modalité haptique. Les sujets vont donc essayer d’obtenir le maximum d’informations sur la figure. Ils vont notamment rechercher la forme globale et la forme précise de la figure.

Or, la tâche que nous proposons relève essentiellement d’une perception des distances et n’implique donc pas la formation d’une représentation détaillée et complète de la figure. En effet, lorsque les sujets ont compris, au fil des séances d’entraînement que seules les dimensions variaient, ils peuvent alors s’abstenir d’explorer la figure sous toutes ses dimensions, pour s’attacher exclusivement à la perception des longueurs. La construction d’une représentation détaillée de la forme, voire même de la forme globale, ne leur permettra pas de percevoir les différences de manière suffisamment précise pour réussir la tâche avec une probabilité élevée. De plus, la surcharge mnésique due à une recherche sur toutes les dimensions de la figure, risque de perturber le traitement des informations et de gêner la construction de la représentation de la figure. En revanche, si le sujet se centre sur une seule dimension, la représentation de cette dimension sera plus facile à construire et la décision plus sûre. Ce point a d’ailleurs été intégré dans la boucle d’extraction-sélection des procédures exploratoires de Klatzky et Lederman (1993) dans sa forme révisée par Russier (2000) avec la prise en compte d’une ou plusieurs procédures exploratoires selon leur spécialisation et leur compatibilité.

Par conséquent, l’application des procédés métriques est non seulement amplement suffisante pour résoudre la tâche, mais en plus elle devrait être la plus efficace. Si, les sujets veulent se représenter la figure, ils devront recourir à d’autres procédés et en particulier aux procédés d’enveloppement et de suivi de contour. Ainsi, nous devrions retrouver ces procédés chez les voyants et les aveugles tardifs de façon massive par rapport aux sujets aveugles précoces. Toutefois, les séances d’entraînement doivent permettre aux sujets de trouver le critère de différenciation des items et par conséquent de restreindre leur exploration à la recherche d’informations pertinentes. Une diminution de ce type de procédés devrait donc être observée lors de la deuxième épreuve. Le groupe auditif, quant à lui devrait conserver les mêmes procédés d’exploration d’une épreuve à l’autre. Toutefois, si la traduction des informations haptiques en informations visuelles dénote un mode de raisonnement spécifique, nous devrions garder une trace de l’emploi de ces procédés malgré l’entraînement.

D’autre part, si les voyants et les aveugles tardifs recourent majoritairement au suivi de contour, nous devrions observer des différences au niveau de l’utilisation des doigts. Ces deux groupes devraient explorer plus souvent avec un seul doigt qu’avec plusieurs.

Le dernier point est celui du nombre de figures explorées. Nous avons vu que les sujets pouvaient rechercher de l’information de deux manières. Soit les sujets ont des informations précises sur ce qu’ils cherchent soit ils n’en ont pas. Dans le premier cas, les sujets vont rechercher des détails et dans le second, ils vont rechercher des informations globales. Ces modes de traitement auront des implications sur le nombre d’aller-retour entre les figures. Plus les sujets vont rechercher un critère précis de différenciation, plus ils vont comparer les figures les unes avec les autres. En revanche, si les sujets n’ont pas d’informations préalables, ils vont essayer de construire une représentation pour toutes les figures. De ce fait, ils vont explorer les figures les unes après les autres. Le nombre de changement de figures sera donc moindre. Par conséquent, nous devrions observer une augmentation du nombre d’explorations successives des figures pour le groupe des voyants haptiques entre les épreuves. Nous devrions observer la même évolution pour les aveugles tardifs et précoces. De la même manière, nous devrions relever une augmentation du nombre de fois où le modèle a été touché au cours d’un item chez les voyants du groupe haptique.