7.6.1 Psychothérapie et déficit

Au delà de ces conclusions justifiant de l’utilisation de la psychothérapie sur un plan éthique, la question du rapport à la réalité, la conscience des troubles, la conscience de soi sont à interroger, en particulier sous l’angle de la compréhension du déficit, objectivement perçu ou évalué dans sa composante subjective et défensive par rapport à la réalité et à la souffrance.

L’approche psychothérapique de la démence se doit de prendre en considération la notion de déficit. S’il est important à nos yeux de toujours envisager une évaluation neuro-psychologique en fonction de l’envisagement d’un travail de prise en soins comme à l’hôpital de jour par exemple, c’est parce que la démence en terme déficitaire a un impact très important sur le soignant qui risque de tout rapporter à l’organicité, ce qui signifie que toute évaluation sans la perspective d’un projet de soins, peut aggraver le trouble dans la démence, ce qui peut entraîner une conduite d’évitement par déni de la réalité psychique. La question se retrouve aujourd’hui dans les utilisations, quelquefois confondues, entre la notion de « déni » et celle de « anosognosie », qui expriment l’ambivalence de nos affects face au sujet dément.

La notion de déficit, telle que la précise le dictionnaire, est rapportée à la notion de manque ; définition qui indique une absence et non une inexistence. Cette notion d’absence est également à rapporter des travaux de M. Grosclaude (1996) qui fait l’hypothèse d’un sujet «dément perdu/retrouvable», incluant la notion de déficit dans une problématique identitaire. Cette notion de déficit désigne une absence et, en ce sens, l’intérêt est d’évaluer l’impact sur le soignant face à cette situation. L’évaluation montre des manques, des pertes, et le constat de leur existence dans l’abord psychothérapeutique à moins d’intérêt que d’évaluer l’impact sur le patient des réactions des soignants vis-à-vis du déficit : nos propres réactions face aux communications verbales et non verbales du patient.

Le déficit dans la démence est particulièrement irrégulier et mobile ; les fluctuations des capacités repérées par l’ensemble des personnes proches de ces patients (indépendamment de leur nature) sont également imputables au contexte, à la situation elle-même. Il en est ainsi des troubles des comportements (conduites) si souvent présents dans la démence.

Dans le travail de groupe à visée thérapeutique, les moments de confusion mentale, par exemple, quand ils sont rapprochés des sources de l’angoisse, aident le patient à être plus cohérent et proche de lui-même. J’ai, depuis le début de ma rencontre avec des patients déments, toujours été surpris de la présentation très différente entre l’observation faite dans le lieu de vie et celle dans le bureau en face à face ou en situation de groupe thérapeutique. Le déficit se manifeste dans différents registres, en particulier dans le registre affectif. Comment alors expliquer l’évaluation d’un déficit très important avec quelquefois un excès d’affects ? L’exemple le plus dramatique est celui du suicide d’une personne démente chez qui le diagnostic était assorti « d’incapacité à éprouver des émotions », comme si son histoire commençait à l’âge de 89 ans !