8.6.3 La relation thérapeutique au cœur du processus

La question de la psychothérapie des sujets déments qui a maintenant acquis le droit d’existence voire de pertinence, grâce aux recherches de nombreux auteurs sur lesquelles nous pouvons maintenant nous étayer, est une pratique qui mérite de prendre sa place parmi les autres pratiques psychothérapiques. En France les pratiques psychothérapiques ont été l’objet de recherche en ce qui concerne leur validité. Les recherches de A. Dazord, en particulier, qui a cherché à valider des outils spécifiques et celles de P. Cappeliez sur la dépression des sujets âgés, représentent des points de repères quant aux autres types de psychothérapie concernant d’autres pathologies.

Les recherches de A. Dazord (1993) et de son équipe ont montré l’utilité de l’évaluation des psychothérapies afin de mettre en évidence des facteurs de changement. Cette équipe relève que les principaux facteurs de changement sont des éléments d’ordre psychodynamique : la confiance dans le traitement, la mobilisation du patient en relation avec l’intervention de crise, la coopération. Pour ce qui concerne les prédictions de l’évolution du patient, ces chercheurs montrent que «l’auto évaluation initiale du patient se révèle peu corrélée avec son évolution ultérieure, comme si les instruments d’évaluation que les chercheurs-cliniciens avaient conçus rendaient mieux compte des représentations du soignant que de celles du patient». Le point essentiel et le plus intéressant de ces recherches, est la mise en évidence «du rôle prédominant joué, quelle que soit l’approche, par le lien relationnel entre patient et psychothérapeute et par le rapport à soi du patient».

Les études anglo-saxonnes (cf. chapitre 7.6) montrent l’utilité clinique des approches psychothérapeutiques, avec une efficacité empirique. Ces études se donnent comme objectif actuel d’être plus structurées, et d’orienter les bénéfices en fonction de critères d’auto évaluation ou tout au moins orientée en fonction du point de vue du sujet dément. L’autre objectif retenu concerne les capacités d’adaptation du sujet qui souffre de troubles cognitifs.

L’évaluation des effets des psychothérapies concernant les troubles anxio-dépressifs) dans un contexte anglo-saxon montre peu de différences d’efficacité entre les différents types de psychothérapie. Cette observation a été nommée « paradoxe de l’équivalence » mettant en relief deux principaux facteurs, que l’on retrouve dans l’étude de A. Dazord (1997) :

Ces mêmes travaux de recherche (A. Dazord, 1997) concluent autrement pour l’approche francophone, en mettant l’accent sur le type d’approche en complément au rôle positif de la relation entre le patient et le psychothérapeute.

Les recherches de P. Cappeliez sont orientées en partie sur la dépression (prévalence, évaluations, méthodologie et répercussions sur l’entourage) chez le sujet âgé. Ses derniers travaux (1999) proposent une intégration de la thérapie cognitive et de la «rétrospective de vie» dans les interventions de groupe. Cet auteur met en évidence l’intérêt de prendre comme point de départ les stratégies d’adaptation (coping) des personnes âgées dépressives et spécifiquement de s’intéresser à la mémoire auto-biographique. Dans cette perspective cette vue s’accorde avec le concept de bilan de vie (J. Gaucher, 1996) et des vues psychodynamiques. L’objectif principal est principalement «d’enclencher une ré-interprétation de certains événements du passé, de leurs causes et de leurs conséquences. Cette démarche vise à favoriser une remise en question de pensées et de croyances à propose de soi qui s’étaient cristallisées sur le négatif». Ce travail fait un lien entre vulnérabilité et dépression en parlant de «schémas développés très tôt dans l’existence». Ces schémas sont-ils superposables à la théorie des contenants psychiques (B. Gibello, 1994) ? Selon l’auteur, un «schéma dépendant» (fragilité narcissique ?) entraîne une angoisse d’abandon. Ainsi, un événement de perte va réactivé «un schéma dépressogène». Le travail de la rétrospective de vie passe par un «rappel circonstancié des événements […] l’accent est mis sur les stratégies que la personne a utilisées, sur les processus plutôt que sur les résultats […].

Le travail psychique est vital en ce qui concerne la qualité de «travail du vieillir»et aussi et surtout concernant les troubles psychiques liés au vieillissement. Pour que l’évocation du passé, dans la démence, ne soit pas répétition à l’identique (cf. De M’uzan , ) le patient a besoin d’un climat relationnel contenant pour relancer son plaisir à penser. La mémoire biographique peut revenir en présence de quelqu’un. C’est cette qualité de la relation comme qualité du contenant affectif qui est au cœur du processus de soin psychique du sujet dément car dans la pratique clinique nous rencontrons un sujet aux prises avec un point de souffrance. Ce point de souffrance correspond à un Moi en état de souffrance (cf. Le Gouès, 1989). Le travail psychothérapique vise à l’amélioration psychique du sujet et au développement positif des relations interpersonnelles.

La nature de la médiation utilisée (groupale, et matérialisée par des médiums matériels comme la peinture) est justifiée par le fait que le patient ne peut pas se représenter (absence/présence) un médium immatériel (comme la parole). Les éléments techniques ont été décrits dans le travail de DEA (1996) centré sur les aspects méthodologiques et visant à rendre compte de l’intérêt d’une approche psychothérapique individuelle et/ou groupale.