6.1.4 Effets sur le lien institution/groupe/individu

Cela suppose de ne pas perdre de vue le contexte institutionnel et les différentes conceptions du soin, ainsi que le sens même d’une pratique psychothérapique en référence à la psychopathologie clinique. La fragilité psychique du sujet dément est telle que la qualité de son environnement doit être pensé dans le cadre de la prise en charge, car il se produit du fait du changement d’environnement une charge potentiellement destructrice ou au contraire constructrice suivant les réactions de ce nouvel environnement.

Dans ma position de psychologue clinicien, le travail institutionnel me concerne directement en situation de sujet «partie prenante» (comme sujet impliqué partageant la culture de l’institution) en lien avec la mission première de l’institution centrée sur le soin et le «prendre soin». L’approche psychodynamique centre sa réflexion sur le sens des pratiques, dans le cadre institutionnel dans la prise en compte des écarts avec la mission première de l’institution.

Ce lien individu/groupe/institution est nécessaire à interroger de façon régulière, car le sujet dément est «restauré» dans son statut de sujet par la subjectivité.

Ce qui suppose de construire le travail à partir du patient d’abord, dans l’ici et maintenant, c’est-à-dire le patient dans l’état où il est, depuis l’admission dans l’institution jusqu’à la prise en soins de type psychothérapie. C’est d’abord connaître la position actuelle du patient dément comme base d’un diagnostic relationnel, selon G. Le Gouès. Le projet de soins viendra dans un second temps et après avoir entendu la famille à partir du travail d’alliance possible avec l’environnement familial. Il y a une souffrance des deux, famille et patient, en particulier dans la démence de type Alzheimer, car la violence de « perdre l’autre  » comme père ou mère, comme être humain, est une souffrance portée d’abord par l’entourage. Dans l’institution, il m’a paru important de rencontrer le patient d’abord pour l’investir à nouveau (ré-instaurer une place), pour montrer qu’il n’y a pas que la douleur de la perte, pour découvrir qu’on peut ré-investir une relation (élaboration du deuil), et trouver une capacité à s’identifier.

Il y a eu une fracture avant le placement (conséquence), et il faut mettre en place un processus de ré-investissement (passage du statut de parent à celui de malade, c’est-à-dire pouvoir se dire « mon père est malade » en présence de quelqu’un. C’est un travail sur la perte, la violence de la perte, l’acceptation de la perte de l’image du parent d’avant. S’agit-il de l’engagement d’un travail de deuil qui passe par l’expérience de la séparation physique pour figurer une équivalence entre le travail de deuil et l’admission ? Réalité du placement comme condition (équivalent) qui permet l’accomplissement d’un certain travail de deuil, en présence de quelqu’un ? L’événement « décision de placement » prise par la famille, en appui sur le diagnostic médical, renvoie à l’idée d’une séparation physique qui précéderait la séparation psychologique, faisant l’impasse (déni ?) d’un travail sur la séparation en terme d’acceptation des changements. Nous avons souvent noté le « besoin » d’un témoin extérieur (« aidez-moi à savoir ou j’en suis ») adressé en même temps que la disqualification même de l’intervention d’un tiers : nous retrouvons ces situations de crise individuelle jusqu’à la mise en crise du groupe familial (en demande d’hospitalisation), quand la confusion des rôles de chacun est venue effacer la place de chacun dans la structure familiale.