8.5.1 Un détour par le changement actuel de vocabulaire : risque et vunérabilité.

De nos jours, la question relative à la notion de temps et d’après coup, fait également référence, d’un point de vue métapsychologique, à la notion de continuité ou de discontinuité du point de vue des interactions entre l’enfant et son environnement et du point de vue de la construction des objets internes et de la groupalité de chaque sujet. Le travail de recherches sur le développement de l’enfant, soulignent le fait que, malgré un potentiel normal, l’enfant a besoin de recevoir des soins corporels, des stimulations des capacités intellectuelles, une famille accueillante, des relations affectives, pour se développer dans de bonnes conditions. Peut-être que la personne démente a bénéficié de ce potentiel normal mais à une certaine période de sa vie, et la crise de la sénescence est une période qui peut être difficile à surmonter, la rendue vulnérable.

Il s’agit peut-être davantage de mettre l’accent sur le processus qui peut être qualifié de vulnérable. Ce terme qui se retrouve actuellement utilisé dans la recherche, à propos des enfants en particulier, vient faire écho à la notion de risque chez la personne âgée.

Le terme de vulnérabilité se constate dans l’après coup, et nécessite la réponse de l’individu soumis au risque ; alors que le terme de risque s’envisage avant coup, c’est-à-dire avant l’apparition des troubles. Il y a dans la pratique en gérontologie une certaine utilisation confuse, du terme de risque, depuis la prise de risque au risque zéro. La confusion vient du fait que l’on fait comme si l’investigation objective (statistique) pouvait rendre compte en terme d’événements observables, observables du dehors, de la vulnérabilité du sujet dit à risque : une explication qui serait donnée après coup par un autre. Alors que la vulnérabilité, dont les paramètres sont difficiles à mesurer, dépend exclusivement de l’histoire de chacun ; il s’agit d’une histoire subjective liée au poids de l’événement, événement pris comme tel par un sujet. Cette histoire subjective, racontée dans l’intersubjectif en quelque sorte, puisqu’elle ne peut être comprise par le sujet qu’après le détour par un autre et dans un dispositif approprié.

Dans la compréhension de ce terme de vulnérabilité, l’idée est de mettre en évidence des constances, à partir du récit des événements racontés dans le cadre d’un travail psychothérapeutique. Je pense ici, à l’investissement du thérapeute anticipant sur la capacité de penser du sujet dément. Si le processus du développement est devenu vulnérable, en lien avec les rapports aux miroirs constitutifs du sujet, cela nous met en contact avec l’importance de l’investissement dans le développement de l’enfant. L’investissement est compris comme la manière dont l’enfant est investi par ses parents, autant que la façon dont l’enfant s’investit lui-même, en investissant ses parents. Ce processus aboutirait à la construction d’un narcissisme réussi et positif alors que l’échec de cet investissement continu, aboutirait à la mise en place de défenses narcissiques rigidifiées et continues.

Parler de vulnérabilité, dans le champ de la psychothérapie et dans le travail de recherche en psychogérontologie clinique, revient à parler de la prévention de situations à risque, comme le fait la gériatrie par exemple quand elle parle du concept de fragilité de la personne âgée. Sujet difficile et par conséquent peu abordé, pour ce qui concerne la prévention psychique d’un état à venir de démence. Des questionnements existent, notamment pour les questions relatives au «bien-vieillir» mais peu de recherches font état d’un travail sur l’entre deux crises par exemple. Entre la crise dite du «mitan» et celle nommée «crise de la vieillesse», comment s’élabore la question de la bonne distance psychique et affective à côté des préparations sociales ou matérielles de la retraite ? Existe t-il des constances qui permettraient de traiter « avant-coup » des deuils anciens ou des traumatismes qui risquent de resurgir au moment où vont se produire de nouvelles pertes ?