14.3 Le Moi sans le Soi : un miroir démentifiant

Dans ce chapitre, l’idée de miroir démentifiant est avancée pour approcher la fonction médiatrice du miroir. En ce sens, l’échec de cette médiation produirait une véritable auto-destruction ; la démence de défense serait en quelque sorte un ultime bouclier contre la mort psychique.

J. Messy (1985) fait le lien entre le vieillissement et l’image de soi. Cet auteur parle de «miroir brisé» pour mettre en évidence les images négatives perçues à partir du rapport au miroir. Cette notion de «miroir brisé» serait-elle à l’image de la pensée brisée, pensée démantelée dans la démence ?

Sur un autre plan, la notion de «miroir effacement» nous est apportée par J. Maisondieu (1994) dans ses différents écrits sur la démence. En particulier, lorsqu’il nous montre que le dément se comporte «comme un mort vivant» et qui «s’exclut du réseau symbolique» Cette idée de « miroir effacement » correspond au trajet inverse d’un miroir développement observé chez l’enfant.

Ces deux auteurs font référence, implicitement, au «stade du miroir» (J. Lacan, 1966) qui établit «le rapport fondamentalement narcissique du Sujet à son moi». Ils soulignent, également, le rapport projectif entre la personne âgée et son interlocuteur, en mettant l’accent sur la nécessité d’interroger notre propre vieillissement, notre attitude face au vieillissement des autres, et sur la nécessité d’interroger nos propres réactions contre-transférentielles. Cette approche du vieillissement nous confronte à la perception et à la projection, un jeu de miroirs, qui renvoie à un regard porté sur soi-même (le soi, le même ?). Jeu de miroirs, au pluriel, qui renvoie également à la peur du négatif, du vide, de la mort, et du refus de s’identifier au sujet âgé dément qui « réverbère » notre propre haine destructrice, héritée de la pulsion de mort qui teinte la relation d’agressivité. Ce retour aux sources, à l’originaire projeté par le sujet âgé et perçu par nous, nous montre une certaine destructuration du Moi et dénonce en quelque sorte la possibilité de faire de la prévention des « mauvais » vieillissements.

Nous pouvons oser la comparaison entre le soi et le moi avec l’ADN et l’ARN qui se dédouble et donne une image. L’image de «l’anté-miroir» correspondrait à l’échec de la représentation de soi, par absence d’une copie de soi en terme de représentation du fait de la perte de sens de l’expérience qui n’a pas pu s’intégrer, qui n’a pas pu se saisir.