3.7 Mémoire et conscience et passé

Dans ma propre expérience d’évaluation neuropsychologique auprès de personnes âgées diagnostiquées démentes, j’ai toujours été interrogé par les manifestations confabulatoires de ces patients. J’ai appris alors, notamment dans mes lieux de stage, que par définition, la confabulation est un symptôme que l’on observe davantage chez les patients amnésiques (dans le syndrome de Korsakoff, le traumatisme cranio-cérébral, les lésions du lobe frontal, dans la démence, etc.). Ces patients sont décrits comme inconscients de leur déficit de mémoire. Le contenu de la confabulation peut varier considérablement en actions et en affirmations verbales a priori incohérentes avec l’histoire du sujet, et produites de manière non intentionnelle. La confabulation concerne souvent le récit d’événements autobiographiques réels, mais déformés, ou bien racontés de façon « décalés » dans le temps et dans l’espace.

La confabulation est liée, dans la pathologie, aux troubles mnésiques. L’hypothèse faite, alors, était celle de combler un vide à l’occasion du trou de mémoire (hypothèse du « gap-filling »). Mais, certaines études montrent que les patients ne font pas forcément de confabulation au moment des trous de mémoire (G. DallaBarba, A.M. Ergis, 1995). D’autres auteurs pensent que la confabulation doit être rapportée au « contrôle de la réalité » ; ce dernier se fait à partir des caractéristiques de l’information reliées au processus de jugement qui permet de dire si un événement est réel ou imaginé.

Cependant, comment décider si l’information « récupérée » provient du monde « extérieur » ou du monde « intérieur » ? De la perception ou de l’imagination ? Et si les processus de jugement sont en cause, qu’en est-il de la conscience ? Les confabulations ne sont possibles qu’à partir d’informations « restantes », qu’en est-il du contenu de ces confabulations ? La confabulation a un rapport avec la mémoire, il paraît donc intéressant de s’interroger sur les liens avec la conscience. Est-ce que la confabulation qui perturbe la mémoire a aussi une influence sur la perturbation de la conscience ? Serait-ce une conscience perturbée ou pathologique du passé vécu? Quel est le rapport de la conscience avec ce passé ? Quels seraient les fondements d’une conscience comme une dimension complètement passive des informations reçues ou complètement distinctes du phénomène de la mémoire ?

L’approche neuropsychologique manque à intégrer une théorie psychologique du souvenir qui comprend une idée cohérente de la conscience et de ses différents rapports avec le passé.