11.1 Thérapie à trois temps

Le titre de ce chapitre évoque mon propre cheminement dans la rencontre avec ces patients, la référence à une thérapie à trois temps renvoie à la notion de tiercéité, de triangulation, et d’espace de transition pour pouvoir reconstruire de nouvelles limites, de nouveaux équilibres. Dans ce domaine la psychanalyse transitionnelle élaborée par D. Anzieu et R. Kaës reste le modèle théorique et méthodologique de référence.

Les différents cliniciens/chercheurs interrogent aujourd’hui les stratégies possibles de prise en soin psychothérapique des sujets déments. Nous sommes confrontés à la déconstruction progressive de la psyché, à la perte de soi, à la perte progressive des capacités de langage verbal, et à la question de la place de sujet dans la représentation sociale de cette pathologie. La souffrance d’un sujet confronté à la perte de soi engendre une rupture dans la dynamique familiale et dans la cohésion du groupe. Cette référence au tiers est inscrite dans la demande du patient qui s’exprime toujours par l’intermédiaire d’un autre et renvoie en écho à la question de l’histoire individuelle et familiale. Ma rencontre avec ces patients est passée par trois étapes :

  • 2 par 2 en individuel ou dans un groupe
  • le travail de groupe comme nouvel environnement
  • le travail familial car l’appareil psychique individuel en pays de démence a besoin du soutien de son environnement réel et imaginaire

L’accompagnement du sujet dément, en institution suppose de prendre en compte les dimensions de lieu de vie et de soin ; ainsi l’accompagnement se définit à la fois comme partage de vie au quotidien qui tend vers l’idée d’un milieu substitutif au milieu familial (espace géographique du groupement) et aussi comme un accompagnement qui rend possible un travail d’élaboration psychologique (groupe comme espace symbolique). C’est la compréhension des phénomènes relationnels qui est importante et qui prend corps grâce à des positions différenciatrices et non interchangeables comme c’est le cas dans les lieux de vie. L’idée d’une thérapie à trois temps correspond aussi au cheminement « militant » et à un « trouvé-crée » de la fonction soignante dans l’institution, de la « technique » utilisée sans oublier que le rapport à la mort psychique dans une institution qui accueille des déments sur un long terme reste présent.

Pour acquérir la valeur d’événement externe puis interne, il faut recréer les conditions d’un environnement suffisamment bon pouvoir le revivre dans son environnement familial, en lien avec le lieu de vie et le lieu de soin , car la démence comme maladie du lien entraîne une rupture avec le groupe de référence. Cette rupture qui se concrétise par un placement (la place qui manque ?) et qui vient confirmer en retour, par les effets sur le groupe, que le rapport au groupe est permanent et soutient cette permanence.