L’incidence du matériel expérimental

Lorsque l’écart entre la cible et les distracteurs est faible, les performances des voyants sont comparables à celles des aveugles. Ce résultat est à mettre en lien avec les données physiologiques de la perception haptique. En effet, lorsque l’écart est inférieur à deux millimètres, les sujets sont dans l’incapacité de discriminer deux points, en raison de l’écart entre les récepteurs. De ce fait, la difficulté des items est présente, aussi bien pour des sujets expérimentés, que pour des personnes novices en exploration haptique. Il faut rappeler que les personnes aveugles ne sont pas des individus avec une perception haptique surdéveloppée. Leurs performances sont supérieures en raison d’un meilleur traitement des informations grâce à leur expérience et non du fait d’une perception hors norme. L’étude de la difficulté des planches vient alimenter ce constat. En effet, les données nous informent que la difficulté des items se perçoit aussi bien chez les voyants que chez les aveugles. Lorsque l’écart entre les distracteurs induit des risques d’erreurs importants, les sujets parviennent à éviter ces grosses erreurs quel que soit leur statut visuel. Ils parviennent ainsi à améliorer leurs performances. En revanche, lorsque cet écart conduit à des erreurs de faible amplitude, les sujets éprouvent des difficultés pour éviter les pièges.

D’autre part, contrairement à nos attentes, la position de la cible n’est pas un critère de difficulté. Que la cible soit éloignée ou non du modèle, les performances sont comparables et ce, aussi bien pour les voyants que pour les aveugles.

Au niveau des figures nous pouvons constater, en accord avec les travaux de Heller et al (1997) sur la surestimation des longueurs, que seule les figures de type A, autrement dit les figures les plus allongées, bénéficient d’une amélioration très significative des performances. Les temps d’exploration suivent également la même courbe avec des temps d’exploration plus courts pour les items les mieux réussis. Néanmoins, si les courbes des voyants et des aveugles tardifs suivent celle des aveugles précoces, leurs temps d’exploration demeurent plus longs que ceux des aveugles précoces.

Ainsi, les temps d’exploration ne traduisent pas seulement la difficulté. Ils dévoilent également une constante séparant les sujets qui ont une expérience visuelle de ceux qui n’en ont pas. Autrement dit, la difficulté des items ne permet pas d’expliquer les différences de temps d’exploration. Ce résultat nous conforte dans notre hypothèse. Les différences observables entre les groupes traduisent un mode de raisonnement spécifique selon l’expérience visuelle.