1.1.15 Séparation et travail d’individuation

L’individuation, comme processus inéluctablement interrogé lors de la crise de la vieillesse, c’est-à-dire au moment de tourner une page (faire un travail de deuil), viendrait réactiver les précédentes élaborations du processus individuation/ séparation. Dans la démence de défense, le sujet serait confronté alors à un détruit/troué narcissique plutôt qu’à un « détruit/trouvé » retrouvé parce qu’insuffisamment cicatrisé, solidifié, au cours du temps et des différents deuils du sujet. A l’origine, s’agit-il d’un processus de différenciation et de séparation mal réalisé ?

Est-ce en lien avec les contre-attitudes des soignants qui ont le sentiment de ne plus exister dès qu’ils sont perdus de vue par les déments ? (ressemblance avec le jeu de l’apparu/disparu ?). Est-ce en lien avec l’ébauche d’un travail de différenciation individuelle (Moi-non/Moi) observée dans les groupes, c’est-à-dire grâce au support et à la présence de la psyché d’un autre ? Serait-ce un détruit-troué à l’origine de la structuration psychique dans le sens d’une confusion entre l’expérience psychique de la destructivité (symbolique) et celle de la destruction réelle ? Du point de vue de la mémoire, on peut s’appuyer sur les différents travaux concernant le développement de l’enfant qui montrent que la mémoire se crée aussi en présence de quelqu’un. Nous pouvons faire l’hypothèse que la mémoire revient également en présence de quelqu’un ; l’absence de la psyché d’un autre (non constitué comme objet interne) serait ici comparable à ce que A. Green traite dans la question du complexe de la « mère morte ».

La maladie du lien dans la démence relancerait la question de la maladie du lien passé en réactivant/répétant l’impossible séparation ; un peu à l’image du bébé mort des suites d’une mort subite du nourrisson, la démence constituerait-elle une sorte de mort subite de l’adulte ? L’idée d’une mort psychique subite à l’image de neurones qui se suicideraient ? : Point commun entre les deux : l’incapacité à survivre en dehors de la présence de la psyché d’un autre ou de plus d’un autre. La démence nous interroge sur la création de Soi dans la création du lien.