6.4 Stratifications et défauts de représentation de l’absence dans la démence

La rupture est une perte, et pour être « dépassée » , cette perte doit en quelque sorte constituée le socle de la construction future pour l’enfant. Si cette perte ne peut pas se présenter comme socle, comme point d’ancrage, alors on peut imaginer les effets destructeurs et permanents sur le devenir de la personne. Point d’ancrage, ou préalable à réinventer/recréer à chaque crise ? Phase narcissique toujours à « dépasser » ?

La « position dépressive », décrite par M. Klein (1935), est liée à l’expérience de la perte et du manque. Cette position, centrale pour cet auteur, dans le développement psychique et dans la possibilité (en cas de non dépassement) d’une « pathologisation » future. Ce qui nous intéresse ici, c’est la souffrance psychologique mise en évidence par la traversée de cette position, déterminant l’angoisse dépressive actuelle et ultérieure. Souffrance qui semble réactivée, comme souffrance narcissique au moment de la crise du vieillir (C. Balier, 1979). Souffrance donc qui semble (se) réactualiser du fait de l’expérience actuelle d’une crise (la maladie de la démence), et réactiver des expériences antérieures qui n’ont pas pu suffisamment être intégrées au fonctionnement psychique du sujet. Souffrance qui a du mal à se dire autrement que dans la confusion passé/présent, et sur un mode en négatif, laissant l’interlocuteur dans une certaine impasse : comme si le contact avec le patient réveillait une souffrance qui ne peut pas se dire autrement que sur le mode de la faire vivre ou ressentir à l’autre d’abord ! Ce qui pose la question de la permanence de l’objet, et également la question de la représentation de l’absence (A. Sagne, 1996).

Cette déconstruction psychique, dans la démence, ferait apparaître des strates, des couches successives en mettant en relief des organisateurs de la construction : le narcissisme ; la confiance en soi ; une bobine de groupe ; la capacité d’être seul en présence de quelqu’un ; le détruit/trouvé ou le détruit/troué ; la représentation de l’absence (la chaise vide).

Dans la démence, les « bribes » du passé viennent se mixer à la perception de l’environnement réel et actuel de la personne. C’est souligner, ici, la relance du travail de la pensée par le perceptif. Cela rejoint l’idée que l’appareil psychique se construit dans la rencontre : nous sommes davantage dans la clinique de l’objet que dans celle des fantasmes.

La question de l’adresse à l’autre, essentielle dans la psychothérapie, justifie du choix d’abord par le concept de contre-transfert. Un pont méthodologique est jeté entre l’individuel et le groupal : la bobine de groupe serait-elle la condition pour que la symbolisation circule ?

Il s’agit également de raccorder la clinique du « dément » avec la clinique psychopathologique et le champ d’application en gérontologie clinique. Notre apport est d’essayer d’interroger en quoi et comment la « démence » peut-elle enrichir notre connaissance du groupe et de la groupalité psychique interne et externe. Comment alors, rendre compte de la question des processus psychiques dans la démence voire de la démence de défense ? S’agit-il de la nature de la médiation ou d’un « climat » qui permet la relance de la pensée ?