6.3.4 Double et objet interne

La question du double, évoquée plus haut, est aussi la question de « l’autre » comme « pareil » et comme « différent ». Quête d’un double, extérieur à soi dans la démence ? Double au dehors qui n’existe plus au dedans ? Est-ce cela qui fait « étrangeté » pour le thérapeute de ne pouvoir être le miroir du monde interne du patient ?

La question du double dans l’abord psychothérapique avec les patients « déments » pose la question du « pareil » et du « différent ». Cette question nous est adressée par le patient en terme de « compagnon imaginaire », sous forme « hallucinatoire », ou encore dans l’expérience « d’inquiétante étrangeté » devant le miroir. Au niveau théorique, cela pose la question du type de « relation d’objet » et de la question du lien d’une façon plus large.

Cette quête du double est une problématique assez universelle qui, dans l’épreuve de la démence, est réactivée à cause des pertes, des deuils, des séparations passées. La situation de groupe, comme dispositif suffisamment bon à un moment donné de l’évolution des troubles, interroge le couple d’opposés ressemblance/différence ; la ressemblance (appartenance à un groupe) de l’autre à soi et de soi à soi (travail de régression narcissique).

Groupe comme moyen, comme tiers perceptif potentiel pour rejouer quelque chose d’une bobine de groupe qui serait mieux constituée que la « bobine individuelle » (le lien qui unit le sujet à son environnement s’apparente alors au lien mère-enfant qui alimente en confiance en soi). Mais cette reprise, au sens d’un travail de couture psychique, doit-elle se poursuivre par un travail familial individuel, pour maintenir vivante une identité ?

Aujourd’hui, les différentes approches scientifiques montrent l’influence de plusieurs facteurs en cause. De toute façon, la neurologie nous renseigne sur les supports de l’information et non pas sur le système affectif qui fonctionne aussi comme un système à part entière avec ses propres lois internes. Il est aussi souligné l’idée qu’il n’existe pas de comportement isolé pas plus qu’il n’existe de pensée isolée mais toujours en lien avec un environnement. Les troubles du comportement observés dans la démence traduisent un effort d’adaptation au monde environnant, comme le précise J.M. Léger (2000), «cette manière d’être au monde n’est pas le résultat d’un simple dysfonctionnement d’une structure neurologique particulière mais l’expression d’un organisme vivant, dans sa totalité, dirigé par la conscience en référence à la personnalité du sujet (essentiellement l’histoire de sa vie, tant sur le plan biologique qu’affectif ou intellectuel)».

On ne peut oublier les déficits instrumentaux liés à l’atteinte organique du cerveau, mais on ne peut pas non plus laisser de côté la question du narcissisme qui, au lieu de protéger, finit par détruire le Moi du sujet dans la démence.

La comparaison entre les différentes méthodes de psychothérapie devient indispensable : unité perdue/à retrouver, c’est aussi pour comprendre pourquoi nous pensons à d’autres médiations que la parole pour certains patients : avec quels objectifs, quelle référence d’évaluation, en lien avec la démarche propre à la psychopathologie.