DEUXIEME PARTIE :
Du parcours méthodologique à la pratique psychothérapique : la démence comme un «voyage» de retour

Cette seconde partie présente ce qui se rattache et se raccorde à notre pratique psychothérapeutique, qui fait suite au tour d’horizon de l’état de la question abordée en première partie.

L’ensemble de ce second temps concerne la pratique psychothérapeutique auprès de sujets âgés atteints de démence type Alzheimer. Une revue des différentes pratiques anglo-saxonnes et francophones rend compte des enjeux et de la prise en compte de la souffrance de ces patients et de leur famille, comme équivalent d’une demande d’aide. En institution, une méthode s’est progressivement imposée à moi : une évaluation n’a de sens que si une prise en soins est proposée. Si l’évaluation est réalisée sans l’abord psychothérapeutique, sans une attitude psychothérapeutique, le regard sur le patient reste déficitaire.

Au contraire de cette démarche, il me paraît important de nous centrer sur les capacités actuelles du patient, sur ses ressources psychiques pour l’aider à restaurer une estime de soi, une confiance en soi, en traitant d’abord la blessure narcissique du patient et la prise en compte des effets sur l’entourage familial.

La psychothérapie, ou plutôt les psychothérapies, prennent leur origine dans la question de l’influence et du rôle de la relation dans le changement psychique du sujet souffrant. La psychothérapie est issue pour une large part, des découvertes freudiennes sur le transfert et la place de l’inconscient, en partant de la parole et des associations du patient. Aujourd’hui, la psychothérapie met l’accent sur l’aspect intersubjectif du processus thérapeutique et, en particulier, sur la place prépondérante des effets de cette relation sur le thérapeute lui-même par la question du contre-transfert.

Sur ces bases, de nombreuses méthodes de psychothérapies ont vu le jour à partir des questions de la pratique clinique, en particulier depuis la psychothérapie en face à face jusqu’aux thérapies de groupe directes ou « médiatisées », en passant par les techniques corporelles ou encore par les thérapies comportementales. Le problème soulevé aujourd’hui par l’abondance et la multiplicité de ces pratiques psychothérapeutiques concernent l’évaluation et les effets de changement, qui nécessite une comparaison entre les méthodes (nous reviendrons sur cette question au chapitre 8.4).

La psychothérapie du sujet âgé, et en particulier du sujet âgé diagnostiqué dément, interroge les conditions de la demande, de l’offre de soins, des capacités de « parole » du sujet âgé, les déficits cognitifs liés à la pathologie de la mémoire, la pathologie dégénérative, les possibilités d’un travail d’identification, dans la mise en place de cette pratique de soins.

Ainsi, un certain nombre de « réalités » sont posées comme autant d’obstacles à une pratique psychothérapeutique auprès de ce type de patients. Des attitudes sont alors requises pour prendre en compte cette réalité, en commençant à s’intéresser au processus dynamique du vieillissement qui concerne le continuum de la vie du sujet. Cette question déborde le domaine des réalités biologiques pour s’ancrer dans la réalité psychique.

La rencontre première avec ces patients, en institution, dans le but de leur proposer un dispositif relationnel face à la souffrance observée et exprimée, pose des interrogations quant au dispositif, mais surtout quant à la disposition à rencontrer l’autre « dément », en lien avec le point de vue de l’individu soigné dans un environnement qui influence la manière de prendre en soins ; quant à devoir supporter de ne pas savoir, en lien avec la référence obligée ou non à la maladie et à ses troubles ; quant à la façon particulière de tisser des liens avec un sujet qui perd le lien. Le danger immédiat serait-il alors de vouloir changer autrui ?

La question de la psychothérapie est centrée sur la création d’un dispositif relationnel à partir duquel le sujet peut procéder à des remaniements.

Cette seconde partie est d’abord centrée sur mon parcours méthodologique. Puis, les chapitres suivants sont consacrés à la mise en lien avec les revues de la littérature anglosaxonne et francophone relatives aux pratiques psychothérapiques auprès de sujets âgés déments. Le chapitre consacré à la revue de la littérature anglo-saxonne sur la psychothérapie des personnes âgées démentes, est un travail de traduction que j’ai effectué à partir d’un article de R. Cheston (1998), qui reprend dans une vue d’ensemble, les différentes conclusions des approches psychothérapeutiques des différents auteurs. Les derniers développements sont basés sur mon expérience psychothérapique individuelle et groupale.