ANNEXES

Schéma du prisme

Le schéma du prisme et celui de la bobine est une illustration du rôle joué par le groupe dans la psychothérapie des sujets âgés déments et rend compte du passage d’une modalité individuelle à une modalité groupale de prise en soins. La notion de réverbération est une façon de nommer la projection dans la relation duelle, projection qui peut être massive d’affects. Or un des principes de fonctionnement reste l’écoute qui laisse parler l’affectivité. C’est même la condition de relance possible de l’investissement de soi et du travail de la pensée. L’affectivité vieillit peu, c’est ce que nous enseigne la pratique clinique, et elle survit largement à la détérioration du langage verbal. Ces patients sont d’ailleurs hypersensibles à l’ambiance de l’environnement immédiat.

L’approche par la voie du contre-transfert permet de nous interroger le lien vivant, fragile entre le patient et le soignant afin de nous aider à accéder à leur vie intérieure sans trop s’y perdre. Le passage par un autre dispositif que le face à face se justifie car le groupe aide d’abord le psychothérapeute et rend compte de la façon dont il symbolise sa rencontre avec le patient dément : même si parfois la dynamique groupale est faible. Ce dispositif est un soutien dans la durée et une aide à un travail de symbolisation de la souffrance et il rend compte de l’approche théorique et des possibilités de créativité et d’exploration des différents champs.

Le groupe « Nommons les choses » montre que le groupe fonctionne comme un prisme avec l’utilisation du support d’un tableau mural source d’attraction des éléments projetés par le prisme.

Avantage= disperser la lumière en fonction de la gamme d’ondes.

Chaque individu va percevoir ce que l’autre dépose en lui, en fonction de sa propre perception, tel qu’un miroir qui va refléter la couleur bleue parce qu’il n’y a que le bleu qui rentre en résonance avec sa sensibilité à ce moment précis. Avec des lunettes vertes, je perçois la couleur verte, et ainsi en position dépressive, je ne perçois que la tonalité dépressive.

Restitution (interprétation)= A D1(patient dément) qu’il est constitué de l’ensemble des composants que le groupe a réfléchi sous forme d’ 1, 2, 3, 4, etc.…

Une fois ce travail accompli dans le groupe, avec d’abord une prise de conscience par le psychothérapeute que D1 est composé de 1, 2, 3,etc… après il est possible d’effectuer un travail de restitution individuellement pour chaque patient et lui permettre de sortir de son propre éblouissement en lui restituant cette part reconstituée pour éviter l’effet boom-rang de la réverbération. L’appareil psychique groupal sert ici de pare-excitation.

Comment le dément s’adresse à nous, à moi ?

La réponse est-elle strictement individuelle ?

---Dans le face à face

---Dans le groupe

s’il existe un changement dans le cadre, le support, l’étayage alors la fonction contenante est perdue=fuite du patient dément.

S’il y a un trop pleins d’émotions et d’affects alors le conteneur=la bobine groupale va transformer ces éléments en éléments alpha. Fonction de recueil et de transformation. Pour sortir du modèle de l’imitation, les autres patients renvoient que je ne peux pas être son modèle (exprimé par le comportement et par la parole) car le groupe fait paravent à cette tentation d’imitation du modèle (fonction copie) et oblige à une attitude d’individualisation pour redevenir quelqu’un de différencier parce que nous sommes plusieurs à lui parler et en retour je me sens mieux entendu par plusieurs « oreilles »=témoin que quelque chose se passe.

Dans le groupe centré sur le mode imitatif (cf. éléments cliniques), le patient qui se retrouve seul face à sa feuille blanche pour peindre reste sans capacité d’expression et l’imitation du sujet « sain » ne fonctionne pas car le patient reste indifférencié. Pour que cela fonctionne, je dois me diriger vers l’autre, me rattacher à lui, me raccrocher d’abord pour me sentir exister. Je vais exister si je répond à la consigne d’imitation mais cette consigne n’a pas de sens en soi, alors je me met à imiter n’importe quoi et je reste dans l’immédiateté. Dans un cadre ça donne un sens du fait des résonances et de la capacité de restitution et de transformation.

L’accompagnement dans la durée des sujets âgés déments nous confronte à une psychologie des limites qui correspond à une clinique de la régression. La notion d’un chez-soi dans la démence correspond à la recherche d’une intériorité pour garder ou retrouver le contact avec soi-même. Cette clinique est basée sur la présence de quelqu’un doté d’une fonction d’écoute maternelle. En ce sens la clinique de la démence confirme que l’appareil psychique se construit dans la rencontre et dans l’intersubjectif. L’idée d’une bobine de groupe à l’image de la bobine freudienne est à l’image de la création d’un lien et de l’instauration d’un jeu relationnel.

Il ne s’agit pas seulement de création mais d’abord de se mettre en lien. La création du lien et le maintien de ce lien en tenant compte de l’involution de cette pathologie nécessite des aménagements dans le dispositif de la rencontre.

Quel individu pourrait vivre sans lien à un autre être humain ? Ce sont nos offres de soin, nos réponses à ce qui est dit et pas seulement avec des mots, qui maintiennent ce lien et permettent un travail de reconnaissance identitaire et une continuité du sentiment d’exister. Des médiations sont nécessaires comme activités de soins car dans le travail individuel la fonction tierce fait défaut, c’est-à-dire qu’il faut rétablir un support au travail psychique. Ce support a pris la forme du groupe, mais aussi de la vidéo et de la présence d’un observateur avec une prise de notes fidèle du discours des patients en interaction. C’est ce qui constitue un cadre de travail.

Les groupes à médiation permettent d’ouvrir à nouveau sur l’imaginaire qui est une façon de se projeter dans l’avenir et d’être à nouveau quelqu’un. C’est aussi un dispositif pour pouvoir continuer d’accompagner les personnes démentes dans l’évolution de leur pathologie le plus longtemps possible et se donner un dispositif pour pouvoir penser et en particulier la fonction de méconnaissance liée à la notion de réverbération. C’est aussi un lieu et un temps pour faire exister nos représentations au sein du groupe pour permettre un « dégel » de la pensée. Le groupe permet de garder une proximité sans que l’autre ne se sente menacé. Le cadre de ces groupes s’est d’ailleurs construit au fur et à mesure des rencontres. Ainsi a pu apparaître peu à peu les différents niveaux de complexité de ce que l’expérience de travail en groupe a pu mettre en évidence.

L’idée du prisme développée dans la troisième partie devient un outil de représentation qui passe par l’auto représentation de soi pour se sentir, se voir, s’entendre en présence de quelqu’un. Cette auto-représentation se constitue au fil des rencontres et permet de penser et d’agir à sa manière en se différenciant peu à peu d’une simple copie de modèles pour aller vers une figuration de soi c’est-à-dire un certain travail de symbolisation. Pour que chacun puisse donner du sens à l’expérience actuelle et réintégrer ce travail commun dans une histoire.

Si la démence se présente comme la maladie du lien, l’approche psychothérapeutique, ici en questionnement, concerne la problématique du sujet dément. C’est ce qu’indique le titre de ce travail «subjectivation et intersubjectivité recrées dans la démence : Contribution à l’étude des psychothérapies du sujet âgé dément».

L’intersubjectivité est la prise en compte de la souffrance du sujet âgé qui se divise en se démentifiant, en perdant son espace psychique entre son être et son double spéculaire. La démence signe la perte par «dé» privatif, et «mens» esprit ; perte de la raison.

L’approche par la groupalité est une manière de restituer au patient une place et un temps pour se réapproprier ce qu’il ne peut nommer et penser et ce à voix haute.

La clinique, telle que je peux essayer d’en rendre compte pour moi-même et pour les autres montre que la capacité de se mettre à l’écoute relance la capacité de s’investir en tant que sujet désirant. Ce travail passe par le plaisir à penser, à échanger, à produire et à s’intéresser à soi par le détour de quelqu’un, un quelqu’un qui a une fonction d’écoute maternelle. Le travail de création se situe dans la création d’un lien dont le point nodal est ce qui nous organise comme être humain.

La méthodologie est celle de l’observation clinique, c’est la dynamique d’une recherche exploratoire et théorique, plutôt que démonstrative et statistique. Dans la perspective psychothérapique qui est la mienne, mettre l’accent sur la détérioration cognitive, de la mémoire en particulier serait un peu à l’image de l’arbre qui cache la forêt. Les plaintes, les souffrances exprimées et par le patient et par son environnement familial interrogent du côté de la blessure narcissique individuelle et familiale tant l’événement démence fait traumatisme. Ce fil rouge, dénoué par la démence est difficile à suivre tellement il nous pose des questions du côté de la perte, de la séparation, du manque et tellement il me pose la question de voir son semblable s’absenter de lui-même. C’est ce qui justifie, à mon sens, une approche par la voie du contre-transfert en regard d’un sujet en situation non plus de dégénérescence mais de dégénération.

Car la démence vient dénouer les fils qui ont été tissés par le lien familial.

Un mouvement transférentiel intense s’instaure alors.

Le sujet dément nous invite à être au R.D.V. de la rencontre. Un travail de co-lecture s’engage : cela signifie une lecture de la rétrospective de vie, de l’histoire de vie ; comment ce lien a été noué et construit ? et d’autre part un travail de reliure de ce qui fait retour auto-destructeur car la confrontation entre soi et son double est mortelle. Ce qui fait retour est peut-être aussi cette non reconnaissance par l’autre figurée par l’échec de la sénescence.

J’ai supposé que «la mémoire re-vient en présence de quelqu’un» en m’appuyant sur l’idée que la mémoire se constitue aussi en présence de quelqu’un. C’est souligné fortement l’importance de la qualité de l’investissement du thérapeute qui anticipe sur la qualité de la relation à venir. L’investissement détermine la capacité à être en lien, dans le jeu, dans le symbolique.

Dans le cadre psychothérapique, j’ai fait l’hypothèse également de la capacité d’être seul dans le groupe sur le mode de la capacité d’être seul qui comme vous le savez est la capacité d’être seul en présence de quelqu’un. Il s’agit là de la figuration d’un sentiment de solitude positivement vécu, et j’ajouterai d’un narcissisme suffisamment positif et investi.

La démence se présente de l’autre côté du rapport au miroir que j’appelle l’anté-miroir. L’anté-miroir représente-t-il l’antémémoire c’est-à-dire la mémoire groupale-familiale ?

Nommons les choses

Séance du 14/11/91 (19ème séance)

Le temps. Il faudrait dire le temps au pluriel. Le temps socialisé est la norme de référence : l’horloge divisée en heures, minutes et secondes. On lui oppose le temps intérieur ou le temps vécu ; c’est un temps inégal où une minute peut paraître une heure et vice versa. Le temps biographique…le temps du désir (celui de l’enfance). Pour chacun c’est un temps enchevêtré où le passé est dans le présent. Le temps à rebours… Dans le groupe nous illustrons cette notion du temps par le jour (lumière, clarté, ouverture) et la nuit (l’obscurité, le soir, la solitude, les lunettes, mais aussi la fête, les bals, les spectacles). Melle M. chante le jour, la nuit « j’attendrai ton retour ». Mme S. parle d’un chanteur disparu, Y. Montand. Nous évoquons alors E. Piaf et spontanément Mr G. chante alors : « non, je n’ai rien oublié ». Chacun participe et se sent concerné personnellement par le thème d’aujourd’hui, le niveau d’écoute et de concentration est étonnant tout comme les possibilités de nommer les choses.

Un simple trait horizontal sur toute la largeur de notre objet commun, le tableau vert avec comme sous-tendu l’idée du temps. C’est le dessus terrestre comme le dessous, c’est la légère frontière du rêve et de la réalité. C’est encore le dedans et le dehors. C’est une compréhension plus qu’à une explication et surtout une continuité dans l’histoire de ce cheminement collectif.

A noter l’importance du regard dans ce groupe de l’autre comme miroir. Notre regard aujourd’hui se porte également sur la notion de couple, de paire, de double (jumeau) et leurs opposés, la solitude, l’impair…c’est aussi la question centrale d’un couple qui a pu exister et qui a été séparé (maladie, veuvage, divorce). C’est encore la question du rapport d’un individu avec son groupe d’appartenance, le cantou ou les groupes. Ce qui est mis au premier plan reflète la répétition de fonctionnements (expériences anciennes) nouveaux qui suivant le cas se traduisent par une mise en cause de l’équilibre personnel. Nous terminons la séance sur « l’être ensemble » passage, médiation du couple au groupe (fonction d ‘étayage) : être ensemble c’est être les uns avec les autres et « en se respectant » ajoute Mme V.

Nommons les choses

Séance du 18/07/91 (9ème séance)

C’est la première fois, en l’absence de trois personnes dans le groupe, qu’une participante demande « de faire un album souvenir ». A la fin de la première séance de ce groupe cette même patiente avait demandé une photo du tableau. Cette demande entraîne la question des multiples séparations ainsi que le thème de la vie, de l’amour et de la mort. Comment chacun peut affronter son existence ? Nous avons relier et verbaliser l’idée d’effacer le tableau à la question de la séparation en fin de chaque séance et c’est aussi accepter de perdre quelque chose pour gagner autre chose.

La séance de ce jour tourne autour de la question : « faire un groupe ». « Que faut-il faire ou il n’y a rien à faire ? » demande Mr. G. et Mr. B. tente alors de prendre la place de leader en proposant aux autres de faire un groupe. Schématiquement le déroulement de la séance se fait par période de silence et par période de prise de paroles à plusieurs. Melle A. souligne son impatience par cette expression « qu’est-ce-qu’on peut faire ? «

Peu à peu le groupe Nommons les choses prend tout sens par la constitution et l’aménagement d’un espace à la fois intérieur et commun partagé dans le remaniement d’une parole maintenant nommée et adressée à quelqu’un. Nous sommes plus de deux pour le dire.

Nommons les choses

Séance du 13/02/1992 (29ème séance)

Voir, un seul mot qui a mobilisé l’attention d’une assemblée pendant une heure. Et on découvre la richesse des associations de tout un groupe autour de la notion de vision-regard mais surtout sur la notion vision-relation. Plusieurs personnes peuvent témoigner individuellement de cette importance vitale à l’égard des autres, c’est-à-dire une façon d’être en contact (parole, écoute). ON peut voir avec les yeux autant qu’avec les mains ou les sentiments. Par la mémoire :»une petite boite, on peut enregistrer des informations et s’en servir le moment voulu» nous dit madame B. On peut parler avec quelqu’un mais aussi de quelqu’un en son absence. La mémoire nous permet de rendre l’autre présent. L’expression « être dans le brouillard » de monsieur R. en dit long sur la façon d’entendre le mot voir. Ce qui amène le groupe à la notion de peur de vivre et non celle de mourir. Il y a un ensemble de paroles qui reflètent la peur de la peur et qui plonge la personne dans le flou. Cela « ouvre des voix (es) » conclut mademoiselle M.

Nommons les choses

Séance du 02/04/1992 (36ème séance)

L’évolution de ce groupe montre le désir d’avoir un projet différent d’un projet de rééducation. Les participants de cet atelier ne sont pas de simples consommateurs d’animation, voir d’apprentissage du langage ou de la mémoire. Au contraire, il y a comme un retournement (consommateur-acteur) qui « m’oblige » dès le début de la séance à modifier le thème prévu. Plus encore ce n’est plus le thème comme support mais le lien entre les personnes qui devient support. Les membres du groupe deviennent ceux qui savent (les professeurs) car il y a un renversement des rôles. Le groupe ainsi s’est (re) approprié ce qui lui appartient ici et maintenant en faisant revivre son histoire. Le thème est utilisé alors comme support de l’histoire des individus avec des évocations précise des faits marquants du passé, accompagnées d’une émotion. En cela l’atelier devient lieu de soins puisque lieu de parole dans la dynamique de groupe. Le thème, la main et sa symbolique se transforme en récolte collective ou chacun peut laisser la trace de son empreinte sur le tableau. A partir de l’association de mots et d’idées sur la main (communiquer, toucher, agir, caresses) mademoiselle V. évoque le drapeau porté par la main de son père mort en 1916 pour la France. Ce qui nous perme t de resituer son père, Pierre avec tous les honneurs et une certaine jubilation de cette patiente applaudie par les participants. Personne n’a posé sa main au hasard sur le tableau, «la main gauche celle du cœur» dit mademoiselle V. Chacun fait son commentaire, pas de désorientation spatiale, pas de comportement dément. Madame C. arrive au tableau et désigne une main, elle pose sa main à côté et dit : «ma main à côté de celle d’Henri» et d’ajouter «c’est la main de mon mari» (la main du patient qui porte le même prénom que le mari de madame C. Ce qui nous donne à penser que lorsque la vie affective, émotionnelle, réapparaît, les personnes dites démentes redeviennent, l’espace d’une séance, cohérentes et dans une certaine altérité. J’existe par rapport à un autre et la présence de cet autre absent peut exister à nouveau ; elle est figurée dans le groupe à partir de l’image globale de la main des 8.

Séance proche d’un groupe de parole dans la richesse du vocabulaire et l’expression des idées et des sentiments.

Des événements sont revécus dans ce nouvel environnement (le groupe) mais en référence à des lieux et à des personnes autres. L’intensité affective reste forte malgré les années d’écart et une patiente ajoutera «le résultat est le même». Notre projet est bien dans ce fil là puisqu’il s’agit de mobiliser ce qui est à l’intérieur, c’est aussi accorder du sens à la parole.

Ce groupe a fonctionné pendant 68 séances jusqu’au 26 juin 1992.

Groupe de parole

Séance du 17/09/1992

Entrer dans le cercle du groupe ; un patient qui déambule, un autre qui refuse de s’asseoir. Monsieur C. demande s’il s’agit d’une maladie contagieuse ? et de nous dire encore «la longueur de la vie nous est raccourcie». La vie relationnelle est raccourcie, mais c’est aussi une plainte «j’ai les mains qui tremblent» ou encore la difficulté de s’écouter : «on peut aller bien à condition de ne pas s’écouter» dit madame B. Est-ce la maladie de ne pas s’écouter ?

Puis un dialogue s’instaure entre monsieur C. et madame R. qui se transforme peu à peu en jeu de rôle mettant en scène deux personnages qui racontent leur histoire. «Personnellement je ne lâcherai pas la partie» (Mr ; C.), «non, vous ne sentez pas que vous perdez la vie, vous la maintenez. Avec votre façon de faire, de vivre, vous la conserver et vous irez jusqu’au bout. Je vais vous y conduire». Les deux participants se retrouvent face aux autres membres du groupe, puis une autre personne se lève à son tour, sourit, nous regarde et dit «j’ai besoin d’aller quelque part…» et le dialogue reprend : «Il est dans une autre vie… vous nous surprenez c’est dur de vous suivre» ce à quoi madame R. répond «il est difficile de se voir dans sa vie» puis se tourne vers monsieur C. et dit «revenez vers votre vie», «je ne suis pas complètement mort… c’est pas par hasard que vous vous trouver sur notre route».

«Ce sont de belles paroles, veuillez vous asseoir sur votre chaise» (Mme R.)

«merci madame, Dieu peut faire beaucoup»

«de quoi avez-vous envie ?»

«j’ai peur…quand on meurt, on se bat, il faut se révolter»

«J’ai peur de mourir (en écho), je fais la démente, ah un dément c’est pas si dément que ça !».

La séance se termine par des pleurs de cette patiente qui exprime sa recherche «d’un récipient accueillant».

Groupe de parole

Séance du 31/10/92

Petit à petit et suivant le rythme respecté du tempo du groupe, chaque participant s’engage peu à peu pour parler de soi. Madame H. compare le groupe à un théâtre, c’est la vision de deux peintures murales dans la pièce qui lui fait évoquer cette comparaison. Ensuite elle peut définir ce temps de groupe : «c’est un lieu pour parler et dire ce qu’on veut, c’est bien pratique…». A ce moment un patient nous dit que «l’horloge va trop vite»…»je suis (sais ?) ou on veut en venir, le cœur bat fort après ça devrait reprendre son allure habituelle, c’est le cœur d’après le docteur». Chacun est invité à s’exprimer sur sa perception des peintures exposées dans la pièce pendant qu’une patiente nous affirme qu’il n’y a rien à voir. Madame P. pense au temps où elle était encore une enfant. Cette patiente nous dit aussi qu ‘elle n’admet pas que ses enfants volent de leur propres ailes et ajoute après un long temps de silence «rendez-moi à ma vie idiote…» surtout ne pas rompre le fil et chercher une cohérence pour lutter contre la co-errance. Une patiente sait bien mais quand même : «pour continuer d’aimer, il faut garder ses parents vivants.»

Groupe de parole

Séance du 24/09/1992

Le thème de la séance tourne autour de la dépendance et de l’enfermement à partir de l’évocation des vacances, des séparations. Une patiente a changé de coiffure ce qui est remarqué par certains : «ça vous rajeunit» …»j’ai opté pour ici». «dans ma cervelle, je me pose des questions, comment ça se passe». Cette patiente a la coiffure changée a peur de «se faire mal valoir par le groupe». Madame P. dit alors qu’elle me reconnaît «vous êtes le fils de la maison». La séance se continue sur le thème de la perte, avec des «voiles moyenâgeux» qui apparaissent comme le terme «galimatia» puis cette patiente qui en fin de séance fait le tour du cercle en touchant chaque personne et nous dit «je veux quitter le cercle qui est un carré».

Groupe de parole

Séance du 28/02/93

Nous avons depuis plusieurs séances proposer d’adresser à chaque membre du groupe une invitation écrite chaque semaine pour rappeler l’heure et le jour de rencontre. Madame M. se plaint de n’avoir pas été prévenue suffisamment tôt pur sa participation. Elle parle d’événements. Madame S. Nous parle ce jour des soins qu’elle a apporté à son papa mort des suites d’un cancer des poumons, elle situe cette période 40 ans en arrière vers 1954 et se demande comment elle aurait pu sauver son papa. Le travail associatif est lancé et en même temps la patiente est interrompue par sa voisine «moi, c’et l’Algérie qui me hante, l’Algérie mon enfance, ma jeunesse, et entre les deux guerres ; mes grands-parents avaient des postes importants et moi petite…» Madame C. prend ensuite la parole «maintenant je peux continuer…la dernière de 8 enfants, à l’école vers 9/10 ans. C’est drôle, il me manque une lettre pour faire une phrase, je suis plutôt un peu dure, pas souple, y a que eizeinover (alzheimer ?) qui fait pas souffrir…j’ai du mal à regarder…en dedans, oui ça fait comme une enflure c’est incurable».

Groupe de parole

Séance du 20/03/1992

57ème séance

Qui l’aurait cru ? A cette question restée sans réponse madame C. répond qu’elle a versé de l’argent ici (dans le groupe) et qu’elle est sans le sous : «c’est un groupe sans parole» nous dit-elle. Puis monsieur R. se lève et (lui) demande : «pour vous qu’est-ce qui ne va pas ?» «c’est la santé» répond madame C. , «je suis tombée 2 fois sans le savoir euh… sans avoir pourquoi». «Qu’est-ce qui ne va pas chez vous madame BOSS dans votre famille ?» «c’était un enfant atteint de la maladie d’ezheinover ; chaque fois qu’il cherche un mot, il ne le trouve pas en disant :je sais, je sais». «chez-moi aussi rien ne va», «ah, je ne suis pa sà mo,n aise ici» moi, «je suis malheureuse parce que mes enfants sont partis, je suis en dehors de toute ma vie». «j’ai honte d’en arriver là, je suis une vieille femme… c’est monstrueux» ; «ah oui, nous sommes dans le brouillard , et tout est mélangé en moi». «c’est plus facile de se dérober… de soi-même».

«continurer si vous voulez mais moi je m’en vais ou donner une page de guérison».

Les groupes médiatisés représentent un étayage à la verbalisation et à la symbolisation (projet écrit par alain sagne en janvier 1991).

En préliminaire nous dirons que plus l’autonomisation psychologique est faible et plus il nous faut être attentif au cadre et à l’environnement.

Les soignants de l’institution gardent en tête le souci de répondre aux capacités et aux demandes de chaque personne. Comment peut-on faire ou faire dire indirectement au lieu de parler, lorsque la parole devient défaillante ? C’est pour cela que nous voulons mettre à la disposition des patients différentes médiations.

Des sous groupes sont crées et nécessitent la multiplicité des dispositifs. La toile de fond de ces groupes est relationnelle.

Quels sont les différents groupes ? (nature de la médiation) (cf. Page 10 des annexes).

Cadre de référence de ces groupes :

L’évolution de la réflexion autour des modalités de prise en charge des patients a permis de penser un dispositif de groupe à médiations comme outil plus adapté à la capacité des patients et pour les accompagner dans la durée.

La création de ces groupes médiatisés dépend de l’organisation psychique actuelle de chaque personne :

Quel médium choisir pour telle personne ?

Pourquoi en groupe ?

Nature de la médiation ?

Nous pouvons situer ces médiations à partir des possibilités d’utiliser ou non le langage verbal, pour transmettre quelque chose de soi.

Certaines personnes peuvent exprimer leur réalité interne avec des mots sans le support d’autre chose. La médiation est le langage, c’est-à-dire la capacité de jouer avec les mots. Par exemple ; j’ai mal au cœur, j’ai le cœur gros signifie je suis triste (groupe de parole, gardons le contact).

D’autres personnes n’ont pas une capacité suffisante de transférer dans le langage quelque chose de leur réalité intérieure et de leur capacité psychique. Il faut un support matériel de choses pour que la réalité intérieure s’exprime par la présence concrète d’objets. Ces personnes gardent la capacité de donner vie à l’objet, de le transformer et d’en faire un objet de relation (donner/recevoir) (groupe nommons les choses et groupe peinture/paysage intérieur). Il s’agit de passer de la représentation de choses à la représentation de mots. C’est aussi travailler sur la notion de figuration, d’images visuelles pour favoriser la mise en représentation.

D’autres personnes ont perdu la capacité d’utiliser le langage verbal et ces patients ont des difficultés pour animer les objets. Le soignant se prête alors comme objet de relation, et devient objet de médiation. Il prête à autrui en quelque sorte sa capacité à représenter les choses/objets (groupe découverte, mouvement). Une mise en groupe qui permet d’aider à retrouver les sensations à travers le mouvement du corps et une partie de son identité. Il s’agit de favoriser le vécu, l’estime de soi, la confiance en soi. C’est aussi apprendre à utiliser le matériau terre pour passer d’une activité répétitive, compulsive voire d’absorber la terre ou boire l’eau de la peinture au sens donné par le regard et la parole. C’est un mouvement de transformation contre un mouvement de destruction.

Les photos des pages suivantes illustrent le cheminement et l’évolution des groupes corps et peinture paysage intérieur qui montrent l’évolution des productions individuelles et de groupe qui passent par un temps d’imitation (fonction copie) de l’animateur du groupe, avec des séances de dessin centré sur la connaissance du schéma corporel puis les productions en groupe progressent vers l’image de soi, l’image de son corps à la découverte de son paysage intérieur.