8.3 Les objectifs du processus psychothérapeutique et les contraintes du cadre institutionnel

La prise en compte des capacités actuelles du patient apparaît comme une insertion nécessaire dans les objectifs de la psychothérapie et reconnaît à travers les paroles et les conduites, un sujet qui exprime sa souffrance, son mal-être. Ainsi l’affect, l’affectivité devient à la fois un outil de travail et un objet de sens pour la relance de la relation à autrui. Cette vie affective se réchauffe dans le cadre de la relation et en ce sens les différents auteurs à partir de cette phrase célèbre d’Esquirol, pour qui «le dément est un riche devenu pauvre», en utilisant ces métaphores « démence chaude ou démence froide » (G. Le Gouès) et encore « démence riche ou démence froide » (M. Perruchon). Il est important de souligner cette chaleur de la relation du côté du thérapeute également. C’est cette qualité d’investissement, d’engagement et d’anticipation de la part du thérapeute qui est, à mon sens, le moteur de la relation avec le sujet dément. Cette capacité d’anticipation relance la capacité d’attachement du sujet dément qui alimente la question de la demande et de l’adresse à l’autre.

Dans ce chapitre nous aborderons cette question des objectifs psychothérapiques par la mise en évidence, à partir de mon expérience clinique, et en appui sur l’analyse de chercheurs et de psychothérapeutes mettant en évidence l’importance de l’instauration d’une confiance, d’un travail sur la restauration de l’estime de soi alliée à la qualité de l’investissement. Ces différents points mettent en évidence la question du soutien narcissique comme contrepoint à la question de la perte de soi. Une des patientes en suivi individuel définit ma fonction comme : «quelqu’un qui m’aide à mettre les mots les uns derrière les autres» autrement dit qui l’aide à mettre en ordre sa pensée. En ce sens nous rejoignons l’objectif essentiel du travail thérapeutique selon G. Le Gouès repris par P.M. Charazac en terme de « transfert sur la pensée » et d’une manière plus générale de relance de l’activité de penser. IL s’agit de relancer le fonctionnement spontané du patient lorsqu’il est en panne de mots par exemple. Le mouvement transférentiel est l’élément le plus important du cadre psychothérapeutique, selon ma perspective, car les effets positifs pour le patient dépendent de la qualité et de l’investissement du thérapeute. Dans ces questions concernant le cadre thérapeutique, je voudrais également interroger la notion de temporalité dans la rencontre même avec le sujet dément, et des effets éventuels dans l’économie psychique. Cette question détermine en quelque sorte le fondement même de la psychothérapie dans le face à face et en situation de groupe. J’aborderai dans le dernier temps de ce chapitre la question problématique des rapports entre le travail nommé «rétrospective de vie» par P. Cappeliez (1996) qui concerne la mémoire dite épisodique, biographique et la question du concept d’après coup dans la psychanalyse.